Le premier tour des législatives a eu lieu, par anticipation, les 3 et 4 juin, dans les onze circonscriptions des Français établis à l’étranger. Ils ont placé très largement en tête La République en marche, mais la participation a été très faible. Quelles leçons peut-on tirer de ce scrutin à quelques jours du premier tour dans le reste du pays ?

Patrick Roger, journaliste au service politique du Monde, a répondu à vos questions.


-Blabla75 : Vous dites que la participation est faible à l’étranger. De combien était-elle en 2007 et en 2012 ?

Patrick Roger : Les députés des Français de l’étranger ont été élus pour la première fois en 2012. Avant cette date, seuls des sénateurs représentaient les citoyens résidant hors de France. En 2012, la participation a été de 20,7 % au premier tour des élections législatives.


-fx31 : Est-il normal que les résultats de samedi dans les circonscriptions des Français de l’étranger soient publiés avant la clôture du scrutin du 1er tour dimanche 11 juin à 20 heures ?

Patrick Roger : C’est tout à fait inhabituel, en effet. D’ordinaire, aucun résultat ne peut être publié avant la clôture des derniers bureaux de vote. Il a été fait, dans le cas d’espèce, une exception à partir du moment où le ministère des affaires étrangères, qui organise les élections pour les Français de l’étranger, a décidé, en mars, de ne pas recourir au vote électronique, comme cela avait déjà été le cas en 2012, pour des raisons de sécurité, du fait du risque élevé de cyberattaques. Compte tenu des difficultés d’acheminement des bulletins de vote et des professions de foi dans un certain nombre de pays ou de régions, le ministère a décidé d’espacer les deux tours de deux semaines, comme pour l’élection présidentielle, alors qu’en métropole et dans les outre-mer (hormis cette année en Polynésie française) une seule semaine sépare les deux tours des élections législatives. On peut effectivement se demander si la publication des résultats dans les circonscriptions des Français résidant hors de France ne risque pas d’influencer peu ou prou les comportements des électeurs au premier tour de scrutin.

-véronique : « Raz-de-marée », voilà de quoi nous avons marre, nous les lecteurs, les électeurs. Un peu de retenue dans votre béatitude face à Macron ferait du bien. Comment peut-on parler de « raz-de-marée » quand même pas 20 % des gens se sont déplacés… Vous perdez en crédibilité. Un peu d’autocritique ferait du bien. Qu’en pensez-vous ?

Patrick Roger : Avec une abstention supérieure à 80 %, le terme paraît effectivement un peu excessif.

-Manu : On peut remarquer que les scores des candidats LR-UDI sont très souvent bien plus bas que ceux de M. Fillon à la présidentielle. Pensez-vous que l’on pourrait se diriger vers la même chose en métropole où la notion d’ancrage local est plus importante ?

Patrick Roger : Je ne pense pas que l’on puisse calquer les résultats de dimanche prochain en métropole sur ceux des Français de l’étranger. Tout d’abord parce que la sociologie des citoyens résidant hors de France est plus favorable à Emmanuel Macron et aux candidats d’En marche ! Ensuite, effectivement, des candidats bien implantés dans leur circonscription, députés sortants ou élus locaux, ont plus de chances d’offrir une meilleure résistance. Mais ces positions, dans cet enchaînement électoral atypique qui bouscule les critères habituels, risquent de s’avérer malgré tout fragiles.

-Un Français d’Espagne : Vivant à l’étranger, j’ai pu remarquer une participation extrêmement faible, que l’on retrouve dans les chiffres (19,1 %). Y a-t-il un taux minimum à atteindre pour considérer que le vote est représentatif et qu’on peut valider l’élection ?

Patrick Roger : Non, il n’y a pas de seuil minimum de participation.

-KD : Est-ce que le vote des Français de l’étranger donne une indication sur la structure du vote métropolitain ? Bref, est-ce que le parti en tête sera en tête en métropole ?

Patrick Roger : Oui, bien sûr, ce vote des Français de l’étranger donne déjà une indication, même si elle est déformée du fait du faible taux de participation et de la sociologie particulière de cet électorat. La totalité des enquêtes d’opinion réalisées avant le premier tour donne une confortable avance aux candidats de La République en marche.

-Guy : Combien de députés ont-ils été élus au premier tour dans les circonscriptions étrangères ?

Patrick Roger : Aucun, même si, dans huit circonscriptions sur onze, le candidat de La République en marche arrivé en tête a obtenu plus de 50 % des suffrages. Il fallait, pour être élu dès le premier tour, réunir au moins 25 % des électeurs inscrits, seuil qui n’a été franchi dans aucun cas du fait du faible taux de participation. Dans ce cas, les deux candidats arrivés en tête sont présents au second tour.

-Thomas : Lors des derniers scrutins, le vote des Français de l’étranger a-t-il été similaire à celui de la métropole ?

Patrick Roger : En 2012, la gauche avait remporté, dans la foulée de l’élection présidentielle, huit circonscriptions des Français de l’étranger sur onze. Des élections partielles organisées quelques mois plus tard dans deux circonscriptions, à la suite de l’invalidation de l’élection par le Conseil constitutionnel, avaient rapporté deux sièges de plus à la droite.

-Metsovou : Pourquoi le vote électronique initialement prévu pour les Français de l’étranger a-t-il été finalement annulé ? Cela aurait sans doute permis une participation bien plus haute, surtout pour des territoires où se déplacer pour aller voter physiquement peut relever du parcours du combattant…

Patrick Roger : Le ministère des affaires étrangères a décidé, début mars, de suspendre le vote électronique dans les circonscriptions des Français de l’étranger pour des raisons de sécurité. Cette décision a été prise, expliquait alors Matthias Fekl, secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur, « sur la base des recommandations des experts de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes informatiques et en tenant compte du niveau de menace extrêmement élevé de cyberattaques ».