Transparence sur les collaborateurs : les députés qui ont joué le jeu… et les autres
Transparence sur les collaborateurs : les députés qui ont joué le jeu… et les autres
Par Mathilde Damgé, Anne-Aël Durand, Maxime Vaudano
Nous avons demandé aux élus de préciser les éventuels liens familiaux avec leurs employés. La droite et l’extrême gauche ont assez peu répondu, l’extrême droite a totalement ignoré notre demande.
L’émoi provoqué par la révélation des emplois fictifs supposés de l’épouse et des enfants de François Fillon ont mis la question des collaborateurs parlementaires familiaux au cœur de la campagne présidentielle.
Nous avons décidé de collecter des données qui, pour l’instant, ne sont pas encore publiques, en contactant, le 17 février, l’ensemble des députés par courriel, en leur demandant de préciser leurs éventuels liens familiaux avec leurs employés à l’Assemblée nationale, à Paris ou en circonscription.
A l’issue du délai d’une semaine que nous nous étions fixé, près de deux cents réponses, sur les 572 députés en exercice actuellement, nous permettent d’affirmer que le centre – que l’on retrouve dans le groupe parlementaire UDI et des non-inscrits – est de loin celui qui joue le plus le jeu, avec un taux de réponses de 50 %.
Les écologistes et la gauche – qui se répartissent entre les non-inscrits (EELV et apparentés PS) et les groupes RRDP (radicaux et apparentés PS) et SER (PS et EELV) – ont, eux aussi, répondu à raison d’environ 40 % de leurs troupes.
Les Républicains et l’extrême gauche sont parmi les moins répondants, tandis que l’extrême droite a totalement ignoré notre questionnaire.
Les Décodeurs
Contradictions avec la loi sur la transparence
Autre enseignement de ce premier décompte : sur les 291 députés ayant voté la loi pour la transparence en 2013, près de la moitié (138) ne nous ont pas répondu. Le Parti socialiste ayant massivement soutenu ce texte, ce sont donc sans surprise des députés de gauche qui s’affichent dans cette liste des parlementaires pris en pleine contradiction.
Les députés qui ont voté les lois sur les transparence mais n'ont pas répondu au questionnaire #TransparenceAN. | Les Décodeurs
Heureux hasard des agendas, nous avons pu croiser nos réponses avec la liste de l’ensemble des collaborateurs des députés qui a, entre-temps, été mise en ligne sur le site de l’Assemblée nationale. Cette liste nous a permis de compiler les noms de famille identiques et de coupler ces données avec des informations « ouvertes » (en particulier l’enquête de nos confrères de Mediapart) ainsi qu’avec les réponses des députés quand ils ont accepté d’éclaircir certains points.
Certains députés ont estimé que, par principe, notre enquête présentait peu d’intérêt et relevait du voyeurisme. L’assistant de l’un d’entre eux a même annoncé avoir déposé plainte contre Le Monde, affirmant que « la constitution et la publication d’une telle liste est tout simplement illégale » (en réalité, la CNIL prévoit une exception dans le traitement des données aux fins de journalisme).
Echanges transparents avec les permanences
Il est à noter, toutefois, que si certains députés ont affirmé ne pas avoir reçu notre courriel, qui s’est parfois perdu dans les courriers indésirables, les contacts par téléphone, notamment dans les permanences, ont presque toujours donné lieu à des échanges constructifs et transparents, tant sur la nature des liens familiaux avec certains collaborateurs que sur celle des contrats.
Car les dates d’embauche et la nature des contrats (CDD, CDI, temps plein, temps partiel) déterminent le niveau de salaire auquel les assistants peuvent prétendre et les avantages dont ils peuvent bénéficier, primes d’ancienneté et indemnités de départ, comme l’a souligné le député François Scellier dans un échange de courriel :
« Ce qui est important, c’est de savoir si le contrat d’embauche est à temps plein ou à temps partiel ou à temps même très partiel pour telle ou telle tâche déterminée… Et, bien sûr, au regard de cela le niveau de rémunération en fonction de la tâche et de la qualification ! »
Or, ces informations ne figurent pas dans le document publié cette semaine par l’Assemblée nationale – ce qui fait regretter à beaucoup de députés et de collaborateurs « un exercice de transparence inachevé », selon l’expression de plusieurs élus avec qui nous avons échangé.
Engagements de campagne
C’est en tout cas à la faveur de cette actualité que la question a fait son entrée dans la campagne présidentielle. Benoît Hamon s’est engagé le 16 février, s’il est élu, à interdire l’embauche de tout collaborateur familial (c’est déjà le cas au Parlement européen et dans des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou la Turquie).
Le candidat PS a aussi promis d’obliger l’ensemble des parlementaires, et non plus seulement les membres du gouvernement, à déclarer leur patrimoine publiquement (actuellement, il faut se rendre en préfecture pour les consulter), et à donner le détail de l’utilisation de leur enveloppe de frais de mandat. Encore un effort de transparence supplémentaire à fournir pour l’Assemblée nationale.
Dans le même esprit, François Bayrou a conditionné son ralliement à Emmanuel Macron au vote d’une loi de moralisation de la vie publique, « notamment sur la lutte contre les conflits d’intérêts ».
Le 22 février, le bureau de l’Assemblée nationale a adopté la proposition de créer un groupe de travail sur les questions de déontologie, notamment les règles d’emploi des collaborateurs parlementaires ou l’utilisation de l’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM).
Et aussi... #ParlementTransparent
L’émission « Quotidien » sur TMC a lancé le 9 février une opération aux visées similaires : #ParlementTransparent. La journaliste Valentine Oberti a écrit aux 925 députés et sénateurs pour leur demander s’ils étaient favorables à un contrôle renforcé de l’argent du Parlement.
Le 24 février, seuls 136 parlementaires avaient répondu.