TV – « Alias Grace », itinéraire d’une servante écrouée
TV – « Alias Grace », itinéraire d’une servante écrouée
Par Martine Delahaye
A voir aussi ce soir. Adaptée d’un roman de Margaret Atwood, cette série retrace le parcours d’une femme condamnée pour meurtre (sur Netflix, à la demande).
CAPTIVE Bande Annonce VF (NETFLIX // 2017)
Durée : 02:40
Alias Grace, qui vient d’être lancée sur Netflix, est adaptée du roman Captive de la Canadienne Margaret Atwood, également auteure du best-seller La Servante écarlate, superbement transformé en série (The Handmaid’s Tale) cette année et disponible sur OCS. Si cette nouvelle sérien’en atteint pas le pouvoir d’évocation ni l’amplitude politico-philosophique,cela tient sans doute au fait que pour ce livre-ci, Margaret Atwood s’est appuyée sur un fait réel : l’emprisonnement de la très jeune et douce Grace Marks, pendant trente ans, pour un double meurtre. Alors qu’elle s’en disait innocente. Une histoire qui, au milieu du XIXe siècle, fit grand bruit.
L’on va donc suivre les pas de Grace Marks, arrivée d’Irlande au Canada très jeune, et rapidement placée comme servante à Toronto pour soutenir sa famille rongée par la misère. Et qui, à 16 ans, en 1843, sera condamnée à la prison à perpétuité pour le meurtre de son employeur et de la gouvernante de la maison, enceinte de ce dernier. Jusqu’à ce qu’un jour, elle reçoive la visite du docteur Jordan, un psychiatre mandaté par un pasteur pour retracer avec elle son histoire et tenter de prouver son innocence.
Entretiens avec un psychiatre
La jeune fille a-t-elle volontairement participé au double meurtre ? A-t-elle été instrumentalisée par le véritable coupable ? Feint-elle ou non de n’avoir aucun souvenir des événements meurtriers ?Charge au médecin de déceler une possible cohérence entre l’acte criminel et la personnalité de la jeune Grace, dont on va découvrir avec lui les multiples facettes – à l’image des pièces de tissu que la jeune femme assemble en patchwork pour en faire des courtepointes, pendant leurs conversations.
Sarah Gadon dans « Alias Grace ». / NETFLIX
Or, ces entretiens quotidiens entre la jeune fille et le psychiatre vont cristalliser une fascination du docteur Jordan pour son « sujet » d’étude : telle Shéhérazade, grâce à son récit, Grace fuit le sordide de sa vie de prisonnière mais tient aussi en haleine le seul être qui se soit jamais intéressé à elle. D’où le charme de cette série, dont la dramaturgie s’apparente en réalité à un film : Alias Grace traite du pouvoir enivrant de la narration, fictionnelle ou non, même depuis le fin fond du sordide.
Alias Grace, série créée par Sarah Polley. Avec Sarah Gadon, Edward Holcroft (Etats-Unis-Canada, 2017, 6 × 45 min).