TV : « James White », un portrait fiévreux et douloureux
TV : « James White », un portrait fiévreux et douloureux
Par Renaud Machart
Notre choix du soir. Incarné par Cynthia Nixon et Christopher Abbott, qui y sont exceptionnels, la série de Josh Mond trouve son ton, entre John Cassavetes et James Gray (sur OCS à la demande).
James White - Official Trailer
Durée : 01:56
On avait connu Christopher Abbott dans Girls (2011-2017), de Lena Dunham. Il y paraissait en jeune homme un peu falot au début de la série de HBO et y revenait, au cours de la saison 5, passablement transformé, en irrésistible junkie. Depuis, le jeune acteur – qui a surtout fait du théâtre – s’est illustré à l’écran, notamment dans It Comes at Night (2017) de Trey Edward Shults. Mais James White (2015), un attachant long-métrage de Josh Mond qu’OSC rediffuse et met à disposition en replay, l’a pleinement révélé en lui confiant le rôle-titre.
Abbott y joue un jeune homme à la vingtaine fracassée, qui noie son désespoir dans l’alcool et les substances toxiques, alors que son père, qu’il n’a qu’à peine connu, vient de mourir et que sa mère rechute d’un cancer bientôt fatal.
James retrouve un ami d’enfance, afro-américain et gay – joué par Scott Mescudi, alias Kid Cudi, qui a aussi signé la musique de ce film –, auquel le lie une affection désexualisée mais qui ne les empêche pas de se retrouver dans la même chambre, chacun avec une relation d’un soir « levée » au cours d’une nuit. Le regard – à la fois fatigué, vif et d’un noir opaque – d’Abbott est un outil dramatique dont la caméra, extrêmement mobile et proche des visages, tire grand parti.
Force dramatique
Comme dans le formidable plan-séquence par lequel commence James White, qui mène le personnage de la pénombre toxique d’une boîte de nuit en « after » au grand jour dégrisé d’une avenue de New York (où se situe l’essentiel de ce film). La force (à la fois tendre et minérale, émouvante et saisissante) de ce jeune acteur fait espérer le voir de nouveau dans des personnages de cette dimension. Mais on est également stupéfait par Cynthia Nixon, qui incarne le difficile rôle de la mère agonisante.
En dépit de rôles divers incarnés sur le petit et le grand écran (mais aussi beaucoup au théâtre), l’actrice demeure marquée par le rôle de Miranda dans la série à succès Sex and the City (1998 – 2004), de Darren Star. Mais James White lui donne l’occasion de révéler une force dramatique peu commune.
Les rôles de mourants sont à la fois maudits et bénis : ils peuvent basculer dans le larmoyant et l’hystérique et toucher au ridicule ; transfigurés par un jeu d’acteur de la trempe de celui de Nixon, ils sont inoubliables. La complexion pâle et androgyne de la comédienne lui donne des airs de Pierrot lunaire et participe à donner une vérité impressionnante à l’agonie de cette femme, dont le cancer atteint les forces physiques, mais aussi les capacités mentales. Ce qu’on voit et entend – le râle extrême, au moment où elle expire – est proprement sidérant.
Christopher Abbott dans « James White », de Josh Mond. / OCS
Est-ce par l’analogie avec le rôle de la mère mourante (incarnée de manière plus expressionniste par Vanessa Redgrave) dans Little Odessa (1994), que James White nous a fait penser à ce film de James Gray ? Probablement. Il règne dans ces deux grands exemples du cinéma indépendant américain un climat d’abandon, d’errance et de malaise désespéré qui, en bien des points, fait résonner en écho le génie sublime et cabossé d’un autre grand cinéaste américain, John Cassavetes.
La caméra filmant de près les visages et la scène de veillée funèbre où le personnage se sent étranger et rejeté – qui rappelle celle d’Opening Night (1977) – en sont, parmi d’autres, les signes familiers et affectueux.
James White, de Josh Mond. Avec Christopher Abbott, Cynthia Nixon, Scott Mescudi, Ron Livingston (EU, 2014, 83 min).