Au Sénégal, les avocats du maire de Dakar demandent sa mise en liberté provisoire
Au Sénégal, les avocats du maire de Dakar demandent sa mise en liberté provisoire
Le Monde.fr avec AFP
La défense de Khalifa Sall estime que le dossier de « détournement de fonds » contre l’édile est « vide ». L’affaire provoque des échanges agités au Parlement.
Les avocats du maire de Dakar, Khalifa Sall, inculpé et écroué dans la nuit du 7 au 8 mars pour « détournement de fonds publics », ont déposé une demande de liberté provisoire de leur client qui a de nouveau été entendu jeudi 23 mars, a affirmé l’un d’eux.
Khalifa Sall, maire de la capitale sénégalaise depuis 2009 et probable candidat à l’élection présidentielle de 2019 contre le chef de l’Etat Macky Sall, doit répondre de dépenses « non justifiées » de plus de 2,7 millions d’euros prélevés, selon la justice, dans les caisses de sa mairie.
« Nous avons déposé auprès du juge d’instruction une demande de liberté provisoire » pour Khalifa Sall et « une autre demande » auprès de la cour d’appel, « pour l’annulation de la procédure pour irrégularités », a déclaré à l’Agence France Presse (AFP) Me Seydou Diagne.
« Blanc comme neige »
Ces demandes ont été déposées après l’audition le même jour du maire de Dakar par un juge d’instruction, la deuxième depuis son arrestation. Khalif Sall est accusé « d’escroquerie portant sur des deniers publics, de détournement de deniers publics, d’association de malfaiteurs, de blanchiment de capitaux ».
Il a une nouvelle fois nié jeudi ces accusations en rappelant notamment, au sujet d’un présumé blanchiment, sa déclaration de patrimoine lors de sa première élection en 2009 comme preuve de transparence.
« C’est l’accusation [enrichissement personnel] la plus ignominieuse qu’on m’est faite, s’est-il emporté. Tout ce que je possède est d’origine licite. J’ai toujours travaillé avant que je ne devienne maire. Je suis le seul maire, qui, au début de mon mandat, a fait une déclaration de patrimoine avant même la promulgation de cette loi. Je l’ai faite en 2009 et après ma réélection. J’ai travaillé avec des institutions internationales dont la Banque mondiale, l’Union africaine et les organes de contrôle m’ont décerné leur satisfecit ».
Ses partisans imputent ses déboires judiciaires à son statut de dissident du Parti socialiste (PS) et de la majorité présidentielle, des soupçons rejetés jeudi par le premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne lors d’une séance agitée de questions à l’Assemblée nationale. « Le chef de l’Etat a dit “Je ne protégerai personne”. C’est la réalité et c’est ce qui inspire l’action du gouvernement en matière de reddition des comptes », a assuré M. Dionne, répondant à une question d’une députée sur une éventuelle « justice sélective ».
A la sortie du tribunal, un autre avocat du maire, Me Al-Hadji Diouf, a déclaré que le dossier était vide. « On parlait de confrontation de tous les dangers. La montagne a accouché d’une souris parce que ceux qui devaient accuser Khalifa Sall ont dit qu’il n’avait rien fait, a-t-il affirmé, selon RFI. Donc le maire est blanc comme neige. »
« Facture estampillée »
Khalifa Sall a présenté à Dakar une liste dissidente victorieuse aux élections locales de 2014. Il a ensuite multiplié les critiques contre la coalition présidentielle, appelant notamment à voter « non » au référendum constitutionnel du 20 mars 2016. Récemment, il a annoncé une liste distincte de celle de la majorité aux législatives prévues le 30 juillet.
Les accusations contre lui portent sur l’utilisation de la caisse d’avance de la mairie. Il s’agit de fonds « politiques » dont l’existence remonte à bien avant l’arrivée de M. Sall à la mairie, en 2009. Ses proches affirment que l’usage de ces fonds, quelque 30 millions de francs CFA (45 700 euros), n’a pas à être justifié et qu’il s’agit bien souvent de coups de main à des nécessiteux pour l’achat de rations de riz ou de mil, de soutien aux activités et cérémonies de groupes comme les policiers ou les pompiers, voire de dépenses ponctuelles comme la rénovation ou le remplacement de l’orgue de la cathédrale de Dakar. « Quand Khalifa Sall assiste une famille endeuillée en espèces sonnantes, faut-il attendre de la veuve ou de l’orphelin une facture estampillée reçue et approuvée ? », demande ainsi un proche du maire, cité par la presse sénégalaise.
La justice, pour l’instant, n’est pas de cet avis. Khalifa Sall reste formellement inculpé. Après son audition jeudi, il a été reconduit à la prison de Rebeuss. La demande de sa mise en liberté provisoire ne pourra être traitée qu’après l’audition de la partie civile, l’agent judiciaire de l’Etat et le ministre chargé des collectivités locales.