Le premier syndicat étudiant retire son soutien à la réforme de l’accès à l’université
Le premier syndicat étudiant retire son soutien à la réforme de l’accès à l’université
Par Séverin Graveleau
Alors que le projet de loi doit être voté, jeudi, à l’Assemblée et au Sénat, la FAGE dénonce un texte « vidé de sa substance » par la commission mixte paritaire.
Université Paris-II-Panthéon-Assas, en février 2012. / CAMILLE STROMBONI / CC BY-NC-ND 2.0
A quelques heures du vote définitif de la loi sur l’orientation et réussite des étudiants à l’Assemblée nationale et au Sénat, la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE), a annoncé, jeudi 15 février, qu’elle « ne peut plus soutenir un texte vidé de sa substance ne reflétant plus les aspirations des jeunes ni sa vision de l’enseignement supérieur ». La première organisation syndicale étudiante avait jusqu’ici soutenu, comme le SGEN-CFDT, syndicat des personnels de l’enseignement, cette réforme de l’accès à l’université qui supprime le tirage au sort.
[Projet de Loi ORE] - En tant que première organisation étudiante nous ne pouvons plus soutenir un texte vidé de sa… https://t.co/Q76fNiWutX
— La_FAGE (@FAGE)
En cause, la version du texte de loi qui est ressortie de la commission mixte paritaire (CMP) réunie, mardi 13 février, suite à l’adoption par le Sénat et l’Assemblée nationale de deux textes différents.
Dans le viseur du syndicat figure plus particulièrement le « compromis » trouvé par les sénateurs et députés autour de la définition des capacités d’accueil des formations. Là où l’Assemblée nationale avait refusé d’entrer dans « toute logique adéquationniste », selon les mots du député (LRM) et rapporteur du texte Gabriel Attal, entre le nombre de places dans chaque formation et ses débouchés en termes d’emploi, les sénateurs avaient pris l’option inverse : ils avaient voté un texte indiquant que « la modification des capacités d’accueil prend en compte les taux de réussite et d’insertion professionnelles observés pour chacune des formations ».
Le texte de compromis de la CMP, qui est soumis au vote dans les deux chambres ce jeudi, se voulait plus consensuel, et plus flou : « Pour déterminer [les] capacités d’accueil, l’autorité académique tient compte des perspectives d’insertion professionnelle des formations, de l’évolution des projets de formations exprimés par les candidats ainsi que du projet de formation et de recherche de l’établissement. »
« Hérésie adéquationniste »
Mais la modification de la rédaction du texte ne passe pas, pour la FAGE. Elle indique dans son communiqué :
« A l’heure où la société est en pleine mutation et où de nouveaux métiers se développent constamment, fixer les cohortes d’étudiants en fonction de la possibilité d’insertion professionnelle dans le contexte français est une hérésie adéquationniste. La vision restrictive et irréaliste de la CMP ne peut assurément pas correspondre au monde universitaire et aux enjeux, actuels et futurs, qui sont les siens. »
L’organisation demande au gouvernement et aux parlementaires de « contrer le texte proposé par la CMP » en supprimant le critère de l’insertion professionnelle dans le calcul des capacités d’accueil. Suppression pouvant être faite à travers le vote d’amendement modificatif lors de l’examen du texte par les deux assemblées. La FAGE demande par ailleurs à être reçue expressément par la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, afin d’obtenir des garanties sur ses demandes.
Ce positionnement intransigeant du syndicat étudiant dénote fortement avec celui du SGEN-CFDT, avec lequel il avait marché main dans la main pour soutenir le projet de loi. Interrogé mercredi 14 février par Le Monde, le secrétaire national du SGEN-CFDT, Franck Loureiro, estimait que la version issue de la CMP, souhaitant ménager les uns et les autres, était « tellement alambiquée, avec des critères très difficilement quantifiables, qu’elle est irréalisable et c’est tant mieux » et que « ces amendements-là, tels qu’ils sont rédigés, ne modifient donc pas le schéma initial de la réforme que nous avons soutenu ».
En fin de matinée jeudi, avant l’adoption finale du texte par l’Assemblée nationale (49 « pour », 13 « contre »), la ministre de l’enseignement supérieur a soutenu le texte issu de la CMP. Selon elle, « rien dans le projet de loi n’autorise que soit conduite une politique malthusienne » des capacités d’accueil. C’est, selon elle, la raison pour laquelle la notion de « perspectives d’insertion professionnelle », qui « n’a rien à voir avec celle de taux d’insertion professionnelle » a été finalement utilisée, car « elle permet de penser le long terme ».
De son côté le rapporteur du texte, Gabriel Attal, a estimé que « la majorité ne s’engage pas et ne s’engagera pas dans une forme d’adéquationnisme [et qu’]il n’y a aucun sens de penser que les débouchés professionnels puissent être la seule boussole dans le choix du nombre de places ». Il a déclaré qu’il a par ailleurs « du mal à entendre ceux qui pensent que le texte aurait été vidé de sa substance », rappelant les différents apports des deux chambres.
Menace
La FAGE menace, dans son communiqué, « de prendre toutes les mesures qui lui semblent nécessaires, y compris la mobilisation » si elle n’obtient pas « gain de cause ». Cette menace intervient alors que plusieurs campus en France (Paris, Nantes, Besançon, Poitiers, etc.) sont perturbés depuis quelques jours par des étudiants opposés à cette réforme. Ainsi mercredi soir, le président de l’université de Nantes annonçait, dans un communiqué, la fermeture du campus du Tertre, suite au blocus y ayant lieu et « aux conditions de sécurité et de sérénité [qui] ne sont plus réunies ».
Une intersyndicale, composée de plusieurs syndicats de personnels et du deuxième syndicat étudiant, l’UNEF, a organisé plusieurs journées de mobilisation contre ce qu’elle appelle « une sélection déguisée », avec peu de succès. De nouvelles manifestations étaient prévues ce jeudi.