Présidentielle : « Il demeure un vrai flou quand on parle des souverainistes »
Présidentielle : « Il demeure un vrai flou quand on parle des souverainistes »
Le Monde.fr avec AFP
Pour le politologue Gaël Brustier, le clivage entre souverainistes et partisans de l’Union européenne est visible depuis 1992 et la signature du traité de Maastricht.
A Nantes, le 26 février, au meeting de Marine Le Pen. | CYRIL BITTON / FRENCHPOLITICS POUR LE MONDE
Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen, François Asselineau ou encore Nicolas Dupont-Aignan… les candidats à l’élection présidentielle sont nombreux, lors de cette campagne, à prôner plus de protectionnisme et moins d’Europe. Ils sont notamment favorables à la renégociation des traités européens et pour certains à la sortie de l’Union européenne (UE) et de la zone euro.
Leur position face à la mondialisation sera ainsi l’un des sujets les plus clivants dans les débats durant cette campagne présidentielle. Pour le politologue Gaël Brustier, ce clivage entre souverainistes et partisans de l’UE dans le débat politique français date de 1992, avec la signature du traité de Maastricht.
Quand est apparu le terme de « souverainisme » ?
Le terme souverainisme a été importé du Québec par Philippe Rossillon [premier rapporteur général du Haut comité pour la défense et l’expansion de la langue française, en 1966] au cours des années 1990, alors que le référendum sur le traité de Maastricht a contribué à redéfinir le débat politique en France.
Les politiques budgétaires et monétaires sont européanisées. Le processus d’intégration européenne affiche l’objectif de sa propre démocratisation. L’idée d’un « déficit démocratique » émerge. Face à cet enjeu, et indépendamment de ce que signifie profondément le processus d’intégration européenne tel que conçu à l’origine, le débat public départage les partisans de l’intégration européenne et ceux qui considèrent que le cadre national est le cadre principal de la démocratie. On définit ces derniers soit comme nationaux-républicains soit comme souverainistes.
Ce terme de souverainiste a ensuite pris de l’ampleur après la campagne aux élections européennes de Charles Pasqua, en 1999, en étant promu par deux proches de l’ancien ministre de l’intérieur, William Abitbol et Paul-Marie Couteaux. Aujourd’hui, un candidat comme François Asselineau joue aujourd’hui plus sur ce clivage que sur celui de gauche et droite. Et Nicolas Dupont-Aignan joue sur le même registre.
Mais il demeure un vrai flou quand on parle des souverainistes. Par exemple, des identitaires d’extrême droite peuvent être qualifiés comme tels, alors qu’ils sont favorables à une Europe blanche entourée de barbelés, tandis que des responsables politiques plaidant simplement pour le respect de la souveraineté populaire au sein de l’UE peuvent écoper du même qualificatif.
Ce clivage entre souverainistes et pro-européens a-t-il remplacé tous les autres ?
Il n’y a pas que le clivage idéologique entre souverainistes et partisans de l’Union européenne. Le référendum sur le traité européen en 2005 a révélé beaucoup d’autres clivages : entre les pauvres et les riches, à l’intérieur même de la droite et de la gauche et également entre les métropoles et ce qui va prendre le nom de « France périphérique » à la suite des travaux du géographe Christophe Guilluy.
Mélenchon, Dupont-Aignan, Le Pen… veulent renégocier les traités. Est-ce que cela vous paraît possible ?
Il n’y a pas qu’eux qui veulent renégocier les traités existants. Mais c’est vrai qu’il y a plus de possibilités de négocier quand on est l’Espagne ou la France que quand on est la Grèce. On l’a vu en 2015. Mais pour négocier il faut connaître les subtilités du champ politique européen, il faut savoir ce qu’il s’y passe. Or, c’est ce qui manque chez les dirigeants français.
La méconnaissance du champ politique des autres pays européens comme celui de l’Espagne ou de l’Italie, est frappante. Enfin, c’est là le plus important, la méconnaissance de ce qu’est le processus d’intégration européenne est évidente. C’est ce dernier problème qui rend tout débat biaisé, car l’analyse en profondeur de ce qu’est l’Union européenne n’est pas faite.
Le fait qu’un candidat comme François Asselineau ait pu réunir 500 parrainages montre-t-il que les élus sont attirés par ces candidats critiques vis-à-vis de l’UE ?
Beaucoup d’élus locaux peuvent avoir le sentiment qu’entre l’Union européenne et les communautés de communes les choses sont moins simples et moins lisibles, que le pouvoir échappe aux citoyens et aussi aux « petits » élus.
D’autre part, les différents accords de libre-échange, parce qu’ils pouvaient toucher les services publics, ont été l’objet de campagnes qui ont sensibilisé les élus locaux.
Marine Le Pen a-t-elle pris la tête des souverainistes ?
Marine Le Pen et le Front national (FN) ne sont pas d’abord souverainistes. Les députés FN au Parlement européen de 1984 étaient favorables à l’intégration européenne. Cette question de l’Union européenne est une question relativement moins importante pour son électorat que l’immigration. Un électorat comme celui de Nicolas Dupont-Aignan est, comparativement, plus sensible à la question de l’intégration européenne.
Et aujourd’hui encore, à l’intérieur du Front national, il y a des dirigeants qui ne sont pas contre une Europe intégrée et le libéralisme, mais qui défendent plus une ligne identitaire. Cependant, depuis que MM. Séguin et Pasqua ont disparu ou que Chevènement ne participe plus activement à la vie politique française, personne n’a repris le relais de la critique de l’UE. Une partie du FN a alors investi ce champ qui était vide, c’est le cas de Florian Philippot [vice-président du FN].