#quoteoftheday, la méthode Coué
#quoteoftheday, la méthode Coué
M le magazine du Monde
Les accros des réseaux sociaux ne cessent de mettre en scène leur vie à coups de hashtags et de selfies, lançant la tendance (ou pas). Cette semaine, « la citation du jour » vue par Carine Bizet.
Aline Zalko
Les réseaux sociaux offrent l’occasion de réconcilier deux modes d’expression : les mots et l’image. Chaque jour, dans son fil Instagram, chacun croise son lot de #quoteoftheday (la citation du jour). Ça agace ou ça fait sourire, c’est selon, mais dans tous les cas, la vérité est souvent à l’opposé de ce qu’annonce la #citationdujour.
Ces gens qui publient, sur fond de chiot ou de lever de soleil, des motivations positives type « la vie est un cadeau », « si tu veux tu peux », « le premier pas est le premier geste de ta nouvelle vie » ? Eh bien, ils ont mis autant de temps que les autres à crawler hors du lit ce matin, ils n’ont pas envie d’aller travailler, ils se sont peut-être cogné l’orteil dans la table, ou alors il y a de grandes chances qu’ils soient sous antidépresseurs à force de se lever le spleen chevillé à l’âme. Leur bonne humeur, qui agace les lundis de pluie et de bouchon, n’est que le fruit d’une méthode Coué qui ne trompe que leur mère, qui les suit sur Instagram.
Sous forme de sarcasme
Le Web attire aussi les littéraires, ou plutôt les faux littéraires, qui hantent les sites pour compiler des citations par thème. L’amateur de #quoteoftheday entre un mot-clé et choisit une citation qui lui plaît sans vraiment connaître l’auteur, ni même prendre la peine de vérifier qui il est (au moins sur Wikipédia). Dommage, cela lui permettrait de comprendre certaines des réponses à son post, quand ceux qui ont vraiment lu les Mémoires de Winston Churchill ou n’importe quoi de William Burroughs font allusion à une œuvre de l’auteur cité. La citation du jour peut aussi être tirée d’un film. Au palmarès de l’extrait cinéphile, on trouve des chefs-d’œuvre virils, du genre Scarface ou Raging Bull, souvent cités par un homme qui souffre du « syndrome Jean-Claude Dusse » (le personnage gringalet et loser de Michel Blanc dans Les Bronzés), comprendre un type au travail routinier qui se déplace en trottinette pour adultes et cache son début de calvitie sous une casquette branchée.
Et puis, il reste celles sous forme de sarcasme, et là, soyons clairs : quelqu’un qui liste ses talents comme suit : « caresser des chiens, manger de la pizza, faire des histoires » gagne à être connu sur Instagram. Ne reste qu’à « regramer » ses meilleures sorties pour se distraire quand on est coincé dans une réunion interminable pleine d’amateurs de #citationdujour positives.