Après l’élection en Virginie, quel avenir pour le « trumpisme sans Trump » ?
Après l’élection en Virginie, quel avenir pour le « trumpisme sans Trump » ?
Par Charlotte Chabas
La défaite du candidat républicain Ed Gillespie en Virginie est le premier désaveu électoral de l’action de Donald Trump dans les urnes.
Donald Trump examine des produits « Made in America », à la Maison Blanche. / OLIVIER DOULIERY/AFP
Stephen Bannon a eu tort. L’ancien directeur de campagne et ex-conseiller spécial de Donald Trump, perçu comme le sulfureux cerveau derrière la stratégie victorieuse du candidat républicain, avait déclaré avant l’élection du gouverneur en Virginie :
« Avec (le candidat républicain) Gillespie, le trumpisme sans Trump montre la voie. Si cela se confirme, les démocrates peuvent se montrer très très inquiets. »
Mais cela ne s’est pas confirmé. Le candidat républicain, Edward « Ed » Walter Gillespie, a été largement battu, mardi 7 novembre. Ce qui conduit la presse américaine à s’interroger sur la signification et la portée de ce premier signe d’une désapprobation de l’action de Donald Trump : moment de faiblesse ponctuel ? Vacillement d’une stratégie politique ? En d’autres termes, le trumpisme peut-il survivre sans Donald Trump, alors que « les premières failles dans l’édifice qui a permis à Trump de s’élever jusqu’à la Maison Blanche apparaissent », comme l’écrit le site d’information Business Insider ?
« Erreur de casting »
Pour analyser ce désaveu républicain, le New York Times n’hésite pas à parler d’« erreur de casting ». Car le curriculum vitae du candidat Ed Gillespie était « du pur système », note le quotidien, qui rappelle son parcours de président du Comité national républicain, ancien conseiller de George W. Bush, lobbyiste chevronné de K Street, l’une des principales avenues de Washington DC.
Dès lors, sa campagne agressive, basée sur des thèmes, des publicités et une rhétorique directement inspirée de Donald Trump, pouvait-elle être convaincante ? « Quand Trump s’en prenait à la violence du cartel MS-13 et accusait le Mexique d’envoyer ses violeurs aux Etats-Unis, les électeurs entendaient un homme qui lançait une campagne iconoclaste (…). Quand Gillespie attaque ce même gang, c’est clair qu’il chante un hymne qu’il a emprunté ailleurs », relève le Time magazine.
Idem pour le débat sur les monuments en hommage aux soldats sudistes lors de la Guerre de Sécession, ou celui sur l’immigration, rappelle le magazine.
Or, cette « erreur de casting » s’est avérée aussi être une aberration géographique et sociologique. « Le trumpisme sans Trump s’est avéré une stratégie perdante, au moins dans un Etat plutôt éduqué et aisé, avec une diversité de population comme la Virginie », rappelle pour sa part The Economist.
« Trumpisme d’apparat »
La campagne d’Ed Gillespie contre le candidat démocrate, « destinée à être une bataille classique et un peu ennuyeuse d’argumentation système/contre-système », s’est transformée en une « course à l’appât électoral », analyse US News. Et le site d’information de résumer comment cette élection, où le candidat républicain était pourtant en tête des intentions de vote, « a été la démonstration de la manière dont une minorité peut tirer un parti tout entier ».
Ce « trumpisme d’apparat » a été d’autant moins convaincant que, tout au long de la campagne, Ed Gillespie a « essayé de chercher une voie médiane en empruntant parmi les thèmes de campagne les plus sulfureux du président, tout en le traitant comme Voldemort et en refusant de se revendiquer de Donald Trump », souligne le New York Times, qui rappelle la chute vertigineuse de la popularité du président, tombée à 33 % dans le dernier sondage Gallup.
Car, comme beaucoup d’élus républicains, Ed Gillespie ne révère pas le 45e président américain. Au début de la campagne, il a traité Donald Trump de « fou narcissique », rappelle The Economist. « En sacrifiant ses principes sur l’autel du trumpisme, Ed Gillespie a donné une leçon aux autres républicains tentés d’adopter les tactiques de Donald Trump », résume le New York Times.
Le sénateur républicain Charles « Chuck » Schumer s’est épanché sur le site du Huffington Post, confiant que « les sirènes des mauvais instincts humains, que Donald Trump a agités tout au long de sa campagne et que les Républicains suivent de plus en plus, ne servent pas l’Amérique correctement, et ne les serviront pas eux-mêmes correctement non plus ».
Déloyauté présidentielle
Donald Trump a bien senti la brèche. Profitant de ses, désormais, 280 signes de liberté sur Twitter, le 45e président américain a vu dans cette défaite la preuve qu’« Ed Gillespie ne s’est pas assez rapproché de moi ou de mes thèmes de campagne ».
Ed Gillespie worked hard but did not embrace me or what I stand for. Don’t forget, Republicans won 4 out of 4 House… https://t.co/HODixMtPNw
— realDonaldTrump (@Donald J. Trump)
Une attaque « peu avisée », commente le Washington Post, qui voit là « une autre preuve de la déloyauté de Donald Trump envers ses partenaires politiques ». Une méthode qui « met en péril le Parti républicain » pour les élections de mi-mandat, en novembre 2018, note le quotidien. « Si le trumpisme ne fonctionne que si Donald Trump est sur le bulletin de vote, le président va vite voir le nombre de ses alliés républicains chuter », souligne à l’unisson Time magazine.
L’équilibre risque en effet d’être complexe à trouver pour les membres du Parti républicain dans les prochains mois, alors que les scandales s’accumulent à la Maison Blanche. « Trump et le trumpisme sont clairement devenus un problème devant les électeurs, mais, dans le même temps, le président reste une figure très populaire au sein des caciques les plus conservateurs du Parti républicain, qui ont autorité sur les candidatures pour les élections », rappelle CNN.
Il faudra aux futurs candidats « se montrer le plus proche possible de Donald Trump pour être nommé candidat », mais, une fois désignés « s’en détacher le plus possible pour ne pas être sanctionnés par les électeurs ».
Car, pour le site d’information Slate, c’est bien aussi une défaite des idées du président qui est advenue, et de ce « trumpisme sans Trump, c’est-à-dire un euphémisme pour désigner les politiques de l’identité blanche, basées sur la dénonciation du racisme anti-blanc et de l’amertume de cet électorat ».
De ce scrutin virginien, la leçon tirée par le site Internet est claire : « Les règles de la politique sont immuables. Des présidents impopulaires font des partis impopulaires. Ce qui était vrai pour les démocrates sous Barack Obama est vrai aujourd’hui pour les républicains. »