Stephane Richard le 15 juin à Paris. | BERTRAND GUAY / AFP

Stéphane Richard réussira-t-il à être reconduit pour un troisième mandat à la tête d’Orange ? La question était en filigrane de la journée investisseurs qui s’est tenue à Londres jeudi 7 décembre. Devant les analystes financiers, l’ancien inspecteur des finances a défendu le bilan et la stratégie menée chez Orange depuis 2011, rappelant les effets vertueux des investissements massifs réalisés dans la fibre et de la stratégie de convergence mise en place. « Nous avions fait des choix pertinents au bon moment. A l’époque, personne ne nous croyait », a-t-il dit.

En marge de cette rencontre, le PDG d’Orange a dessiné les lignes du projet qu’il mettrait en place, s’il était prolongé pour quatre années supplémentaires à partir de 2018. « Il y aura un gros élément de continuité, car nous avons fait des paris qui s’avèrent payants. Nous devons aussi accélérer la transformation interne de l’entreprise, en nous orientant vers les technologies comme l’intelligence artificielle, et terminer le déploiement de la fibre », a précisé le patron, évoquant également de nouveaux axes de croissance.

« Nous avons allumé de nouveaux moteurs, comme les services financiers et la banque », a dit Stéphane Richard, rappelant qu’Orange Bank avait conquis 30 000 clients en dix jours après sa création le 2 novembre. Il compte ensuite orienter l’opérateur historique français vers un « univers de services digitalisés, comme l’énergie ». En Pologne, Orange est distributeur d’électricité, et compte 200 000 clients. En Afrique, qui souffre d’une grande carence en infrastructures électriques, l’opérateur a conclu, il y a un an, un partenariat avec Engie, et espère commercialiser de l’électricité là où il en produit pour ses sites de téléphonie mobile à partir de panneaux solaires.

Le poste de PDG d’Orange fait envie

Toujours sous la menace d’un renvoi devant le tribunal correctionnel dans l’affaire Tapie, le dirigeant a prévu d’évoquer bientôt l’ensemble de ses projets et son éventuel renouvellement à la tête de l’opérateur avec le président de la République, Emmanuel Macron. Même si, selon ses propres mots, ce genre de décision appartient « au conseil d’administration, qui compte une majorité d’administrateurs indépendants ».

Le chef de l’Etat choisira-t-il la continuité ? Ou optera-t-il pour la rupture en nommant un nouveau PDG ? Si MM. Richard et Macron se connaissent de longue date, les relations n’ont pas toujours été au beau fixe. De fortes divergences de vue avaient émergé au moment où le PDG d’Orange avait mené un projet de consolidation dans les télécoms en France, militant pour un rachat de Bouygues Telecom. L’ancien ministre de l’économie avait contribué à faire capoter l’opération.

Prochaine échéance de taille : le vote au conseil d’administration, le 20 février 2018, du renouvellement de son mandat d’administrateur. Officiellement, c’est l’assemblée générale du 4 mai prochain qui entérinera le nom du nouveau patron. Jusque-là, aucun candidat n’a frappé à la porte du conseil d’administration pour faire part de sa candidature officielle. Mais nul doute que le poste de PDG d’Orange fait envie. Nicolas Dufourcq, à la tête de BpiFrance, et administrateur d’Orange, a confié en privé viser la direction du l’opérateur.

Une note « passée sous le manteau »

Pour cela, il devrait auparavant démissionner de son poste et se porter candidat à titre personnel. Ses opposants soulignent déjà les conflits d’intérêts potentiels qui pourraient émaner de la candidature du patron de la banque publique, qui détient une participation importante de l’opérateur, alors que sa mission à la tête d’Orange serait de représenter tous les actionnaires. Sur le papier, rien n’empêche M. Dufourcq de se présenter. Il n’aurait ainsi pas à passer devant une commission de déontologie.

Autre preuve du succès du poste, l’Elysée a reçu à la rentrée une note au vitriol, proposant « de façon urgente une nouvelle stratégie pour Orange, incarnée par un nouveau management », dit le document que Le Monde a pu consulter. Parmi les propositions, il est suggéré de renoncer à « l’approche actuelle du tout fibre », pour privilégier des technologies complémentaires, afin « d’offrir sur trois ans le très haut débit partout ». « J’ai lu cette note, je n’y ai rien trouvé de révolutionnaire », a expliqué le PDG, qui aurait préféré un débat public, plutôt qu’une note « passée sous le manteau ». « Remettre en cause la stratégie, c’est remettre en cause les décisions du conseil d’administration ». A bon entendeur.