Michel Temer à nouveau accusé de corruption
Michel Temer à nouveau accusé de corruption
Par Claire Gatinois (Sao Paulo, correspondante)
Le procureur général de la République au Brésil, qui doit quitter ses fonctions dans trois jours, a déposé une demande de mise en accusation du président du pays.
Le président du Brésil Michel Temer, en août à Brasilia. / EVARISTO SA / AFP
Avant de quitter ses fonctions, Rodrigo Janot a tiré sa dernière flèche. Mortelle, espère-t-il. Jeudi 14 septembre, le procureur général de la République au Brésil, figure de l’anti-corruption, chasseur acharné de politiciens véreux, dont le mandat expire le 17, a déposé auprès de la Cour suprême une demande de mise en accusation à l’encontre de Michel Temer, le président de la République. Le procureur accuse le chef d’Etat de « participation à une organisation criminelle » et « obstruction à la justice ».
Une initiative historique qui, dans un Brésil transformé en un vaudeville où transitent les mallettes d’argent sale, prend des allures de crime ordinaire.
Il s’agit de la deuxième plainte déposée en moins de deux mois contre le président. Une mesure susceptible de mener à sa destitution. La première, pour « corruption passive », avait été barrée par le Congrès. Grâce à l’appui d’un tiers des députés, le chef d’Etat avait échappé, en août, à un procès infamant.
Soutiens monnayés
À en croire les analystes, cette seconde procédure pourrait connaître le même sort. Habile et pugnace, Michel Temer, à bientôt 77 ans, est connu comme un maître des négociations politiciennes. En échange de faveurs, concédées aux députés, notamment à ceux que l’on décrit comme du « bas clergé », appartenant à des petits partis, il monnaye ses soutiens quitte à ouvrir la voie à des textes dispendieux et polémiques (visant par exemple à ouvrir des réserves naturelles à l’exploitation minière).
Pour en réchapper le président qui se présente comme un homme en souffrance, « persécuté » par un procureur qui lui vouerait une « inimitié capitale », profite aussi du léger redressement de l’économie, dont il s’attribue le mérite, et de la fourberie de ses propres dénonciateurs.
Pour mémoire, le septuagénaire est suspecté d’avoir acheté le silence de détenus, notamment celui de l’ancien président de la chambre des députés, Eduardo Cunha, membre comme lui du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB, historiquement au centre de l’échiquier politique mais désormais classé à droite) qui purge une peine de 15 ans de prison dans le cadre de l’enquête anti-corruption « Lava-Jato » (Lavage express).
Pots-de-vin
Michel Temer est également présenté comme le « chef de bande » d’un vaste réseau de distribution de pot-de-vin. Parmi ses sbires figureraient celui que l’on surnomme « l’homme à la valise », Rocha Loures, suspecté d’avoir été le porteur d’une mallette de 500 000 reais de pots-de-vin versés par le géant de l’agroalimentaire JBS ou encore son ex-ministre Geddel Viera Lima, arrêté après la découverte d’un magot de 51 millions de reais en liquide portant l’empreinte de son majeur et de son petit doigt gauche.
L’enregistrement clandestin d’une conversationentre Michel Temer et Joesley Batista, l’un des propriétaires du groupe JBS, dans le garage de la résidence de Brasilia, le 7 mars, à la tombée de la nuit a permis d’étayer l’accusation. La bande a été livrée à la police par le même Joesley Batista. Mais, les derniers rebondissements de l’affaire laissent croire que l’entrepreneur se serait au préalable arrangé avec un membre du parquet pour fournir ces éléments afin d’échapper lui-même à la prison. Un vaudeville, disait-on.
Cadavre politique
Il n’empêche. Même si Michel Temer échappe à un procès, la flèche tirée par Rodrigo Janot reste fatale.
Apprécié d’à peine 5 % des Brésiliens, Michel Temer prend des allures de cadavre politique. Si les marchés financiers croient encore en lui, les réformes qu’il compte mener semblent si ce n’est compromises, pour le moins réduites à la portion congrue. Devenu l’incarnation de la décadence d’un vieux monde politique, où la gauche comme la droite trempent dans les affaires crapuleuses, il est inaudible, voire méprisé.
Proches de l’overdose, les Brésiliens, préfèrent, pour l’heure, détourner le regard, plutôt que de manifester, se pinçant le nez en attendant l’élection présidentielle de 2018 qui amènera, espèrent-ils, un renouveau.