A Amsterdam, un projet d’urbanisme collaboratif contribue à changer un quartier d’affaires
A Amsterdam, un projet d’urbanisme collaboratif contribue à changer un quartier d’affaires
Par Guillaume Bermond
La plate-forme en ligne lancée en mai par TransformCity met l’imagination au pouvoir en vue de dynamiser un quartier de la métropole néérlandaise, dont un tiers des bureaux sont vacants.
La plate-forme ZO!City recense les bureaux vacants, les idées pour les occuper ainsi que les aménagements proposés pour dynamiser le quartier d’Amstel3 d’Amsterdam. | ZO!City
Comment donner vie à un quartier d’affaires excentré d’Amsterdam, uniquement composé de bureaux que la crise de 2008 a partiellement vidés ? C’est à cette lourde tâche que s’est attelée l’architecte néerlandaise Saskia Beer, d’abord seule, puis avec l’appui de la municipalité, par le truchement d’une plate-forme numérique collaborative, ouverte à tous. Grâce à cette initiative, une vingtaine de projets ont fleuri et le quartier en question – Amstel 3 – est en voie de se transformer.
Tout le monde le reconnaît aujourd’hui : une erreur a été commise dans les années 1960, lorsqu’il s’est agi de planifier, au sud-est d’Amsterdam, une nouvelle zone aux limites de la ville. Urbanistes et architectes l’ont fractionnée, de part et d’autre d’une voie ferrée. Côté est, ils ont conçu une zone d’habitation à loyers modérés (Bijlmermeer), devenue peu à peu le ghetto de ressortissants du Suriname, arrivés après l’indépendance de cette ancienne colonie des Pays-Bas, en 1975. Côté ouest, le quartier d’Amstel 3, réservé aux affaires, a eu pour unique vocation de recevoir des immeubles à bureaux, sur 250 hectares.
« On sait depuis longtemps que le modèle sur lequel a été construit le quartier ne fonctionne pas », constate Tamara Smit, chargée d’Amstel 3 à la mairie d’Amsterdam. Aucune animation en dehors des moments où les employés de bureau – 26 000 aujourd’hui – arrivent le matin et repartent en fin de journée, pas de résidents, donc pas de commerces ni d’écoles, observe-t-elle. Ses prédécesseurs s’étaient fixé l’objectif d’y construire 5 000 logements mais la crise de 2008 les a contraints à renoncer à ce projet, faute de fonds. La même crise a durement touché Amstel 3, poursuit Tamara Smit : « Plus de 30 % des bureaux se sont vidés, l’un des taux les plus élevés des Pays-Bas ».
Un défi urbain à relever
Dans la tourmente de la crise, l’architecte Saskia Beer a perdu son travail en 2008, n’en a pas retrouvé, mais a eu une idée. « Amstel 3 constituait pour moi un défi urbain intéressant à relever, dit-elle. Beaucoup d’espaces vacants, et donc des opportunités pour en faire quelque chose. Mais personne pour les réaliser ». Elle entreprend alors patiemment d’identifier puis de contacter les propriétaires des bureaux, et parfois d’immeubles entiers devenus vacants. Elle tente de mobiliser des entreprises ainsi que des associations, afin de les convaincre de donner une seconde vie à ces surfaces inutilisées. A la petite société qu’elle crée bientôt – TransformCity –, le propriétaire d’un immeuble vide prête gracieusement des locaux. Elle y passe son temps à répondre au téléphone pour mettre en lien les uns avec les autres, à organiser des réunions, ou des soirées conviviales pour les employés. Il lui fallait trouver une autre formule susceptible de ne pas reposer sur ses seules épaules.
Ainsi est née, en mai 2016, la plate-forme numérique du quartier, ZO ! City, projet qui a bénéficié de subventions de la municipalité et du gouvernement néerlandais, séduits par l’initiative. Cette plate-forme a deux vocations. D’une part, rendre publiques des données obtenues par TransformCity sur les sites vacants (leur situation géographique précise ainsi que les coordonnées de leurs propriétaires parfois étrangers), complétées par celles collectées par la mairie. D’autre part, y inscrire des idées, qu’elles émanent de personnes impliquées dans Amstel 3 ou des autres citoyens d’Amsterdam.
Chacun peut proposer un projet, le localiser sur la carte de la plate-forme, en expliquer les tenants et les aboutissants, échanger avec les autorités sur sa faisabilité ou solliciter un financement participatif.
Une expérience inédite aux Pays-Bas
La mairie s’est aussi impliquée. Elle a proposé la création d’un parc le long de la voie ferrée, co-imaginé avec les personnes intéressées. Elle a accepté, à la suggestion d’employés, de réaménager une des principales artères du quartier pour la « verdir » et y installer des bancs. Un premier bar vient par ailleurs d’ouvrir et un projet de discothèque est en gestation. Surtout, les premiers résidents d’Amstel 3 devraient emménager à la fin de cette année, à la faveur de la démolition d’immeubles à l’abandon, dans le cadre d’un programme de 1 500 logements. Intégrera-t-il des habitants de Bijlmermeer originaires du Suriname et vivant de l’autre côté de la voie ferrée ? La question reste en suspens.
« Cette expérience est inédite aux Pays-Bas, où l’urbanisme a toujours été conçu de manière très verticale par les pouvoirs publics. Nous-mêmes sommes encore dans une période d’adaptation à ces méthodes collaboratives », avoue Tamara Smit. De son côté, Saskia Beer se félicite, après sept années d’efforts, de voir le défi qu’elle s’était lancé se concrétiser, y voyant même « l’urbanisme du futur ». Elle a entamé des pourparlers pour proposer, moyennant finances, sa plate-forme à d’autres villes néerlandaises, ainsi qu’à Sydney, en Australie.