Les parois verticales de « Plan B », d’Aurélien Bory, présenté aux Nuits avec les étudiants du Centre national des arts du cirque. | Christophe Reynaud de Lage

Aurélien Bory, à la tête de la Compagnie 111 depuis 2000, a dégagé un espace spectaculaire inédit entre cirque, danse, musique et théâtre, avec l’obsession de la scénographie comme moteur de création et terrain mouvant de la survie ­humaine. Les Nuits de Fourvière lui offrent une carte blanche. Le public ­découvrira Plan B, présenté avec les étudiants du Centre national des arts du ­cirque (CNAC), et L’Espace furieux, créé avec les élèves de l’Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre­ (Ensatt). Tour d’horizon de son univers en cinq points.

Scénographie

De Plan B (2003) et son décor de parois verticales bourré de chausse-trapes aux Sept Planches de la ruse (2007), qui se ­déroulait au cœur d’un jeu de tangram géant, en passant par Géométrie de caoutchouc (2011), avec son double chapiteau, le geste spectaculaire d’Aurélien Bory, ancien étudiant en physique et en acoustique architecturale, s’est affirmé dans des scénographies puissantes, souvent massives. Ce paramètre identitaire prend des visages variés entre sommet architectural et terrain de jeu surdimensionné. « La scénographie est au centre de mon travail, affirme Aurélien Bory. Elle fait apparaître, dans son rapport à la gravité entre autres, des lois physiques avec lesquelles les interprètes dialoguent. » Le décor comme métaphore de la survie humaine.

Humanité

Dans ces environnements qui les ­dépassent et les dominent, les interprètes d’Aurélien Bory et de son « théâtre physique » déploient une suractivité permanente. Adaptation, flexibilité, invention… ils génèrent au contact de ses scénographies souvent mouvantes des ­partitions acrobatiques, s’accrochent et bataillent, rivalisant d’inventivité et d’audace. Héritiers de Sisyphe, ils at­taquent par la face nord, entrent par la fenêtre, bondissent entre les blocs, surgissent des gouffres et résistent tant que faire se peut.

Au risque de se transformer parfois en fourmis, ouvriers du plateau ou pantins au service d’un accessoire qui ne leur donne aucune chance de le dompter. « Pour moi, le rapport à l’espace est proche de notre rapport à la mort, poursuit le metteur en scène. Il est vivant – je le ­sonorise d’ailleurs de plus en plus – et ­raconte notre désir de sublimation. » ­Géométrie de caoutchouc finissait par engloutir les personnages. Espæce (2016), avec ses hauts murs mobiles et pliables, menaçait régulièrement de coincer ses habitants.

Littérature

Les textes occupent une place de choix dans le travail d’Aurélien Bory. Parmi ses ouvrages-clés, L’Homme et la Figure d’art, du plasticien allemand ­Oskar Schlemmer, Sur le théâtre de marionnettes, de Heinrich von Kleist, ­Figures de l’immanence, de François ­Julien, et Petit traité de scénographie, de Marcel Freydefont… Georges Perec, qui a soufflé sur Espæce, occupe une place singulière : « Il a véritablement ­infusé dans ma recherche, précise le metteur en scène. Son intérêt pour les chiffres, pour le déchiffrage, et sa passion pour le motif du carré m’intéressent beaucoup. » C’est Valère Novarina qui inspire ­L’Espace furieux, nouvelle pièce de Bory conçue sur des fragments du texte ­homonyme de l’écrivain pour des étudiants de la 76e promotion de l’Ensatt.

Cirque

Bien qu’il s’éloigne considérablement du cirque, à l’enseigne duquel il fit ses ­débuts – en 1994, il débarque à Toulouse et pousse la porte de l’école du Lido, où il apprendra le jonglage –, Aurélien Bory maintient une relation étroite avec les arts de la piste. Il collabore avec des acrobates et des voltigeurs, ses scénographies exigeant une virtuosité spécifique. « L’acrobate de cirque est l’interprète le plus capable, selon moi, d’explorer des ­espaces en tous genres », précise-t-il. Bory a signé deux mises en scène avec le Groupe acrobatique de Tanger : Taoub en 2004 et Azimut en 2013. Il vient de collaborer avec le Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, en remontant pour des étudiants son spectacle Plan B.

Collaboration

Quoi qu’il entreprenne, Aurélien Bory place son évolution sous le signe des rencontres. La liste de ses partenaires de création s’allonge chaque jour : Phil Soltanoff pour Plan B et Plus ou moins l’infini (2005), le chorégraphe Pierre Rigal pour Erection (2003) et Arrêts de jeu (2006), les danseuses Kaori Ito pour Plexus (2012) et Stéphanie Fuster pour Questcequetudeviens ? (2008). « Chaque pièce réalisée en collaboration avec un autre artiste donne une forme à notre rencontre », résume-t-il. « Je travaille à partir de contextes différents. Toutes mes collaborations s’envisagent de cette manière : une hybridation de pratiques ayant un champ de convergences. Chaque création s’inscrit ainsi dans la rencontre avec un autre contexte, celui d’un artiste, d’un lieu, d’une pratique, d’un milieu. Dans chaque cas, la démarche reste la même : c’est dans le déplacement des choses qu’on peut les amener aux bords, à l’endroit du questionnement. » En 2016, dans le cadre du Voyage à Nantes, à l’invitation de Jean Blaise, il a redessiné le boulevard Léon-Bureau à Nantes pour fluidifier la circulation des voitures, des piétons et des vélos. Toujours en complicité avec Jean Blaise, dans le cadre d’Un été au Havre, il vient de signer l’exposition « Villes flottantes », autour des mythologies des paquebots ici réduits à des versions miniatures.

« Plan B », le 17 juin à 20 h 30 et le 18 juin à 16 heures au Radiant-Bellevue de Caluire-et-Cuire. Plein tarif : 28 € ; jeunes et passe : 21 €. « L’Espace furieux », du 26 juin au 7 juillet à 20 heures (relâche le 2 juillet) au Théâtre Terzieff, Ensatt de Lyon. Plein tarif : 10 € ; jeunes : 5 €.

Cet article est extrait d’un supplément réalisé en partenariat avec Les Nuits de Fourvière.