Les métropoles captent les nouveaux emplois au détriment des villes
Les métropoles captent les nouveaux emplois au détriment des villes
Par Martine Jacot
Selon France Stratégie, les grandes aires urbaines attirent de plus en plus d’emplois, surtout dans les nouveaux métiers. Et cette « métropolisation » devrait se poursuivre.
Depuis 1999, les créations d’emploi se concentrent sur les grandes métropoles françaises plutôt que sur les villes. | Crédit : iStock
L’évolution est « inédite », observe France Stratégie, l’organisme d’analyse et de prospective rattaché au premier ministre, dans sa dernière étude. Au XXe siècle, « l’exode rural a profité à toutes les villes, petites et grandes » et l’expansion du travail salarié a bénéficié à tout le territoire. Mais à l’aube du XXIe siècle, un tournant s’est produit : à partir de 1999, les métropoles – aires urbaines de plus de 500 000 habitants – ont commencé à capter davantage de créations d’emplois que les villes. « Entre 2006 et 2013, les écarts prennent de l’ampleur avec le décrochage des aires urbaines de moins de 200 000 habitants », la crise de 2008 ayant sans doute accentué la tendance, relève l’étude publiée mardi 21 février.
« Spécialisation spatiale du travail »
Résultat, les métropoles, qui concentrent actuellement environ 40 % de la population française, « rassemblent près de 46 % des emplois, dont 22 % pour la seule aire urbaine de Paris et 24 % pour celles de province », tandis que les villes moyennes et petites subissent des pertes. Explication : les métropoles profitent davantage de la tertiairisation, de l’économie de la connaissance et des nouvelles technologies. « En 2011, 85 % des ingénieurs de l’informatique, 75 % des professionnels de l’information et de la communication et 69 % du personnel d’études et de recherche y sont localisés », indique France Stratégie.
A contrario, les villes de moins de 100 000 habitants sont plutôt positionnées sur des métiers en perte de vitesse (ouvriers, employés, agriculteurs) et ont plus fortement pâti de la « désindustrialisation prononcée de la France ainsi que de l’érosion du système productif ». En d’autres termes, la « spécialisation spatiale du travail » en cours profite aux métropoles.
Le tableau est à nuancer parmi les aires urbaines, précise l’étude. Si les métropoles de Toulouse, Montpellier, Nantes, Rennes, Bordeaux et Lyon ont créé de nombreux emplois entre 1999 et 2013, Lille et Strasbourg en ont attiré moins, Rouen en a perdu et Paris a connu une dynamique moins favorable que les métropoles de province.
D’ici 2022, la « métropolisation » à l’œuvre en France devrait se poursuivre, anticipent les experts de France Stratégie, alliés à ceux du ministère du travail et de l’emploi (Dares). « L’enjeu est de savoir, estiment-ils, si cette dynamique des métropoles est susceptible d’irriguer les territoires avoisinants », ce qui dépendra beaucoup de la capacité de ces derniers « à faire réseau avec les métropoles ». « Un mouvement de déconcentration de certains métiers ou activités vers des aires urbaines de taille plus réduite contribuerait à ce rééquilibrage », concluent-ils.
La publication de cette étude intervient quelques jours après l’adoption définitive d’une loi portant de quinze à vingt-deux le nombre d’aires urbaines ayant le statut de métropole.
Ce statut leur procure une fiscalité propre et leur ouvre davantage de dotations de l’Etat pour de grands équipements. Il leur permet aussi une mutualisation des services. A condition que les communes qui composent ces métropoles l’acceptent, si possible toutes ensemble.