Face à une forte demande, le service civique au défi de trouver des missions
Face à une forte demande, le service civique au défi de trouver des missions
Par Eric Nunès
92 000 volontaires ont été recrutés en 2016, loin des objectifs fixés par François Hollande.
Rassemblement national des volontaires en service civique, avec la ministre Valérie Fourneyron, en juin 2012, à Paris. | JACQUES DEMARTHON / AFP
C’était un engagement présidentiel pris par François Hollande au lendemain des attentats de janvier 2015 : rendre le service civique universel. L’objectif : réintégrer une partie de la jeunesse française sous les radars de la République, leur offrir une mission au service des autres, construire du lien social et en faire un garde-fou. « 150 000 volontaires » seront en mission au tournant de 2016, promettait la communication élyséenne.
Ils n’ont finalement été que 92 000 en 2016, selon le dernier rapport d’activité de l’Agence du service civique. Un chiffre éloigné de la promesse de l’ancien chef de l’Etat, mais pas faute de candidats. Pour la seule année 2016, plus de 230 000 jeunes gens se sont portés volontaires et ont été éconduits. « Je m’engage à mettre tous les crédits nécessaires pour que l’on puisse accueillir tous les jeunes », affirmait pourtant, en 2015, François Hollande.
« Nous sommes en progression », préfère retenir Yannick Blanc, haut-commissaire à l’engagement civique et président de l’Agence du service civique. En effet, de 35 000 volontaires acceptés en 2014, le nombre pourrait tripler fin 2017. Dans un pays ou le taux de chômage des jeunes frôle les 24 %, le service civique, qui propose des missions sociales d’une durée de six à douze mois pour 580 euros par mois, suscite un engouement réel. « Nous sommes débordés par la demande de missions », reconnaît M. Blanc.
Le monde associatif est le principal fournisseur de missions de service civique (64,5 %). Pourtant, le précédent exécutif n’avait pas été avare de promesses de recrutements au sein des services de l’Etat : une demi-douzaine de ministères avaient pris l’engagement de créer un total de 76 000 missions de service civique. Or, le rapport fait mention, pour l’année 2016, de seulement 10 821 volontaires accueillis par les services de l’Etat.
Substitution à l’emploi
« Il faut tourner la page de la politique du chiffre et identifier les partenaires susceptibles d’accueillir des jeunes, juge Yannick Blanc, les effets d’annonce ne servent à rien. » Les collectivités territoriales, mieux connectées au terrain et aux besoins de ses populations, seraient un meilleur vecteur pour « une montée en charge des missions de service civique ». En 2016, elles n’ont accueilli que 3 646 volontaires, soit 5,8 %.
Les volontaires sont « représentatifs de la population française », selon le haut-commissaire, mais deux catégories se distinguent : ceux qui intègrent leur engagement dans leur projet professionnel comme un complément d’expérience. Et ceux qui « hésitent dans leur orientation ou sont en situation d’échec. Le service civique leur permet de faire une pause avant de rebondir », observe M. Blanc. 17 % des volontaires sont des décrocheurs, 47 % des demandeurs d’emploi. A l’issue de leur service civique, 50 % des anciens volontaires estiment que l’expérience acquise « a ou va les aider à trouver un emploi », indique le rapport de l’agence.
Si le service civique peut mener à une embauche, il peut également s’y substituer. « Il n’est pas imaginable que le service civique puisse prendre un emploi à quiconque », assurait l’ancien président de la République le 9 mars 2015. Dans les faits, « le libellé de certaines offres est proche de celui d’une offre d’emploi, tant sur le contenu de la mission, que sur les compétences recherchées », note le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un rapport publié en mai. Plus inquiétant encore, des administrations pourraient « utiliser un service civique pour un remplacement », pointe Jean-François Serres, l’un des auteurs de ce rapport.
Pour échapper à l’écueil de la substitution à l’emploi, le CESE propose la mise en place d’une procédure d’alerte ainsi que des contrôles réguliers de l’administration auprès des opérateurs qu’elle utilise. Une proposition repoussée par Yannick Blanc : « On ne va pas recruter une armée de contrôleurs, nous n’en avons pas les moyens. Il ne faut pas bureaucratiser le système. »
L’agence souhaite être en mesure de proposer 110 000 missions en 2017. Toutefois, un nouvel obstacle pourrait se dresser devant la montée en puissance des missions : la mise en place d’un autre service, « national » et « obligatoire » promis cette fois par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. Un engagement repris, mardi 4 juillet par Edouard Philippe, lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale.