Le planning familial, angle mort de l’aide au développement de la France
Le planning familial, angle mort de l’aide au développement de la France
Par Elena Blum
Malgré le discours d’un engagement en faveur des droits des femmes, Paris investit peu dans la santé maternelle et infantile des pays à forte croissance démographique.
La forte croissance démographique de l’Afrique reste l’un des freins à son développement : c’est ce qu’a voulu rappeler le président français, Emmanuel Macron, en marge du sommet du G20 à Hambourg, le 8 juillet, en répondant à une question d’un journaliste ivoirien sur l’aide consentie par les pays industrialisés « pour sauver l’Afrique ». « Quand des pays ont encore sept à huit enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien. » Cette affirmation a aussitôt suscité la controverse et une avalanche de réactions sur les réseaux sociaux dans lesquelles le chef de l’Etat se fait étriller pour avoir osé donner son avis sur un sujet sur lequel, selon ses détracteurs, il n’aurait pas à s’exprimer.
Ce plaidoyer d’Emmanuel Macron en faveur d’une démographie maîtrisée est d’autant plus surprenant que la France est loin d’être à la pointe de l’aide au développement en faveur des politiques de planning familial et de santé maternelle et infantile.
En 2015, la France a investi 1,44 % de son aide au développement dévolue à l’Afrique dans les droits sexuels et reproductifs. Si, en chiffres absolus, cela représente 47 millions de dollars (40 millions d’euros), un montant relativement élevé, c’est un pourcentage faible. Sur les vingt-cinq membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE qui ont financé des politiques de population en Afrique, la France arrive en 16e position.
Grands premiers, les Etats-Unis dépensent 29 % de leur aide au développement à destination de l’Afrique pour les droits sexuels et reproductifs. Les leaders européens sont les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et l’Irlande, qui investissent autour de 5 %.
« On détourne toujours la conversation »
Paris n’a d’ailleurs envoyé aucun membre de son gouvernement au sommet Family Planning 2020 qui se tenait le 11 juillet à Londres. Ce partenariat mondial, lancé en 2012, a pour objectif de fournir une contraception moderne à 120 millions de femmes supplémentaires d’ici à 2020, principalement dans les pays en voie de développement, dont l’Afrique. Plusieurs ministres européens s’y sont rendus pour signifier leur soutien, moral et financier, dans l’autonomisation des femmes.
Deux fonctionnaires français étaient présents, mais ni déclaration officielle ni engagement financier n’étaient à l’ordre du jour. Et la discrétion de la France n’est pas passée inaperçue. Catherine Giboin, chargée de la santé sexuelle et reproductive pour Médecins du monde, déclare : « Ce que je trouve problématique, c’est que la stratégie de la France sur les droits et la santé sexuelle et reproductive est politiquement forte, mais l’engagement financier derrière est faible. »
Pour Neil Datta, secrétaire du Forum parlementaire européen sur la population et le développement (EPF), un réseau qui fait du plaidoyer en faveur du droit des femmes, déplore : « La France s’est plusieurs fois déclarée championne des droits des femmes, mais quelle que soit la couleur politique du gouvernement, l’aide apportée aux pays en voie de développement est très modeste. Quand j’essaie d’aborder ces questions en France, on détourne toujours la conversation sur les succès du pays, comme la lutte contre le sida et le changement climatique. »
Bénédicte Jeannerod, directrice du bureau parisien de Human Rights Watch (HRW) regrette que le nouveau gouvernement n’ait pas adopté une position forte sur les droits sexuels et reproductifs. « Je ne sais pas si on peut faire un parallèle avec l’annonce de la baisse de l’aide publique au développement (APD), poursuit-elle, mais cela envoie deux mauvais signaux sur des sujets clés en peu de temps. »
En effet, lundi 10 juillet, Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, annonçait dans un entretien au Parisien que le budget de l’APD serait tronqué de 141 millions d’euros pour contribuer à la réduction du déficit français.
Alors que l’ONU préconise depuis les années 1970 que les pays investissent 0,7 % de leur revenu national brut dans les aides publiques au développement, la France n’était qu’à 0,38 % en 2016. Bien loin du Danemark, du Luxembourg, de la Norvège et de la Suède, qui avaient atteint et dépassé cet objectif dès les années 2000, et ont amorcé une vraie politique d’aide au développement à destination des femmes.