TV : « Fatale-Station », un western rural québécois
TV : « Fatale-Station », un western rural québécois
Par Martine Delahaye
Notre choix du soir. Au-delà d’un thriller doux, la série de Stéphane Bourguignon vaut pour ses personnages (sur Arte à 20 h 55).
Fatale Station - Bande Annonce - #ICIToutv
Durée : 01:47
Perdue à six heures de route d’une vraie ville, au bout du Québec, Fatale-Station a tout de même été repérée sur la carte par la Compagnie des chemins de fer, il y a bien longtemps, et dispose donc d’une gare. D’où ce toponyme se terminant par « station » – courant au Québec – qui donne son titre à la série.
C’est là que débarque une femme prête à s’y installer « pour de vrai ». Mais pourquoi diable venir s’enterrer vivante dans un tel trou ? Quand on a une tête et un corps sains, « ça n’a fucking pas de bon sens ! », se dit-on à l’envi dans le patelin – où personne ne semble avoir eu le loisir de choisir son lieu de vie. Que peut-on fuir de si terrible qu’on en soit réduit à s’échouer à Fatale-Station, où chacun vit emmuré par le regard des autres et rabougri par le manque de rêves ? Avec des désirs cuisant à feu si doux qu’ils peuvent passer inaperçus, mais recuits depuis si longtemps qu’ils pourraient déborder à tout moment.
Fatale-Station (1/10) - bande-annonce - ARTE
Durée : 00:31
Chacun, donc, à Fatale-Station, vit comme à l’étouffée. A commencer par Eddy, le patron du tout petit bar-restaurant Beijin Palace, qui « a le goût » de lire de la poésie, mais dont le cœur s’est congelé un quart de siècle plus tôt ; ou à l’image de Carolane, la coiffeuse, transie de honte et de colère souterraine après « les troubles » causés par un mari désormais en prison. Il en va d’ailleurs de même pour le maire, François, fatigué de se battre contre les moulins à vent de l’administration fédérale et de faire face à sa femme entrée en catatonie.
D’une certaine façon, malgré les apparences, cela vaut aussi pour la matriarche du coin, Jean O’Gallagher – que ses fils appellent « daddy » –, celle qui possède les trois quarts des business et maintient Fatale-Station sous sa férule pour que la bourgade ne tombe pas en état de coma ; celle, aussi, qui fera tout pour qu’aucun nouvel habitant ne vienne perturber le jeu précaire de contrôle et de subordination qu’elle a institué pour diriger toute la région en sous-main.
France Rolland (la mère) dans « Fatale-Station », série créée par Stéphane Bourguignon. / © FABRICE GAÉTAN
A un schéma classique de western – en gros, l’histoire du « lonesome cowboy » venu de nulle part qui, nolens volens, va réveiller et chambouler une communauté –, l’auteur-scénariste québécois de cette série, Stéphane Bourguignon, a surimposé une trame de thriller doux : par qui et pourquoi « l’étrangère » venue de Montréal est-elle poursuivie ? Quel lien ancien la lie avec ce patelin ? Le tout se révèle bien tissé, même si, comme souvent, l’on s’intéresse plus au portrait des personnages qui entourent l’étrangère qu’à la résolution de l’intrigue dont on sait qu’elle arrivera de toute façon dans l’épisode final.
Une fois n’est pas coutume – c’est même la première fois que l’on voit, pour notre part, la question des aborigènes abordée dans une série canadienne francophone –, un rôle, certes superficiel mais bienvenu, a été imaginé pour des Amérindiens installés dans une réserve non loin de Fatale-Station.
Signalons que cette série de la télévision publique a été conçue comme une première Web-série de format long : seul le premier épisode a été diffusé par la télévision, les autres ayant pu être visionnés sur le seul site de Radio-Canada (Ici. tou. tv. extra) ainsi que sur Facebook et YouTube.
Fatale-Station, série créée par Stéphane Bourguignon. Avec Macha Limonchik, Micheline Lanctôt, Claude Legault (Can., 2016, 10 × 45 min).