TV – « Complotisme, les alibis de la terreur »
TV – « Complotisme, les alibis de la terreur »
Par Christine Rousseau
A voir aussi ce soir. Un documentaire éclairant sur la façon dont le djihadisme utilise et nourrit les thèses complotistes pour justifier la terreur (sur France 3 à 23 h 20).
Rudy Reichstag est sur tous les fronts. Membre de l’Observatoire des radicalités politiques à la fondation Jean Jaurès, le politologue anime depuis 2007 le site Conspirary Watch. où il passe aux cribles, pour mieux les démonter, les théories du complot. Ce soir, c’est sur France 3, qu’il poursuit ce combat, en cosignant avec Georges Benayoun, auteur notamment de L’Assassinat d’Ilan Halimi (2014), un documentaire éclairant sur la façon dont le djihadisme utilise et nourrit les thèses complotistes pour justifier la terreur.
Car ainsi que l’explique le philosophe Jacob Rogozinski : « Le terrorisme a besoin de justification, de légitimation comme les totalitarismes (…) même les djihadistes recherchent du sens et veulent un monde ordonné où leur crime puisse avoir un sens et une valeur de rédemption ». Et ce sens, les djihadistes l’ont trouvé dans la théorie du complot judéo-croisé contre l’Islam. Théorie qui a repris toute sa vigueur avec les attaques du 11 septembre 2001 avant de s’intensifier en France à partir de 2012 et les vagues d’attentats terroristes qui suivirent.
A ce mythe d’un complot islamophobe – qui pose le coupable en victime – s’est donc ajouté celui « plus attractif car plus moderne » d’un « terrorisme fabriqué », qui sous des dehors pseudo-scientifiques, vise à mettre en doute les versions officielles. Ce négationnisme se déploie au sein d’une complosphère qui, des frères Ramadan à Mathieu Kassovitz, d’Alain Soral à Michel Collon, en passant par Thierry Meyssan, trouve des relais aussi bien sur la toile que sur le petit écran.
Tariq Ramadan (à droite) en compagnie de Dieudonné et Alain Soral. / FRANCE 3
Renforcées par un contexte de désinformation et de discrédit des politiques, ces thèses trouvent un écho favorable auprès des plus jeunes. « Communautarisme, identitarisme, victimisme, complotisme, antisémitisme sont cinq discours extrêmement présents qui tous réunis, sont particulièrement explosifs et donnent un individu mûr pour entrer dans le djihadisme », explique Amélie Boukhobza, psychologue clinicienne en charge de jeunes radicalisés
S’appuyant largement sur des entretiens avec des spécialistes de ces questions
(Pierre-André Taguieff, Soufiane Zitouni, Gérald Bronner), sur des témoignages de victimes d’attentats (ou de leurs proches) pour qui ces discours niant la réalité s’apparentent à une double peine, ce film dense, illustré de vidéo de propagande, s’offre par son décryptage comme un outil civique de résistance.
Complotisme, les alibis de la terreur, de Rudy Reichstag et Georges Benayoun (Fr., 2017, 60 min).