Capture d’écran d’une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux montrant des manifestants dans la ville iranienne de Kermanshah, vendredi 29 décembre.

En une semaine, le prix des œufs a parfois doublé dans certaines villes iraniennes. Et la colère populaire est montée en flèche à son tour, alors que le pays est touché par un chômage galopant, qui s’établit à 12,4 % en 2017. Pour le deuxième jour consécutif, des centaines de manifestants se sont rassemblés vendredi 29 décembre dans plusieurs villes iraniennes, afin de protester contre la baisse de leur pouvoir d’achat et la corruption qui gangrène le pays.

Des manifestations ont eu lieu à Nazar, Yazd (sud), Sharhoud (nord) et Kachmar (nord-est). A Kermanshah (ouest), la police antiémeute a dispersé des manifestants, et des bâtiments publics ont été endommagés, selon l’agence de presse semi-officielle Fars.

Arrestations pour « slogans sévères »

Jeudi, à Machhad, deuxième ville d’Iran, cinquante-deux personnes avaient déjà été arrêtées lors d’un rassemblement comparable. Des vidéos postées sur les réseaux sociaux montrent que la foule a été dispersée à l’aide de canons à eau et de gaz lacrymogène.

Ces manifestants avaient notamment scandé des slogans contre le gouvernement du président Hassan Rohani, jugé incapable de répondre aux problèmes économiques. Selon des images vidéo diffusées par le média réformateur Nazar, c’est au cri de « Mort à Rohani » ou de « Pas Gaza, pas le Liban, ma vie en Iran » que s’est rassemblée la foule, semblant ainsi critiquer les engagements de l’Iran dans des causes régionales.

Le chef du tribunal révolutionnaire de Machhad, Hossein Heidari, a indiqué que ces personnes avaient été arrêtées pour avoir scandé des « slogans sévères », selon l’agence de presse iranienne Fars, proche des conservateurs. Il a également mis en garde les protestataires contre tout dérapage, tout en rappelant le droit du peuple à manifester.

« Certains incidents survenus dans le pays [ont eu lieu] sous le prétexte de problèmes économiques, mais il semble qu’il y ait autre chose derrière ceux-ci », a affirmé pour sa part le premier vice-président, Eshaq Jahangiri, cité par la télévision d’Etat Irib, affirmant que leurs responsables devaient être identifiés. « Je suis certain que cela va se retourner contre » eux, a-t-il ajouté.

Chômage à 12,4 %

Les manifestations à caractère politique sont rares en Iran, où les forces de sécurité sont omniprésentes. Les derniers rassemblements antigouvernementaux de grande ampleur ont eu lieu en 2009 pour protester contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. L’ayatollah conservateur Ahmad Alamolhoda, un proche du guide suprême de la Révolution islamique Ali Khamenei, a réclamé plus de fermeté contre les manifestants.

La promesse de relancer l’économie, atone en raison des sanctions internationales passées et d’une mauvaise gestion, a été au cœur des campagnes présidentielles de Hassan Rohani, réélu pour un deuxième mandat en mai. Il s’est notamment appuyé sur l’accord sur le nucléaire signé avec les grandes puissances en 2015, qui s’est accompagné de la levée de certaines sanctions. Mais s’il a réussi à maîtriser l’inflation à moins de 10 % (jusqu’à 40 % sous son prédécesseur, Mahmoud Ahmadinejad), le taux de chômage demeure élevé (12,4 %), selon des chiffres officiels. Un taux en hausse de 1,4 point par rapport à celui de l’année précédente.

Hamid Garmabi, représentant de la ville de Neychabour, près de Machhad, a de son côté parlé de « crise majeure à Machhad causée par les institutions illégales de prêt », en référence au développement d’organisations illégales de prêt sous la présidence Ahmadinejad (2005-2013). La mauvaise régulation du secteur bancaire et un boom de la construction ont gravement affecté les établissements de crédit, qui croulent sous les dettes et sont incapables de rembourser les investisseurs.

Le gouvernement Rohani a cherché à faire le ménage dans le secteur de la finance, fermant trois des plus grands établissements de crédit : Mizan, Fereshtegan et Samen al-Hojaj. Mais cette mesure forte n’a pas été sans conséquence. Machhad a été l’une des villes les plus touchées par la fermeture de Mizan, qui totalisait environ un million de comptes, engendrant plusieurs manifestations depuis 2015 dans la ville, selon l’agence officielle IRNA.