Douloureuse fin de bulle pour les fabricants de drones
Douloureuse fin de bulle pour les fabricants de drones
Par Jean-Michel Normand
Alors que les usages s’élargissent et que les investissements augmentent, les fabricants de drones civils affrontent un important trou d’air.
Le chaud, mais aussi le froid. Alors que se multiplient les nouvelles applications, que bourdonnent les projets et que se bousculent les investissements dans le drone civil, les fabricants d’engins volants sans pilote traversent un trou d’air qui en a déja fait disparaitre quelques uns et place la plupart des autres dans une situation délicate. Bref, leurs usages se multiplient, mais les drones eux-mêmes se vendent beaucoup moins bien que prévu.
Les usages se multiplient
Les études mettant en évidence l’avenir radieux de la filière drone s’accumulent avec une régularité de métronome. Le Boston Consulting Group prévoit un marché mondial de 37 milliards de dollars en 2035. Pour la France et à moins long terme, le cabinet Oliver Wyman table sur un chiffre d’affaires qui passerait de 36 millions à 88 millions d’euros entre 2016 et 2020.
Cet optimisme semble confirmé chaque jour par l’apparition de projets dans de multiples domaines. Le dernier salon de l’agriculture a célébré la contribution apportée par les drones à l’agriculture de précision (cartographier un champ pour déterminer précisément les quantités d’eau ou de presticides à utiliser, par exemple). Les applications humanitaires se multiplient dans les pays en voie de développement, notamment pour relier villages isolés et hôpitaux, transporter échantillons de sang ou vaccins ou encore accélérer le développement économique. Des drones sont d’ores et déja utilisés pour prévenir la présence de requins sur les plages australiennes ou repérer des nageurs en difficultés sur la côte basque. Des spectacles utilisent des essaims de drones coordonnés pour faire mieux que les feux d’artifice et les forces de l’ordre, aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni mais aussi la préférecture de Paris, recourent à ces « yeux dans le ciel » pour surveiller les manifestations ou assurer des missions de surveillance.
La livraison par drones, longtemps considérée comme une vaste utopie, fait l’objet d’investissements sonnants et trébuchants. Amazon mais aussi UPS, Walmart ou encore la Poste française mutliplient les expérimentations. Pour sa part, le constructeur automobile Daimler (Mercedes, Smart), qui a présenté un prototype de véhicule utilitaire destiné à servir de plate-forme pour drones, vient d’investir massivement dans la start-up Matternet spécialisée dans la livraison par drones. Sans oublier la multiplication, dans les médias, des images et vidéos capturées par drone.
Un drone de la marque chinoise Yuneec lors du Paris Drone Festival, sur les Champs-Elysees le 4 septembre 2016. | MIGUEL MEDINA / AFP
Les fabricants en difficulté
La tableau apparait infiniment moins optimiste si l’on considère les fabricants de drones. Au cours des derniers mois, un nombre impressionnant d’entre eux ont dû revoir leurs plan de développement à la baisse et sabrer dans leurs effectifs, voire jeter l’éponge. Lily Robotics, start-up américaine qui était parvenue à lever 34 millions de dollars et séduire 62 000 consommateurs en prévente avec un engin très prometteur, s’est effondrée et se retrouve en faillite.
3-D Robotics, constructeur américain de plus grande dimension, a dû considérablement ralentir son activité alors que Yuneec, le très ambitieux spécialiste chinois qui avait reçu un investissement de 60 millions de dollars de la part d’Intel, doit se séparer de plus de la moitié de ses salariés en raison de la mévente de ses produits. Autel Robotics a aussi dû réduire sa voilure de même que le chinois Ehang. GoPro, déja mal en point, vient d’annoncer la suppression de 270 emplois supplémentaires après avoir manqué le lancement du drone Karma qui devait assurer sa diversification. Quant au champion français Parrot, il a fait savoir en janvier qu’il se séparait de 30% de ses effectifs – soit près de 300 postes – et a enregistré l’an passé une perte de 137 millions d’euros à cause de l’effondrement du chiffre d’affaires de ses drones de loisirs.
Le Drone Solo de 3DRobotics | 3DR
L’essoufflement du marché des loisirs
Ce paradoxe entre les misères du « hardware » et les promesses du « software » tient d’abord aux anticipations excessives qui, pariant sur l’explosion des ventes aux particuliers , ont vu déferler des produits grand public en trop grande quantité. Cette bulle a fini par éclater, provoquant une baisse spectaculaire des prix qui a servi la stratégie du leader mondial, le chinois DJI, qui détient aujourd’hui plus des trois-quarts du marché global des drones de loisirs et ignore la crise.
D’où un atterrissage difficile pour tous les concurrents du constructeur de Shenzen qui risque de se retrouver en situation de quasi-monopole. L’autre explication de cette singularité tient aussi au fait que le drone de loisir, dont le marché s’essouffle même si les ventes continueront sans doute encore de progresser quelque temps, ne peut plus apparaître comme le cœur du marché des engins volants sans pilote.
Un drone de Zipline Inc. dans le sud du Rwanda. | CYRIL NDEGEYA / AFP
Priorité aux usages professionnels
L’avenir du drone se situe dans l’univers professionnel car la valeur ajoutée apportée par ces appareils se situe d’abord dans l’usage qui en est fait. C’est la valeur des données et informations recueillies par le drone (plan numérisé d’un champ ou d’un chantier, livraison de produits dans des endroits d’accès difficile, sauvetage de personnes en difficulté...) bien plus que l’engin lui-même qui comptent dans l’équation économique. C’est ce qu’ont compris la plupart des fabricants en difficulté qui se concentrent désormais sur les usages professionnels. Parrot vient ainsi de lancer une division dénommée Air Support qui s’est spécialisée dans la capture et le traitement de données numérisées pour l’industrie du bâtiment.