Le succès d’Instagram, coup de maître orchestré par Mark Zuckerberg
Le succès d’Instagram, coup de maître orchestré par Mark Zuckerberg
LE MONDE ECONOMIE
Cinq ans après son rachat par Facebook, l’application d’échange de photos et de vidéos pourrait générer 3,4 milliards d’euros de recettes publicitaires cette année.
Le logo de l’application d’échange de photos et de vidéos. Fin 2016, Instagram comptait 600 millions d’utilisateurs actifs. | JUSTIN SULLIVAN / AFP
Cinq ans après l’annonce du rachat d’Instagram par Facebook, le 9 avril 2012, cette opération ressemble de plus en plus à un coup de maître orchestré par Mark Zuckerberg, le fondateur et patron du réseau social qui mena les négociations en quelques jours seulement. « C’est l’une des meilleures acquisitions de l’histoire », s’enthousiasme Mike Krieger, l’un des deux créateurs de cette plate-forme d’échange de photos et de vidéos.
Fin 2016, Instagram assurait avoir franchi la barre des 600 millions d’utilisateurs actifs par mois. C’est environ deux fois plus que Snapchat et que Twitter, deux entreprises qui pèsent respectivement 25 et 10 milliards de dollars en Bourse. L’application a aussi bien progressé dans son processus de monétisation : plus d’un million d’annonceurs y affichent des publicités chaque mois. « Notre croissance est plus forte que jamais », assure M. Krieger.
Un succès favorisé par l’émergence des smartphones
Il y a cinq ans, pourtant, la nouvelle avait été accueillie avec scepticisme. A l’époque, Instagram, lancée dix-huit mois plus tôt, ne compte qu’une dizaine d’employés, séduit un peu plus de 30 millions d’adeptes, mais ne génère pas de chiffre d’affaires. La société est rachetée pour un milliard de dollars (945 millions d’euros), dont la moitié en actions. Dans les faits, le montant sera finalement ramené à 715 millions, en raison de la forte chute du cours boursier de Facebook entre l’annonce et la finalisation de l’opération.
« Le sentiment général était que Facebook avait payé très cher et que cette acquisition serait difficile à rentabiliser, se souvient Brian Blau, analyste chez Gartner. Mais Instagram a démontré le pouvoir des réseaux sociaux sur les supports mobiles. » L’application a en effet profité de l’émergence des smartphones, qui placent un appareil photo en permanence dans les mains de plusieurs milliards de personnes. Elle a aussi séduit de nombreuses célébrités, ces dernières représentant parfois au-delà de 100 millions d’abonnés.
Si l’ancienne start-up opère toujours de manière indépendante, sous la direction de Kevin Systrom, l’autre cofondateur, elle a grandement bénéficié des moyens financiers, technologiques et humains de sa maison mère. Elle a ainsi pu recruter, parfois directement chez Facebook, pour bâtir une équipe d’ingénieurs. Elle s’est également branchée sur la gigantesque infrastructure informatique du réseau social. Facebook lui sert aussi de vitrine : les utilisateurs d’Instagram peuvent facilement y partager leurs photos et vidéos.
L’an passé, la croissance du nombre d’adeptes s’est accélérée, notamment grâce à l’arrivée pendant l’été d’une nouvelle fonctionnalité baptisée « Stories ». Celle-ci permet d’échanger des clichés et des clips, sur lesquels il est possible de dessiner ou d’ajouter des émoticônes. Et qui disparaissent au bout de vingt-quatre heures. L’inspiration est assumée : « Snapchat a été la première à lancer ce format. Nous l’avons repris et avons ajouté notre touche », reconnaît M. Krieger. « Les stories sont devenues très populaires, note M. Blau. Il était donc inévitable qu’Instagram les adopte. »
De nouvelles possibilités de monétisation
Selon l’entreprise, plus de 150 millions de personnes créent des « histoires » chaque jour. « Elles permettent de partager d’autres moments de vie et non plus simplement les meilleurs moments », souligne M. Krieger. Ce succès se répercute sur Snapchat, qui peinait ces derniers mois à séduire de nouveaux utilisateurs. Il ouvre de nouvelles possibilités de monétisation pour Instagram. Depuis janvier, les publicités ont ainsi fait leur apparition sur ce format.
D’après le cabinet eMarketer, la plate-forme pourrait générer 3,6 milliards de dollars (3,4 milliards d’euros) de recettes publicitaires cette année, dont 75 % aux Etats-Unis. C’est deux fois plus qu’en 2016. A titre de comparaison, le chiffre d’affaires de Snapchat pourrait atteindre 770 millions de dollars. « Snapchat propose des formats plus innovants et créatifs, mais Instagram dispose d’une base d’utilisateurs plus grande et bénéficie de ses liens étroits avec Facebook, qui sont très attractifs pour les annonceurs », résume Debra Williamson, d’eMarketer.