En Ouganda, sur la trace des virus tueurs
En Ouganda, sur la trace des virus tueurs
Par Gaël Grilhot (contributeur Le Monde Afrique, Entebbe)
Ebola, Zika, peste, typhoïde… A Entebbe, un laboratoire analyse les pires ennemis de l’espèce humaine. Visite guidée.
Avec ses pelouses entretenues et ses petits bâtiments de deux ou trois étages entre lesquels déambulent quelques singes en quête de nourriture, le centre ressemble à s’y méprendre à un campus huppé. A travers les fenêtres, on aperçoit des conférenciers donner des cours à des étudiants.
Seuls les réservoirs annotés « azote liquide », les panneaux alertant sur les risques biologiques et quelques gardes armés postés à l’entrée donnent des indications sur la nature de ce qui se cache derrière ces murs. Ebola, VIH, peste, typhoïde : dans les laboratoires de l’Institut ougandais de recherche sur les virus (UVRI), à Entebbe, sont analysés depuis la fin des années 1930 – et malgré les multiples soubresauts politiques de l’histoire ougandaise – les pires ennemis de l’espèce humaine.
Du mercredi 25 au vendredi 27 octobre, Kampala, la capitale de l’Ouganda, accueille le sommet du Programme d’action pour la sécurité sanitaire mondiale. Selon Robert Downing, directeur du laboratoire de l’institut, le pays « a été choisi par le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies [le CDC, puissante organisation basée aux Etats-Unis] pour héberger le sommet car il s’agit d’un lieu important pour la recherche sur les maladies infectieuses ».
Fièvre de Marburg
Grand, sec, blouse et barbe blanches, Robert Downing travaille depuis plus de treize ans à l’UVRI, tout en ayant un rôle de consultant auprès du CDC. Selon lui, la pression démographique, combinée au développement agricole, fait de l’Ouganda un sujet d’étude intéressant, car elle pousse les populations à empiéter sur les forêts et à entrer ainsi en contact avec des réservoirs de virus comme les singes ou les chauves-souris. Un cas de fièvre de Marburg, provoqué par un virus cousin d’Ebola, a par exemple été confirmé il y a quelques jours dans l’est du pays.
Préparation aux situations d’urgence, centre d’étude et de formation sur les pathologies, analyses scientifiques, élaboration de politiques publiques de prévention… L’institut ne cesse de développer ses activités et partenariats. A l’intérieur des bâtiments, deux atmosphères très différentes coexistent. Dans les bureaux, des étagères poussiéreuses au design suranné, sur lesquelles s’entassent des dossiers aux noms de virus inquiétants. Sur les murs des couloirs, des vestiges de vieux tableaux électriques – que l’on espère déconnectés – et, partout, ces logos « biohazard », symboles de danger biologique, qui provoquent la chair de poule.
Des chercheurs de l’Institut ougandais de recherche sur les virus (UVRI) dans la forêt de Zika, près d’Entebbe, en mars 2016. / James Akena/REUTERS
Mais derrière les portes des labos, des centrifugeuses et des appareils de refroidissement neufs et du matériel de recherche dernier cri viennent rassurer le visiteur. D’ordinaire placide, le visage du docteur Downing s’illumine à l’évocation des nouvelles méthodes de recherche en cours d’expérimentation. « Nous avons commencé à travailler avec une nouvelle technologie sur le multiséquençage ADN, un système nommé MiSeq, développé par la société Illumina », détaille-t-il. Très prometteur, ce système devrait permettre des progrès rapides dans la compréhension des virus.
Alerte planétaire
Si les pratiques ont été révolutionnées, les traces des premiers chercheurs de l’UVRI n’ont pas disparu. Dans la forêt primaire de Zika, à quelques kilomètres de là, les tourelles métalliques qui servaient à capturer les singes pour les étudier sont encore visibles. C’est là que fut découvert, presque par hasard, en 1947, le virus du même nom, qui, après avoir muté, a commis des ravages considérables en Amérique latine en 2016. Une épidémie qui, comme Ebola, a provoqué une alerte planétaire.
« La mondialisation est l’un des facteurs les plus importants de propagation des virus, souligne Robert Downing. Et même si les pays développés ont des systèmes de contrôle et de régulation efficaces, ils ne peuvent rendre totalement étanches leurs frontières. » A ce titre, le scientifique s’inquiète davantage des échanges de nourriture non régulés que de la circulation des êtres humains.
« Les porcs ou les oiseaux peuvent constituer des réservoirs importants pour les virus », indique-t-il, soulignant que le sommet de Kampala doit permettre de renforcer la sensibilisation sur cette problématique. « De nombreux États doivent encore adhérer au Programme d’action pour la sécurité sanitaire mondiale, insiste Robert Downing. Il faut qu’ils prennent conscience de la nécessité de cette approche globale. »