Au PS, le trésorier rêve de lendemains plus riches
Au PS, le trésorier rêve de lendemains plus riches
M le magazine du Monde
Il est celui qui doit vendre le siège historique et gérer le départ d’une soixantaine de permanents. Fidèle au PS depuis ses 18 ans, Jean-François Debat croit encore à la refondation du parti, dans laquelle il espère s’engager d’avantage.
Jean-François Debat, trésorier en charge de l’organisation de la vente du siège du PS. / Alain Apaydin/Abaca
Le trésorier du Parti socialiste, Jean-François Debat, n’a même plus de bureau. Il a dû céder le sien, rue de Solférino à Paris, à la personne chargée de gérer le plan social au PS. La déroute aux élections législatives prive le parti de la manne du financement public qui assurait son train de vie : soixante départs — sur une centaine de permanents — sont prévus auxquels s’ajoutera la vente du siège, en 2018.
« Elle avait besoin de confidentialité », dit-il en nous recevant dans la salle Georges-Dayan, du nom d’un ami de jeunesse de François Mitterrand, dont plusieurs photos décorent les murs. Sur l’une d’elles, datant probablement de la campagne de 1964, l’ancien président apparaît devant un pylône électrique : « Un président jeune pour une France moderne », récite le slogan. Il y a bien sûr une photo de François Hollande, mais dans un format plus réduit.
Sciences Po, Ena et AS Saint-Etienne
En temps normal, personne ne se précipite pour rencontrer le trésorier d’un parti politique. Sauf cas de soupçon de corruption ou risque de faillite. Jean-François Debat, 51 ans, se serait bien passé de cette notoriété-là : « Je n’ai pas rêvé de me retrouver devant cent personnes en me disant que plus de la moitié devra partir. Mais traiter de problèmes concrets, c’est encore faire de la politique. Je suis chargé de prendre des décisions humainement difficiles. C’est aussi ma mission. »
Parallèlement, il doit aussi finaliser la vente du siège, 3 000 mètres carrés estimés entre 50 millions et 60 millions d’euros. Une trentaine de candidatures sont arrivées, une vingtaine ont été retenues, mardi 7 novembre. Mais pour l’instant aucune offre financière n’a encore été formulée. Puis il faudra chercher de nouveaux locaux dans Paris pour s’y installer à l’été 2018 : « Nous n’irons pas en banlieue. Le PS doit rester à proximité des lieux de pouvoir. »
Membre de droit de la direction collégiale du parti mise en place en juillet, Jean-François Debat n’en démord pas : « Même affaibli, le PS reste un parti de gouvernement. » Cette conviction était déjà la sienne lorsqu’il franchit la porte de la section PS de Bourg-en Bresse (Ain), la ville dont il est devenu maire en 2008 et où il a été réélu (au premier tour) en 2014. « En 1984, à 18 ans, se rappelle-t-il, j’ai passé mon permis de conduire et j’ai pris ma première carte. » On a connu des choix plus iconoclastes à cet âge…
Fils d’un catholique et d’une protestante, passionné de football (l’AS Saint-Etienne), il entre à Sciences Po et passe l’ENA (promotion Léon Gambetta, 1991-1993). « L’ENA, écrit-il sur son blog, je l’ai réussie, je n’en ai pas hérité. […] Personne ne me doit rien. […] Mais je ne dois rien non plus à personne à ce sujet. »
Approché par Emmanuel Macron
Son profil de militant loyal et son parcours d’excellence lui permettent d’intégrer le conseil municipal de Bourg-en-Bresse en 1995, et, deux ans plus tard, le cabinet de Laurent Fabius à la présidence de l’Assemblée nationale. élu premier secrétaire fédéral de l’Ain la même année, il siège au conseil national du PS, dont il suit la ligne au gré des changements de premier secrétaire, sauf en 2005, quand il vote « non » au référendum sur la Constitution européenne, opposé à « la dérive ultralibérale de l’Europe ». Depuis 2008, il est aussi vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et conseiller d’état.
Il se serait bien vu devenir ministre en 2012 dans la foulée de l’élection de François Hollande à la présidentielle. Il se contentera du poste de trésorier que lui confie Harlem Désir. En 2017, il est approché par l’entourage d’Emmanuel Macron pour le rallier. Il décline : « Je ne crois pas à ce que propose Macron. Je n’aurais pas pu le défendre. » Il a soutenu Benoît Hamon mais de loin, sans y croire ni se fâcher avec lui. Ni avec personne en général. « Il était déjà là quand je suis arrivé, il était encore là quand je suis parti, ironise Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire démissionnaire. C’est un type compétent et sérieux. Un social-démocrate, mais de gauche. Il a le profil idéal pour remplir la mission qui est la sienne aujourd’hui. »
Jean-François Debat regarde sa montre. Il est 15 h 30 et son train pour Bourg-en-Bresse part dans une heure. Ça laisse peu de temps pour évoquer l’avenir d’un PS dans lequel il compte s’engager davantage. C’est son heure, croit-il, et celle des élus de territoire qui n’ont pas été balayés par la déroute de juin.
Il garde un souvenir peiné de la dernière année du mandat de François Hollande : « Une ambiance dégradée, des rivalités de personnes, la disparition de l’intérêt collectif. » « La gauche ne reprendra pas pied uniquement parce que les Français seront déçus par la politique de Macron, explique-t-il. Il nous faut faire émerger une nouvelle direction. » Et de nouveaux clients : « Le PS s’est trop positionné comme le parti du salariat. Un patron de petite PME face aux grands groupes, un agriculteur face aux géants de l’agroalimentaire, un petit commerçant face à la grande distribution sont aussi des faibles qu’il faut protéger. » Puis il a filé comme une flèche direction gare de Lyon : « En vingt-cinq ans, je n’ai raté mon train que quatre fois. »