Edouard Philippe a félicité le régiment du service militaire adapté de Martinique (RSMA), à la base militaire du Lamentin. / LIONEL CHAMOISEAU / AFP

Des symboles et une méthode. Pour sa première visite officielle dans les Antilles, entamée samedi 4 novembre en Martinique et qui se poursuit dimanche en Guadeloupe puis sur les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy lundi, Edouard Philippe a multiplié les séquences symboliques tout en s’attachant à éviter les polémiques, sa marque de fabrique depuis son arrivée à Matignon.

Arrivé sur l’île aux fleurs dans la nuit, le premier ministre a réservé sa première visite au cimetière de La Joyau (Lamentin), où est enterré le poète Aimé Césaire depuis 2008. Concentré, son mètre quatre-vingt quatorze dressé, le premier ministre est resté un long moment silencieux devant la tombe du père de la négritude, sur laquelle un extrait du Calendrier Lagunaire, l’un de ses plus fameux poèmes, a été gravé. « Eia pour Aimé Césaire ! Eia pour la Martinique ! », a lancé Edouard Philippe à sa sortie, reprenant une expression empruntée par le poète aux auteurs tragiques grecs, qui signifie : « Allons ! Courage ! ».

Désireux de placer son voyage sous le signe de la jeunesse, érigée en « priorité » par Emmanuel Macron à son arrivée à l’Elysée, l’ancien maire du Havre s’est ensuite rendu sur une base militaire du Lamentin où est déployé le régiment du service militaire adapté de Martinique (RSMA). Ce dispositif, propre aux outre-mer, permet à de jeunes décrocheurs de recevoir durant un an une formation dispensée par l’armée. En Martinique, quelque 1 000 jeunes de 18 à 25 ans en bénéficient chaque année. « 80 % d’entre eux trouvent du travail ou poursuivent une formation après cette année (…), c’est admirable », s’est félicité le premier ministre.

Endiguer l’exode des Martiniquais

Dans les jours qui ont suivi le passage de l’ouragan Irma, en septembre dernier, plusieurs dizaines de jeunes du RSMA ont été envoyés à Saint-Martin, principalement pour participer aux travaux de déblaiement. « C’est une formation qui apprend un savoir-faire mais aussi un savoir-vivre », détaille un conseiller ministériel. S’il a estimé que ce type de dispositif ne pouvait être dupliqué tel quel en métropole, Edouard Philippe a dit néanmoins vouloir s’en inspirer pour réfléchir aux conditions du futur « service national universel » qu’Emmanuel Macron s’est engagé à rétablir durant la campagne présidentielle.

Le RSMA s’inscrit dans les efforts menés par les départements d’outre-mer pour tenter de retenir leurs jeunes actifs. « Les Antilles françaises sont confrontées à un choc démographique majeur, avec un vieillissement accéléré de leur population », s’inquiète-t-on à Matignon. Chaque année, la Martinique perd 2 000 à 3 000 habitants, sur une population estimée à environ 380 000 personnes. Faute d’emploi, un nombre croissant de jeunes actifs sont obligés de partir en métropole ou de s’exiler à l’étranger.

« Il faut inciter ces jeunes à rester sur place et donc leur fournir des formations qui leur permettent de trouver du travail », explique l’entourage d’Edouard Philippe. Pour autant, le premier ministre n’a pas fait d’annonces à ce sujet lors de sa visite, renvoyant la discussion à la réforme globale de la formation que le gouvernement prépare avec les partenaires sociaux.

La marque de fabrique d’Edouard Philippe

Voilà pour le fond. Sur la forme, Edouard Philippe a continué à imprimer sa marque, tout en sobriété et en retenue. Interrogé sur les déclarations d’Annick Girardin, la ministre des outre-mer, qui avait assuré vendredi, avoir été « choquée » par le comportement de certains fonctionnaires après le passage de l’ouragan Irma à Saint-Martin, et notamment par des enseignants qui avaient « abandonné leur poste », Edouard Philippe n’a pas souhaité entretenir la polémique. « C’est un engagement d’être fonctionnaire mais si Saint-Martin a survécu à la catastrophe, c’est en grande partie grâce aux fonctionnaires », signale seulement son entourage.

Lors de sa visite sur la base militaire du RSMA, le premier ministre a préféré rendre hommage aux quelque 3 000 fonctionnaires qui ont été déployés au plus fort des opérations de secours à Saint-Martin. « Vous pouvez être fiers des actions que vous avez conduites », a-t-il déclaré devant plusieurs dizaines de gendarmes, pompiers, légionnaires, membres du Samu ou de la Sécurité civile qui avaient été réunis sous un soleil de plomb. « Le travail qui a été fait dans des conditions redoutables a été fait de façon admirable », a-t-il ajouté lors d’une revue des troupes, menée sans selfies ni étreintes.

« C’est la marque de fabrique d’Edouard Philippe : ne jamais stigmatiser les communautés, ne pas pointer du doigt », décrypte un proche du premier ministre. Une méthode à rebours de celle du chef de l’État, qui revendique au contraire de « parler vrai » et avait, lors de sa visite en Guyane à la fin du mois d’octobre, tenu un discours rugueux voire cassant auprès de différentes catégories de population. Différence d’attitude qui devrait être encore plus visible lors de la visite de l’île de Saint-Martin, lundi, où le chef du gouvernement a prévu d’assister à la rentrée des classes dans une école primaire.