De sucre, du sable et un trompettiste de génie : notre sélection de replays
De sucre, du sable et un trompettiste de génie : notre sélection de replays
Chaque samedi, « La Matinale » vous propose un choix d’émissions à découvrir en différé.
LES CHOIX DE LA MATINALE
Trois documentaires à voir cette semaine : un sur le lobby du sucre, un autre sur le trompettiste Eddie Rosner, surnommé « le jazzman du goulag », et un dernier sur une matière première menacée de disparition : le sable.
Sucre, un si doux poison
Sucre, le doux mensonge - bande-annonce - ARTE
Sur des images d’archives familiales, une fête d’anniversaire bat son plein. On y voit des gamins se goinfrer de bonbons colorés, de gâteaux moelleux. Quoi de plus normal ? Après avoir visionné ce documentaire aussi instructif qu’inquiétant consacré aux méfaits du sucre pour notre santé, on regardera peut-être d’un autre œil ces sucreries avalées avec tant de plaisir. Du Canada au Japon en passant par l’Europe et les Etats-Unis, Michèle Hozer interroge des spécialistes, retrace l’histoire du lobby du sucre américain, et en arrive à ce constat : l’industrie sucrière, estimant ne pas disposer de preuves irréfutables des effets mortels du sucre, continue de proposer aliments et boissons qui provoquent obésité, hypertension, diabète et maladies cardiaques.
Pédiatre et endocrinologue américain, Robert Lustig combat depuis longtemps l’industrie du sucre, et ses interventions, recueillies dans ce documentaire, sont édifiantes. « Je ne suis pas contre les gens qui gagnent de l’argent. Je suis contre ceux qui en gagnent en empoisonnant les autres. C’est ce qu’a fait l’industrie du tabac, et c’est ce que l’industrie agroalimentaire fait aujourd’hui. » Vous reprendrez bien une part de gâteau ? Alain Constant
Sucre, le doux mensonge, de Michèle Hozer (All/Can, 2015, 90 min). Sur Arte + 7 jusqu’au 30 août.
Eddie Rosner, un musicien dans la tourmente
The Jazzman from the Gulag
Le Jazzman du goulag retrace la vie d’Eddie Rosner (1910-1976), juif allemand né à Berlin, musicien prodige et trompettiste de génie. Jazzman à Berlin au sein des Weintraub Syncopators, Rosner est en tournée à l’étranger avec ses musiciens lorsque les nazis accèdent au pouvoir. Jouant à travers toute l’Europe, il atterrit finalement à Minsk en 1940. Soutenu par le premier secrétaire du Parti communiste de Biélorussie, grand amateur de jazz, l’orchestre de Rosner deviendra, l’année suivante, le premier orchestre de jazz d’Etat.
Protégé, adulé entre 1939 et 1946 en URSS, Rosner verra soudain son existence bouleversée. En émettant le souhait de rentrer en Allemagne, il devient suspect et victime d’attaques d’un antisémitisme à peine voilé. Arrêté à Lvov le 27 novembre 1946, Eddie Rosner est condamné à dix ans de camp pour « intelligence avec l’ennemi ».
Eddie Rosner - St. Louis Blues
Mais le dieu du jazz existe, même à Khabarovsk, au goulag. Alexandre Derevianko, commandant du camp, avait assisté avant la guerre à un concert donné par Rosner à Omsk. Il lui fournit une trompette et lui ordonne de former un quatuor. Le premier concert du goulag est donné en 1947. En juillet 1954, un an après la mort de Staline, il est enfin libéré. A Moscou, le musicien forme le fameux « Big Band ». Le succès est de nouveau au rendez-vous, mais Rosner rêve de revoir Berlin, sa ville natale, où il mourra le 8 août 1976, meurtri et ruiné. A. Ct
Le Jazzman du goulag, de Pierre-Henry Salfati et Natalia Sazonova (Fr, 1999, 58 minutes). Rediffusé le 9 août à 19 h 35 sur Histoire ou replay.
Le sable menacé de disparition
Le sable Enquête sur une disparition 2013 (extrait)
Des images nostalgiques de vacances à la mer dans les années 1960, une plongée sur les buildings d’un quartier d’affaires aujourd’hui… et entre les deux, un élément naturel : le sable. Si l’on en trouve de plus en plus sous les pavés – sous l’asphalte en tout cas –, il est de moins en moins présent sur les plages. Pour ce documentaire, Denis Delestrac a mené l’enquête sur sa « disparition », ou plutôt, sur sa gigantesque migration et sur les circuits qui font voyager des milliards de tonnes de granulat, chaque année, autour de la planète.
Il n’y a pas de ressource davantage utilisée, à part l’air et l’eau, estime l’auteur du film. Dans son tour du monde à la fois alarmant et éclairant, il lui arrive de mélanger plusieurs thématiques, en Floride et en Californie en particulier, où c’est moins le sable qui est menacé que les côtes elles-mêmes, laminées entre autres par les aménagements portuaires et les constructions immobilières.
Le commerce et l’extraction de granulat racontent, en creux, la folle expansion des hommes. Même s’il entre dans la composition du papier, de la lessive et des microprocesseurs, le sable nourrit d’abord massivement les appétits du secteur de la construction : les deux tiers des réalisations sont en béton. Mélangé au ciment, c’est un matériau performant, ni cher ni difficile à trouver… jusqu’à une date récente. Car les carrières accessibles se raréfient et les lits des rivières ont été vidés. Les industriels se sont alors tournés vers les fonds sous-marins, d’où ils extraient par pompage des quantités astronomiques de granulat grâce à d’immenses barges. Une méthode qui aspire tout sur son passage, le sable mais aussi le plancton et les autres êtres vivants, mais qui, en plus, déstabilise le littoral, ce qui accélère son érosion. A moins que la résistance ne s’organise. Martine Valo
Le sable, enquête sur une disparition, de Denis Delestrac (France, 2013, 74 minutes). Sur Arte + 7 jusqu’au 3 septembre