Quatorze signalements de décès pour le Levothyrox
Quatorze signalements de décès pour le Levothyrox
Par Pascale Santi
Les décès ont été enregistrés dans la basse nationale qui recense les effets indésirables. L’ANSM estime qu’aucun lien « ne peut être établi » avec le médicament.
Des boîtes de Levotyrox d’ancienne et nouvelle formule, le 2 octobre. / JACQUES DEMARTHON / AFP
Quatorze décès de patients prenant du Levothyrox (Merck) ont été enregistrés dans la base nationale recensant les effets indésirables des médicaments. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a confirmé mercredi 29 novembre les informations du numéro zéro de l’hebdomadaire Ebdo. Mais à ce stade, précise l’ANSM, « aucun lien ne peut être établi avec le médicament ». Depuis le changement de formule, fin mars, du Levothyrox – destiné à soigner l’hypothyroïdie –, pris par trois millions de personnes, des milliers d’entre elles ont dénoncé des effets indésirables, parfois graves (fatigue, maux de tête, insomnies, vertiges, douleurs articulaires et musculaires…).
Dans le rapport de pharmacovigilance rendu public par l’ANSM le 10 octobre, qui rendait compte des effets indésirables à mi-septembre, quatre étaient des décès. Une femme de 87 ans, diabétique, et qui a eu un accident vasculaire cérébral ischémique, une mort subite d’une femme de 78 ans, qui prenait un grand nombre d’autres médicaments, une patiente de 34 ans recevant un lourd traitement psychiatrique et une de 39 ans après un oedème pulmonaire avec insuffisance cardiaque, indiquait ce rapport.
Depuis, dix autres décès ont été rapportés dans la base nationale de pharmacovogilance, dont des morts fœtales. Le « lien avec le Levothyrox n’est pas établi », précisait le rapport mi-octobre, ce que rappelle l’ANSM dans un tweet mercredi soir. « Ces patients recevaient plusieurs traitements et souffraient pour la plupart de pathologies graves », dit l’agence. A mi-septembre, 14 633 signalements d’effets indésirables avaient été déclarés, ce sont des milliers de plus aujourd’hui. Mais l’ANSM ne communique pas ces chiffres. Et indique simplement que « l’enquête se poursuit ». Des résultats seront présentés fin janvier.
@ebdolejournal Les signalements de décès et de cas graves font systématiquement l’objet d’une vigilance particulièr… https://t.co/zNdjvrnHI9
— ansm (@ANSM)
Si l’ANSM considère que les décès ne sont pas liés au Levothyrox, « comment l’ANSM ou le ministère peuvent-ils certifier qu’il n’y a pas de décès sous Levothyrox ? Ils n’en savent rien. », explique un expert de l’ANSM de façon anonyme dans Ebdo.
« Crise médiatique »
Cette suspicion fait en tout cas prendre une nouvelle tournure à cette crise. Dans un entretien à Libération le 11 octobre, Dominique Martin, directeur général de l’ANSM, déclarait, « si l’on se réfère aux normes internationales, il n’y a pas eu de décès (…) les effets rapportés ne mettent pas en danger la vie des personnes ». De plus le député Jean-Pierre Door avait présenté le 31 octobre les conclusions de sa « mission flash » sur le Levothyrox devant la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale : « Il n’y a pas de crise sanitaire mais une crise médiatique, autour de la nouvelle formule du Levothyrox ». L’association Vivre sans Thyroïde avait alors parlé de « canular indécent pour les patients ».
Par ailleurs, le professeur émérite Claude Hamonet évoque dans The Conversation une nouvelle piste d’explication quant aux effets indésirables. Des personnes prenant le Levothyrox pourraient être touchées par le syndrome d’Ehlers-Danlos, une maladie héréditaire méconnue, qui pourrait être à l’origine de ces troubles. Ce syndrome peut avoir des symptômes proches de l’hypothyroïdie.
En attendant, les voix se multiplient depuis des mois pour demander le retour de l’ancienne formule du Levothyrox. Face à la colère de patients, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait annoncé mi septembre le retour de l’ancienne formule, mais de façon provisoire. D’autres alternatives sont disponibles. Au plan judiciaire, de nombreuses plaintes de patients mécontents, dont beaucoup se sentent trahis et mal informés, ont été ou vont être déposées contre le laboratoire Merck, la ministre de la Santé, l’ANSM, etc.