Françoise Nyssen appelle le monde culturel à « agir en faveur des migrants »
Françoise Nyssen appelle le monde culturel à « agir en faveur des migrants »
Par Sandrine Blanchard (Nantes, envoyée spéciale)
La ministre de la culture promet un « grand plan de soutien à l’itinérance » pour les artistes qui iront à la rencontre des « publics oubliés ».
Françoise Nyssen, la ministre de la culture, le 17 janvier à Elysée. / LUDOVIC MARIN / AFP
Devant des centaines de responsables culturels, réunis à Nantes à l’occasion des Biennales internationales du spectacle (BIS), la ministre de la culture a lancé, mercredi 17 janvier, un vibrant appel en faveur des migrants. Alors que la veille, Emmanuel Macron se déplaçait à Calais pour défendre sa politique en matière d’immigration critiquée par les associations humanitaires et caritatives, Françoise Nyssen a appelé à « une mobilisation toute particulière » en faveur des migrants : « Le monde culturel a le devoir d’agir. Offrons-leur un accueil digne de ce nom. C’est notre honneur, celui de notre culture, celui de notre République qui en dépend. »
Balayant la critique de l’angélisme ou de la complaisance, la ministre a incité « à agir par humanité et par esprit de responsabilité pour rendre à ces personnes le droit de vivre normalement, à côté des procédures, des démarches, des files d’attente ». Selon elle, le monde de la culture a « tous les pouvoirs pour rappeler à ces personnes que le rêve existe et leur offrir des moments de grâce ». Et Françoise Nyssen de citer des exemples : « que des places leur soient réservées pour assister à des spectacles, que des ateliers de théâtre, de cirque, de danse leur soient proposés ».
« Vous pouvez combattre les stéréotypes qui les frappent, agir pour leur droit à la considération, en racontant leur histoire dans vos spectacles ; en leur faisant une place dans vos programmations. »
Prises de position précédentes
Ce n’est pas la première fois que Françoise Nyssen prend la défense des migrants. Dans un entretien accordé au Monde le 19 décembre elle avait défendu « l’accès à la vie culturelle pour tous ceux qui sont sur le sol français ». Selon elle, ce « défi » d’offrir un accueil digne relève du « combat contre la ségrégation culturelle » qu’elle entend mener.
Auparavant, la ministre a tenté de rassurer les professionnels du spectacle vivant. Alors que la publication dans Le Monde en novembre d’un document de travail du ministère intitulé « Contribution ministérielle aux travaux du CAP 2022 » (un comité piloté par Matignon chargé de proposer des économies) avait suscité une vive inquiétude, Françoise Nyssen a promis qu’« il n’y aura pas d’économies entre nous. Vos spectacles, vos pièces de théâtre, vos chorégraphies, vos concerts ne sont pas des postes d’économie mais des ressources précieuses et une fierté ».
Lancement d’un « grand plan de soutien »
Pour lutter contre la ségrégation culturelle, un « nouveau cadre de contractualisation » avec les collectivités territoriales va être lancé. Les associations d’élus ont signé avec le ministère une déclaration commune qui sera publiée « très prochainement », a indiqué la ministre. Pour toucher tous les publics, elle entend soutenir « ceux qui innovent, qui osent, qui sortent du cadre », c’est-à-dire ceux qui vont dans les hôpitaux, les prisons, les maisons de retraite, qui font participer le public à la construction d’un spectacle, qui encouragent la pratique amateur, qui interviennent dans des écoles, qui jouent dans les zones rurales et les quartiers.
Dans cet objectif, Françoise Nyssen a annoncé le lancement d’« un grand plan de soutien à l’itinérance dans les semaines à venir ». Les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) devront « libérer une partie de leur budget » afin que des troupes, des artistes, des productions partent sur les routes de France à la rencontre des « publics oubliés » en ayant « carte blanche ».
Quant à la question d’éventuelles passerelles entre l’offre publique et l’offre privée de spectacles vivants, la ministre s’est peu avancée. « Je me bats contre l’idée qu’il y aurait d’un côté une culture “légitime” – celle que l’Etat reconnaît et soutient ; et de l’autre côté, une culture dont l’Etat se désintéresse ou qu’il déconsidère –, ce n’est pas le cas ». Refusant une « approche binaire » elle a juste indiqué qu’il s’agissait d’« un sujet important, qui est devant nous, et sur lequel je veux réfléchir ».