« Panama papers » : les petites cachotteries de l’ancien ministre algérien Ali Benouari
« Panama papers » : les petites cachotteries de l’ancien ministre algérien Ali Benouari
Par Lyas Hallas (contributeur Le Monde Afrique, Alger)
En 2000, l’ex-ministre du Trésor avait créé une compagnie offshore pour dissimuler la vente des actions qu’il détenait dans le capital de Société générale Algérie.
En janvier 2000, Ali Benouari, ancien ministre algérien délégué au Trésor, a recouru aux services du cabinet panaméen Mossack Fonseca pour créer une compagnie offshore, Beroll Group SA, enregistrée aux îles Vierges britanniques. Une compagnie dissoute un an et demi plus tard, le 31 octobre 2001, et destinée à servir de paravent à la cession, au profit de Khalifa Bank, des actions qu’il détenait dans le capital de Société générale Algérie (SGA), la filiale locale du groupe français Société générale. Ali Benouari ne voulait pas que cela se sache.
« Après réflexion, M. Ali Benouari ne souhaite pas apparaître comme administrateur de la société en marge. C’est pourquoi je vous prie de procéder à la désignation d’un administrateur local. Ce dernier fournira un pouvoir en blanc. La procuration sera faite soit en faveur de M. Ali Benouari soit, le cas échéant, en mon nom. Dès qu’une décision sera prise, je vous le ferai savoir », peut-on lire dans la correspondance adressée le 22 février 2000 par Pierre Richa, patron de la société fiduciaire Pierre Richa & Partners, à l’antenne genevoise de Mossack Fonseca.
« Zèle à combattre la corruption »
Les documents obtenus dans le cadre du projet « Panama Papers », mené par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) avec plus de 100 rédactions (dont Le Monde), montrent que le cabinet panaméen a désigné deux administrateurs locaux avant de les remplacer par Ali Benouari sur demande de Pierre Richa. « Le nom du nouvel administrateur est Ali Benouari, d’Algérie, résidant à Genève. Veuillez préparer une décision pour l’ouverture d’un compte bancaire à Genève », a requis Pierre Richa dans une autre correspondance adressée à Mossack Fonseca en août 2000.
Selon sa biographie officielle, diffusée à grande échelle sur papier et sur sa page Facebook lors de la présidentielle de 2014 – il n’avait alors pas collecté assez de parrainages pour valider sa candidature –, Ali Benouari n’a jamais vraiment quitté l’Algérie depuis son éviction du gouvernement, en 1992. « Sa profession libérale lui a permis de ne jamais s’absenter d’Algérie plus de quinze jours. C’est ainsi qu’il se tient au courant de tout ce qui touche le pays », peut-on lire.
Nommé au gouvernement de Sid Ahmed Ghozali comme ministre délégué au Trésor en juin 1991, Ali Benouari s’est installé à Genève, en Suisse, après son remplacement par Ahmed Benbitour à la faveur du remaniement ministériel de février 1992. « Après son départ forcé du gouvernement, où on apprécia sa compétence mais pas son zèle à combattre la corruption, il repart à Genève où il fonde Ecofinance, une société de conseil en partenariats industriels et financiers. […] C’est à partir de là qu’il a pu concrétiser son rêve de fonder la première banque étrangère en Algérie, Société générale Algérie, dont il a été le premier président, de 1999 à 2004 », ajoute sa biographie. C’est à cette époque que le président de SGA a fait créer Beroll Group SA.
Le scandale Khalifa Bank
L’ancien ministre et ex-gouverneur de la Banque centrale (en 1988) détenait des actions dans le capital social de départ de SGA. Le groupe Société générale avait en effet concédé près du tiers des actions de sa filiale (29 %) aux cadres financiers qui l’avaient introduite sur le marché algérien, avant d’en reprendre la totalité en 2005. Mais, entre-temps, les actionnaires minoritaires se sont retirés du capital au profit de Khalifa Bank. C’était entre 2000 et 2001, peu de temps avant que la Banque d’Algérie ne gèle les transferts de cette banque aux pratiques peu orthodoxes et qui s’est retrouvée, quelques années après, au cœur d’un retentissant scandale financier ; son fondateur, Rafik Khalifa, a été condamné à dix-huit ans de prison en 2015.
« Le gel des transferts de Khalifa Bank a été décrété le 27 novembre 2002, moins d’une semaine après que les cadres bancaires algériens résidant à l’étranger ont annoncé la cession des 29 % qu’ils détenaient dans SGA. J’évoque cette question parce que, quelque temps après, j’ai été incriminé pour avoir commis quelque chose d’illégal. […] Au contraire, j’ai aidé l’administrateur à récupérer des actions de Khalifa à Genève et j’ai aidé le liquidateur à les revendre. Le seul actif que Khalifa a acheté et qui a été récupéré à 100 %, ce sont ces actions, et je suis fier d’avoir contribué d’une manière indirecte à sauver 8 millions de dollars [environ 7,4 millions d’euros] de tout l’argent que Khalifa a investi à l’étranger », a indiqué Ali Benouari dans un entretien accordé au site algérien TSA le 8 janvier 2016. Contacté par Le Monde, Ali Benouari n’a pas souhaité s’exprimer.
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Les « Panama papers » en trois points
- Le Monde et 108 autres rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux.
- Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias.
- Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs.
Cette enquête de Lyas Hallas a été coordonnée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dont Le Monde est partenaire, sur la base des documents « Panama papers » obtenus par la Süddeutsche Zeitung.