« Ranma 1/2 » : Rumiko Takahashi, pionnière et exploratrice du manga pour adolescents
« Ranma 1/2 » : Rumiko Takahashi, pionnière et exploratrice du manga pour adolescents
Par Pauline Croquet
La dessinatrice, reine de la comédie romantique, est la mère de la BD culte « Ranma 1/2 » qui reparaît en librairie trente ans après sa sortie initiale.
Détail de la couverture du tome 37 de la première édition de « Ranma 1/2 ». / Glénat - Shogakukan
Elle est l’une des mangakas les plus emblématiques et les plus populaires. Une grande partie de ses œuvres sont publiées en France mais les lecteurs retiennent avant tout de Rumiko Takahashi qu’elle est la créatrice de Maison Ikkoku (Juliette je t’aime) et de Ranma 1/2, dont la série est rééditée par Glénat, trente ans après sa sortie initiale, mercredi 18 octobre. Il faut dire que les deux séries, du moins leur adaptation télévisuelle, ont connu des heures de gloire dans le programme pour enfants Club Dorothée dans les années 1990, portant ainsi son œuvre au rang des mangas cultes pour les premiers lecteurs français.
Cette position est justifiée et dépasse la simple nostalgie. Rumiko Takahashi, aujourd’hui âgée de 60 ans, est aussi très respectée au Japon où ses séries ont participé aux meilleures heures des magazines de prépublication pour adolescents de l’écurie Shogakukan. Publiée dès 1987, Ranma 1/2 est l’une des plus diffusées à l’étranger. Close en 38 tomes, elle met en scène la vie, au sein d’un dojo familial, d’un jeune champion des arts martiaux, Ranma Saotome qui, victime d’un maléfice, se transforme en fille au contact de l’eau.
Ranma 1/2 - générique complet
Durée : 02:54
Au total, les œuvres de Rumiko Takahashi ont passé la barre cette année des 200 millions d’exemplaires vendus dans le monde. « En 1989, avec un revenu annuel de près de trois millions de dollars, elle fait partie des auteurs les plus riches du Japon », écrit le journaliste britannique Paul Gravett dans son guide de la BD asiatique Mangasia, paru aux éditions Hors collection.
Soigner les personnages
Dans le sillage du groupe de l’an 24, un collectif de pionnières du manga formé au début des années 1970, Rumiko Takahashi commence sa carrière en 1978 après avoir appris le métier à la prestigieuse école de manga Gekiga Sonjuku. Mais contrairement à ses consœurs, l’autrice ne va pas adresser ses mangas à une cible féminine (la cible des mangas « shojo ») mais dessiner des « shonen », des histoires destinées aux garçons. Elle sera l’une des premières femmes à se lancer dans ce style, inspirant par la suite de nombreuses artistes. Modèle de professionnalisme et de ponctualité, la réputation de Rumiko Takahashi force aussi l’admiration de ses pairs dans le milieu de l’édition.
A la tête de la Gekiga Sonjuku, Kazuo Koike, scénariste de Crying Freeman, Lone Wolf and Cub ou encore Lady Snowblood, enseignait à son élève que la base d’un bon manga réside avant tout dans les personnages. Celle-ci en fera son mantra dès la publication de sa première série, Urusei Yatsura (Lamu en Français) qui narre les aventures d’un jeune lycéen et d’une extraterrestre.
Au risque parfois de leur prêter des traits répétitifs d’une série à l’autre, Rumiko Takahashi invente une galerie impressionnante de personnages savoureux, de la mamie combattante dans Ranma 1/2 à Kyoko Otonashi, jeune veuve héroïne de Maison Ikkoku en passant par le désinvolte Inu-yasha, mi-homme mi-démon.
Reine de la comédie
Spécialiste des comédies romantiques à l’humour potache et tonitruant, Rumiko Takahashi soigne la progression de ses personnages. Et ne manque pas non plus d’exploiter les tensions sentimentales (et hormonales) entre eux. Certaines scènes jugées grivoises de Ranma 1/2 furent d’ailleurs censurées lors des premières diffusions du dessin animé dans le Club Dorothée. Réédités en DVD, les épisodes caviardés ont depuis retrouvé leur intégrité. Cette dernière est facilement repérable au passage soudain de la version française à la version originale (les épisodes n’ont semble-t-il pas été doublés à nouveau).
Ep 001
Durée : 23:42
Si la cible d’origine des bandes dessinées de la mangaka est plutôt des lycéens, ses héroïnes de shonen sont, étonnamment pour l’époque, intéressantes. Plus que des faire-valoir et des cibles à fantasmes, les filles du « Rumic World » (le nom que l’autrice donne parfois à son univers) sont en règle générale combatives, intelligentes et pas automatiquement éperdument amoureuses du héros.
De même, Ranma, lorsqu’il est femme, n’adopte pas une attitude niaiseuse, caricaturale de personnages féminins dans des mangas d’aventures des années 1980. Ainsi, les femmes du Rumiko World sont souvent douées en arts martiaux, discipline très présente dans son œuvre.
Rinne Saison 3 - Episode 1 vostfr FULL HD
Durée : 24:55
En près de quarante ans de carrière, Mme Takahashi a régulièrement publié des séries à succès mais aussi de très nombreuses histoires courtes. Sa dernière saga, Rinne, est toujours en cours de parution.
« Ranma 1/2 », tome 1, de Rumiko Takahashi, traduit par Fedoua Lamodière, éditions Glénat, 346 pages, 10,75 euros. Cette nouvelle collection sera achevée en une vingtaine de tomes épaissis au lieu des 38 originaux.
« Rumic Worl 1 or W », recueil d’histoires courtes de Rumiko Takahashi, éditions Delcourt-Tonkam, sorti en novembre 2016, 19, 90 euros.