« Jusqu’à la fac, on m’a toujours dit que j’étais nulle »
« Jusqu’à la fac, on m’a toujours dit que j’étais nulle »
Ondine a vécu sa scolarité comme un « cauchemar ». Atteinte de dysphasie, son handicap n’a pas toujours été reconnu par ses enseignants et elle a souffert de remarques « qui rabaissent ». Jusqu’à réussir finalement son bac.
Ondine, 20 ans, étudiante à Paris. La ZEP / La ZEP via Campus
Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Ondine, 20 ans, étudiante à Paris.
En CE1, on a découvert que j’étais dysphasique. Dys… quoi ? C’est un trouble du développement du langage. En gros, ça veut dire que j’ai des petites difficultés de compréhension et d’expression à l’écrit. Bref, je vous laisse imaginer le nombre d’heures que j’ai dû passer chez l’orthophoniste !
En CM1, je me suis retrouvée avec une maîtresse trop cool, patiente et compréhensive. Mais elle a été remplacée par son opposé : une stagiaire trop jeune, impatiente et sans expérience. Mon cauchemar a commencé ! Elle perdait patience avec moi, me mettait toujours à l’écart. A chaque bulletin, elle annonçait à mes parents que je ne voulais pas travailler, et me balançait que j’étais nulle et que je ne ferais rien de ma vie.
Ma mère est professeure des écoles, elle aussi. On a repris ensemble chaque exercice, chaque leçon et chaque contrôle, presque tous les soirs. Je suis arrivée au collège en espérant que le cauchemar s’arrêtait. Grâce à quelques profs bienveillants, je n’ai reçu aucune remarque et ma scolarité a suivi son cours sans trop d’encombres… Mis à part mon orthophoniste, qui conseillait à ma mère de m’envoyer faire une formation de… palefrenier, sous prétexte que j’étais bonne cavalière et que je partais souvent en Normandie pour monter à cheval.
Arrivée en seconde, je me suis dit que tout était derrière moi, que le lycée était un nouveau départ. J’étais déterminée à obtenir un bac S comme mes sœurs. Mais ce putain de cauchemar a repris de plus belle ! En classe de seconde, un prof m’a dans le nez. Toute l’année, j’ai le droit à des remarques du genre : « Pourquoi tu n’es pas allée dans la voie professionnelle ? », « Tu n’arriveras jamais à passer ton bac si tu vas dans la filière scientifique », « Pourquoi t’arrives à rien ? »… A la fin de l’année, la sentence est tombée : les profs ont décidé de m’envoyer dans une filière technologique dans le domaine agricole.
« T’y arrives pas, pourquoi t’es allée en général ? »
Je ne me suis pas démontée et, avec le soutien de mes parents, j’ai pris la décision de redoubler. J’ai eu de la chance : mon frère jumeau a redoublé avec moi pour manque de travail. Ça m’a rassurée un peu de ne pas être seule dans cette galère. Pendant ma deuxième année de seconde, j’ai eu le sentiment que ma vie refleurissait : j’ai pu entrer en première ES !
Mais à nouveau, mon année de première a été un calvaire… Cette fois, j’ai eu trois profs sur le dos ! Ça a été le retour des remarques qui rabaissent : « Moi, à ta place, je me sentirais nulle d’avoir toujours des mauvaises notes », « T’y arrives pas, pourquoi t’es allée en général ? »… Les profs ont encore voulu me réorienter, mais cette fois-ci pour être… garde forestier ou… jardinière. Je suis finalement arrivée au bout de mon année… mais pas au bout de mes peines.
En terminale, j’ai l’objectif d’avoir mon putain de bac et de quitter ce cauchemar ! Mais c’est l’année de la descente en enfer… Je retrouve une des profs qui m’a rabaissée l’année d’avant. Toute l’année, elle me fait clairement comprendre que je suis nulle et que je n’aurai jamais mon bac. M’enfoncer encore plus, s’acharnant sur moi en cours et à chaque conseil de classe.
Sur mes copies de DS, j’ai le droit à des commentaires acérés : « La méthode n’est encore pas respectée », alors que je ne faisais que ça, appliquer à la lettre sa méthode aussi rigide qu’elle. Ou d’autres conseils très avisés : « Choisis les épreuves composées plutôt que la dissert’ si tu veux avoir ton bac. » Un vrai calvaire. Et je crois bien que ça a réussi à me faire couler : je n’ai pas eu mon bac.
Le système scolaire n’a pas beaucoup aidé pour changer. Avec des difficultés comme la dysphasie, on a le droit d’avoir un tiers temps pour les examens. J’y ai eu droit en troisième et à ma première seconde, mais on me l’a refusé pour les épreuves du bac. Mes difficultés étaient jugées comme pas assez handicapantes.
C’est parti pour une cinquième année… je passe par miracle au travers de ces profs rabaissants, et j’arrive enfin à avoir ce putain de bac !
Aujourd’hui, le cauchemar est terminé et j’ai pu intégrer le DU Paréo (diplôme universitaire de l’université Paris-Descartes, passeport vers la réussite et l’orientation), un cursus d’un an à la fac pour choisir son orientation.
Ici, au moins, personne n’est là juste pour me dire que je suis nulle et que je n’arriverai à rien.