« La transition écologique est le défi du XXIsiècle. » Si Emmanuel Macron clame aujourd’hui haut et fort son engagement pour l’environnement, il ne décline ce thème que par petites touches, à la manière d’un tableau impressionniste. Certes, le favori de l’élection présidentielle a évoqué « l’urgence écologique » dans les premières phrases de son discours au soir du premier tour, dimanche 23 avril. Certes, il a été rejoint par des écologistes de la première heure, Corinne Lepage, Daniel Cohn-Bendit, Barbara Pompili, François de Rugy ou Matthieu Orphelin, afin de verdir son image.

Mais la transition écologique reste l’un des angles morts de sa campagne, tant elle a peu été évoquée lors de ses meetings ou au cours des débats. Quant à son programme, il ne comporte guère de mesure réellement audacieuse ou novatrice. Sur beaucoup de sujets, le candidat d’En marche ! inscrit en réalité ses pas dans le sillage du quinquennat de François Hollande, dont il se défend pourtant d’être l’héritier.

Il met ainsi en avant comme premier objectif de « sortir des énergies fossiles ». Mais il ne fixe pas d’horizon et propose des mesures déjà prévues ou même déjà en vigueur, qui sont très loin de conduire à un arrêt de la consommation de pétrole, gaz et charbon. Il promet par exemple de « fermer les centrales à charbon restantes en cinq ans » – ce qui est déjà acté dans la programmation pluriannuelle de l’énergie –, de ne procéder à « aucune nouvelle attribution de permis d’exploration d’hydrocarbures » – ce à quoi s’était déjà engagée la ministre de l’environnement, Ségolène Royal – et « d’interdire l’exploration des gaz de schiste » – ce qui est déjà le cas, la fracturation hydraulique, seule technique disponible pour extraire ces hydrocarbures non conventionnels, étant prohibée depuis 2013. Il y ajoute une « montée en puissance de la taxe carbone pour atteindre 100 euros la tonne de CO2 en 2030 », un montant fixé dans la loi de transition énergétique d’août 2015.

Défenseur de la filière nucléaire

Il en va de même pour l’atome. M. Macron s’en tient à cette même loi, en faisant sien l’objectif de réduction à 50 % de la part de l’électricité d’origine nucléaire « à l’horizon 2025 ». Même si, interrogé début février par le Fonds mondial pour la nature (WWF), il déclarait : « Est-ce que le 50 % en 2025 est atteignable ? Je ne sais pas vous le dire aujourd’hui. » La fermeture annoncée de la centrale alsacienne de Fessenheim lui semble « une décision responsable », qu’il confirmera s’il est élu.

Le postulant à l’Elysée n’en demeure pas moins un chaud défenseur de la filière nucléaire, qui « a un avenir en France, continuera à être là et sera une source d’énergie importante ». Pas plus que le gouvernement sortant, il n’a fixé de calendrier pour l’arrêt de réacteurs. Au chapitre des renouvelables, il se livre même à un numéro d’illusionniste, en faisant miroiter « l’objectif de doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque d’ici à 2022 ». Le cap est en fait moins ambitieux que celui de l’actuelle programmation pluriannuelle, qui vise à tripler ou quadrupler la part de ces filières en 2023, par rapport à 2014.

S’agissant de la rénovation thermique des bâtiments, il reprend aussi l’objectif fixé de longue date – et jamais tenu jusqu’ici – de 500 000 rénovations par an. Mais il veut « accélérer » le mouvement. « Fixer des objectifs ne suffit pas. Notre marque de fabrique est de dire comment, pour les atteindre vraiment, nous allons accompagner concrètement tous les acteurs de la transition énergétique », assure Matthieu Orphelin, ancien porte-parole de Nicolas Hulot, qui conseille aujourd’hui Emmanuel Macron sur les questions environnementales. Et d’annoncer 4 milliards d’euros par an pour la rénovation énergétique des logements, autant pour celle des bâtiments publics, ou « l’interdiction de location des passoires énergétiques à compter de 2025 ».

Interdiction des pesticides et des OGM

Pour « protéger la santé des Français », le candidat propose d’aligner la fiscalité du diesel sur celle de l’essence d’ici à 2022 et de « renforcer les normes antipollution européennes des véhicules neufs et les contrôles en conditions réelles ». Soit, là encore, des mesures déjà engagées par l’actuel gouvernement, ainsi que par Bruxelles. Toutefois, il annonce une prime de 1 000 euros pour acheter un véhicule neuf ou d’occasion « plus écologique », un bonus aujourd’hui restreint à l’achat d’un véhicule hybride ou électrique. Il souhaite aussi qu’à l’horizon 2040, il n’y ait plus « aucune vente de véhicule thermique » en France.

Côté agriculture et alimentation, enfin, Emmanuel Macron avance quelques nouvelles mesures. Il promet que l’ensemble de la restauration collective proposera « au moins 50 % de produits biologiques, labels de qualité, ou local d’ici à 2022 » et veut « rémunérer » les agriculteurs pour les services environnementaux (comme l’entretien des paysages, ou le pâturage des alpages) qu’ils rendent, à hauteur de 200 millions d’euros par an. « Dans ce domaine comme dans d’autres, par exemple l’économie circulaire, nous sommes beaucoup plus ambitieux que ce que qui était jusqu’ici prévu », affirme M. Orphelin, qui cite un « plan de transformation agricole de 5 milliards d’euros sur cinq ans, pour des projets sur le bien-être animal, la protection de l’environnement et les circuits courts ». Cela n’a pas empêché M. Macron d’assurer, lors du congrès de la FNSEA, fin mars, qu’il y aura toujours deux types d’agricultures, dont une « intensive qui exporte ».

Le 14 mars, devant la Fédération nationale des chasseurs, il n’a pas non plus hésité à se dire « favorable à la réouverture des chasses présidentielles », qui représentent « la culture française ». A un chasseur qui s’inquiétait d’une éventuelle ouverture vers Europe écologie-Les Verts et son programme sur la chasse, il a répondu avec sarcasme : « Je me suis arrêté à la ligne sur le nucléaire et ça m’a suffi. Je sais là-dessus à quoi m’en tenir. »

Le candidat est plus volontariste sur les pesticides. Il s’engage à séparer les activités de conseil aux agriculteurs et de vente de produits phytosanitaires, une mesure technique mais réclamée de longue date par les experts de manière à éviter les conflits d’intérêts. Dans le cadre d’un « Grenelle de l’alimentation » – une idée de Nicolas Hulot –, il promet un calendrier pour éliminer progressivement les pesticides, en commençant par les plus dangereux. Les perturbateurs endocriniens menaçant la santé seront également interdits, sous réserve qu’il existe des alternatives. M. Macron s’est en outre prononcé contre les OGM, même s’il veut préserver la recherche publique sur ce sujet, comme d’ailleurs sur le gaz de schiste.

Un passif pas très vert

« Effets d’annonce, mesurettes et engagements dans la continuité du quinquennat qui se termine : au final, la recette d’Emmanuel Macron sur l’environnement est bien fade », juge Greeenpeace. Il est vrai que son passage au ministère de l’économie ne plaide pas en sa faveur. Sur bien des dossiers, il a eu la main lourde, mais pas vraiment verte.

Fin 2015, à quelques semaines de la Conférence climat de Paris, la COP21, il signait, avec la ministre de l’environnement, cinq arrêtés accordant trois permis de recherches d’hydrocarbures et en prolongeant deux autres. La décision, âprement critiquée par les associations, avait fait l’objet d’un « arbitrage interministériel au niveau de Matignon », précisait Ségolène Royal au Monde : « Bercy voulait donner tous les permis, j’ai obtenu d’en bloquer quatre. »

Autre exemple : le diesel. A l’été 2016, un moins avant sa démission du gouvernement, il déclarait, lors d’une visite sur le site de l’équipementier Bosch, dans l’Aveyron, « qu’il ne faut pas faire la chasse au diesel », même après le scandale des moteurs truqués de Volkswagen. Il plaçait ce carburant au cœur de la « politique industrielle française » – qu’il s’agisse « des millions de personnes qui l’achètent » ou « des millions qui y travaillent ». Cela, alors que le diesel a été classé cancérogène certain pour l’homme par l’Organisation mondiale de la santé, et que la pollution de l’air provoque 48 000 décès prématurés chaque année en France et coûte 101 milliards d’euros par an.

De même, en avril 2015, le ministre de l’économie autorisait, par décret, la Compagnie armoricaine de navigation à exploiter pendant quinze ans le sable marin de la baie de Lannion (Côtes-d’Armor). L’extraction, qui a depuis débuté, est soutenue par les agriculteurs, qui disent en avoir besoin pour fertiliser leurs terres. Mais elle fait l’objet d’une vaste opposition de la part des élus, des associations environnementales et des groupements de professionnels de la région, parmi lesquels les pêcheurs, car elle détruit la faune marine des fonds et favorise l’érosion des côtes. Fin janvier, en meeting à Quimper, le candidat, comme frappé d’amnésie, niait avoir autorisé cette extraction, assurant n’avoir donné « que des permis de recherche ».

Sur d’autres sujets encore, il cultive le flou et l’ambiguïté. Il affirme ne pas vouloir supprimer le principe de précaution, inscrit dans la Constitution, mais souhaite dans le même temps privilégier l’innovation. Sur le sempiternel projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, il veut que soit respectée « la décision du peuple »le « oui » des habitants de Loire-Atlantique au référendum organisé en juin 2016 –, mais s’il est élu, il nommera un médiateur indépendant qui aura six mois pour étudier une alternative – un travail déjà mené par Mme Royal.

En bon argentier, M. Macron met sur la table une enveloppe de 15 milliards d’euros destinés à la transition énergétique et écologique, sur les 50 milliards d’investissements publics qu’il prévoit de réaliser. Suffiront-ils à convaincre que l’environnement ne sera pas le parent pauvre du prochain quinquennat ?