À Mexico, un « siège pénis » contre le harcèlement sexuel
À Mexico, un « siège pénis » contre le harcèlement sexuel
M le magazine du Monde
ONU Femmes a lancé une campagne pour inciter les hommes à changer de comportement dans le métro de la capitale mexicaine, où neuf femmes sur dix sont victimes de ce fléau urbain.
Près de 90 % des habitantes de Mexico déclarent avoir été la cible d’insultes ou d’attouchements dans les transports en commun. Ici, le siège imaginé pour la nouvelle campagne d’ONU Femmes. | Capture d'écran Web
Dans une rame du métro de Mexico, un passager s’assoit à une place « réservée aux hommes ». Le trentenaire se relève brusquement au contact de ce siège, moulé en forme de torse avec un pénis en relief, qui provoque l’étonnement, l’hilarité ou le dégoût des passagers des deux sexes. C’est la nouvelle campagne, lancée officiellement le 30 mars par ONU Femmes, pour lutter contre le harcèlement sexuel dans les transports en commun. Insolite, l’initiative suscite la polémique dans une capitale où neuf Mexicaines sur dix sont victimes de ce fléau urbain. « Voyager ainsi est désagréable, mais ce n’est rien comparé à la violence subie par les femmes dans leurs trajets quotidiens », informe une plaque explicative fixée au pied de ce siège aux formes éloquentes. Diffusée sur YouTube, la vidéo qui montre cette scène a été partagée plus de 10 millions de fois sur les réseaux sociaux avec le mot-clé #NoEsDeHombres (« ce n’est pas digne d’un homme »).
Mexico : un "siège pénis" dans le métro pour dénoncer le harcèlement sexuel - franceinfo
Durée : 01:14
« L’objectif est de faire prendre conscience aux hommes que le harcèlement n’est pas normal, pour les inciter à changer de comportement », a expliqué aux médias Ana Güezmes, porte-parole d’ONU Femmes. L’entité des Nations unies pour l’égalité des sexes a initié ce projet en partenariat avec les autorités de la capitale mexicaine. Présentée comme une « expérimentation sociale », la campagne virale, conçue par l’agence publicitaire J. Walter Thompson, s’accompagne d’une seconde vidéo, où des hommes s’aperçoivent que leur postérieur est filmé en caméra cachée et diffusé sur les écrans d’un quai. Embarrassés, certains se retournent instantanément. D’autres tentent de cacher leur fessier avec leurs mains ou leur sacoche. Un message précise ensuite que « des milliers de femmes souffrent de cela tous les jours ».
Des femmes victimes d’insultes ou d’attouchements
Près de 90 % des habitantes de Mexico déclarent avoir été la cible de phrases offensantes, d’insultes ou d’attouchements dans les transports en commun, selon ONU Femmes. En 2015, 1 800 agressions sexuelles dans un espace public ont fait l’objet d’une plainte auprès des autorités de la capitale, dont 24 % dans le métro le plus fréquenté d’Amérique latine (5,3 millions d’usagers par jour). Mais la plupart des victimes ne dénoncent pas ces délits. En 2016, la capitale a pourtant instauré une amende de 1 526 à 2 150 pesos (76 à 107 euros) ou une mise en détention durant vingt-cinq à trente-six heures pour les « frotteurs » et autres agresseurs. Depuis 1970, Mexico réserve aussi deux rames par métro aux usagères aux heures de pointe, sans parvenir à réduire pour autant le phénomène.
Les réactions des internautes à la campagne illustrent l’ampleur de la crise. Sur YouTube, la majorité a réagi négativement à la vidéo, baptisée experimento asiento (expérimentation du siège). Les commentaires dénoncent le « sexisme » et la « misandrie » d’une campagne « discriminatoire » envers la gent masculine. « Tant qu’il existera des groupes qui satanisent tous les hommes, présentés comme des pervers sexuels, nous n’arriverons jamais à mettre fin au conflit qui existe entre les genres », dénonce un internaute.
La prochaine étape du projet d’ONU Femmes prévoit une campagne d’affichage à Mexico, montrant des visages d’hommes aux expressions lubriques, accompagnés du slogan : « Voici l’excitation avec laquelle ils regardent ta petite amie tous les jours. » Une campagne choc pour tenter d’éradiquer un machisme aux conséquences bien plus graves au niveau national. Chaque jour, six femmes sont assassinées en moyenne au Mexique. Selon l’Observatoire national citoyen des féminicides, 60 % de ces crimes de genre restent impunis.