Sélection albums : Simon-Pierre Bestion, Théo Ceccaldi Freaks, Justin Timberlake…
Sélection albums : Simon-Pierre Bestion, Théo Ceccaldi Freaks, Justin Timberlake…
A écouter cette semaine : un évangile imprégné de couleurs d’Orient, du jazz avec une pincée de Frank Zappa et King Crimson, une superstar perdue dans les bois…
- Simon-Pierre Bestion
Larmes de résurrection
Historia der Auferstehung Jesu Christi, SWV 50, de Heinrich Schütz. Israelis Brünnlein, de Johann Hermann Schein.
Georges Abdallah, Claire Lefilliâtre, Fiona McGown, Vincent Lièvre-Picard, Sébastien Obrecht, Lisandro Nesis, Victor Sicard, La Tempête, Simon-Pierre Bestion (direction)
Pochette de l’album « Larmes de résurrection », de Simon-Pierre Bestion, œuvres Heinrich Schütz et Johann Hermann Schein. / ALPHA CLASSICS-COLLECTION CHÂTEAU DE VERSAILLES/OUTHERE MUSIC
Simon-Pierre Bestion croit aux signes fraternels. S’il a intégré à la trame de L’Histoire de la résurrection du Christ de Heinrich Schütz neuf des madrigaux qui peuplent les Fontaines d’Israël de Johann Hermann Schein, toutes deux composées en 1623, c’est aussi parce que les compositeurs sont amis. S’il a demandé au Libanais Georges Abdallah, chanteur de tradition byzantine, d’être son évangéliste, c’est pour que la narration de Schütz se colore de cet Orient qui vit la naissance d’un rite chrétien ancestral. Lui-même s’est ému de théâtre : chaque intervention de Schein porte l’attention sur un tableau expressionniste (les larmes chromatiques et oscillatoires de Joseph pleurant la mort de son père Jacob dans « Da Jakob vollendet hatte »). Bestion lui-même développe une instrumentation mimétique des mots, comme dans le « O Herr, ich bin dein Knecht », qui stigmatise le déchirement par des trémolos de violes. Passionnée, passionnelle, telle est la relation mystérieuse qu’il entretient avec une musique dont il semble dénouer et renouer chaque fil secret. Chanteurs et musiciens de l’ensemble La Tempête s’accordent à cette voix singulière : l’évangile selon Simon-Pierre Bestion est puissant, fascinant, parfois surprenant. Marie-Aude Roux
1 CD Alpha Classics-Collection Château de Versailles/Outhere Music.
- Trio Polycordes
Volume 3
Sandrine Chatron (harpe), Florentino Calvo (mandoline), Jean-Marc Zvellenreuther (guitare), Mareike Schellenberger (mezzo-soprano).
Pochette de l’album « Volume 3 », du trio Polycordes. / LA FOLLIA MADRIGAL
En dépit d’un nom très évasif, Polycordes, et d’instruments dont on n’use plus dans les ensembles de musique contemporaine que par pincées (harpe, mandoline et guitare), cet insolite trio a dépassé vingt ans d’existence et a suscité plus d’une soixantaine d’œuvres. Ecrire pour une telle formation ne va pas de soi comme en atteste Sylvain Kassap, à la recherche du mode d’emploi jusqu’au bout de sa pièce (Sixty-one Ropes Shibari). Plus habile, Alexandros Markeas obtient une séduction immédiate avec Une pincée de ciel mais elle est limitée dans le temps. Le contraire se produit avec Tres Cantos a Pandora, de Luis Naon, qui tarde à mettre la musique au niveau de l’intensité poétique. Inspirée par le même auteur (José Tono Martinez), Michèle Reverdy affiche, en revanche, de bout en bout de La Caja de Pandora, une expression délicate et prenante. La palme du programme revient toutefois à TCP 17, de Bruno Giner, qui, entre suite d’études et rhapsodie fantasque, joue autant avec l’oreille de l’auditeur qu’avec les cordes d’un trio transcendé. Pierre Gervasoni
1 CD La Follia Madrigal.
- Théo Ceccaldi Freaks
Amanda Dakota
Pochette de l’album « Amanda Dakota », de Théo Ceccaldi Freaks. / TRICOLLECTIF/L’AUTRE DISTRIBUTION
Membre de l’actuel Orchestre national de jazz, dirigé par Olivier Benoît, de Tricollectif, structure qui réunit de nombreux musiciens et au sein duquel il participe à plusieurs groupes (Toons, La Scala…), le violoniste et claviériste Théo Ceccaldi est aussi à la tête du groupe Freaks, récemment formé, dont vient de paraître l’épatant album Amanda Dakota. Cela débute très fort, avec Tchou Tchou, qui fait entendre une possible influence de Frank Zappa et du King Crimson de Robert Fripp. Le reste est globalement à l’avenant (Amanda Dakota, Coquette Rocket, Escalator Over the Bill…). Virevoltes et croisements rythmiques, parties solistes de plein envol. Le tout joué avec une grande rigueur, qui n’interdit pas la fantaisie, le lyrisme mélodique. Avec Théo Ceccaldi, son frère Valentin au violoncelle, les saxophonistes Quentin Biardeau et Benjamin Dousteyssier, le guitariste Giani Caserotto et le batteur Etienne Ziemniak. Tous menant l’auditeur, d’écoute en écoute, vers de savoureuses surprises musicales. Sylvain Siclier
1 CD Tricollectif/L’Autre Distribution.
- Lucibela
Laço umbilical
Pochette de l’album « Laço umbilical », de Lucibela. / LUSAFRICA/SONY MUSIC
En 2017, elle avait chanté à la Philharmonie de Paris, lors de l’hommage rendu à Cesaria Evora (morte le 11 décembre 2011). On découvrait alors une inconnue, une jeune Capverdienne de 31 ans, née à São Nicolau, l’une des îles situées au nord de l’archipel, une voix parfaite, nuancée, en particulier dans les graves. Voici aujourd’hui son premier album. Une superbe carte de visite. Lucibela a trouvé les partenaires idoines pour son lancement de carrière discographique. Toy Vieira, un de ceux qui ont su habiller avec classe Cesaria Evora et Lura, signe les arrangements ; les musiciens (dont Totinho au saxophone soprano, Sterphan Almeida au cavaquinho, Hernani Almeida à la guitare, Thierry Fanfant à la basse) brillent par leur pertinence. Les compositions sont signées, entre autres, par Mario Lucio (ancien ministre de la culture du Cap-Vert), Jorge Humberto, Betu et Elida Almeida, une autre jeune chanteuse, révélée, elle, en 2015 (à 24 ans) et qui sortait en 2017 son nouvel album Kebrada (Lusafrica). A l’instar d’Elida Almeida, Lucibela incarne avec brio la relève de la scène capverdienne. Patrick Labesse
1 CD Lusafrica/Sony Music.
- Justin Timberlake
Man of the Woods
Pochette de l’album « Man of the Woods », de Justin Timberlake. / SONY
Le chanteur et acteur a tellement tout réussi précédemment, sa carrière cinématographique comme musicale que forcément, lorsqu’il publie un album moyen, la déception est grande. Après les remarquables FutureSex/LoveSounds et The 20/20 experience, Justin Timberlake a placé la barre très haut. Sur ce nouveau disque, Justin Timberlake prétend retourner à ses racines, celles de son sud, Memphis et le Tennessee. Il y a bien un joli duo Say Something avec le chanteur de country, Chris Stapleton. On peut s’entêter à trouver un charme disco au titre Montana, constater l’efficacité de sa ballade avec sa collègue Alicia Keys pour Morning Light mais, pour le reste, Justin Timberlake s’embourbe dans des déclarations pénibles comme sur Flannel. Le titre est d’ailleurs introduit par un monologue risible de sa femme, l’actrice Jessica Biel. Sur ce disque, le chanteur n’est pas le seul à manquer d’inspiration. Pour son retour aux manettes sur l’album de Timberlake, Pharrell Williams ne fait pas non plus des étincelles. Tout simplement décevant. Stéphanie Binet
1 CD Sony.