En Allemagne, « Bild » piégé dans sa campagne contre le SPD
En Allemagne, « Bild » piégé dans sa campagne contre le SPD
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
Le quotidien conservateur a sévèrement mis en cause la probité du Parti social-démocrate, au risque de se retrouver lui-même dans le rôle de l’arroseur arrosé.
Kevin Kühnert, le président des Jusos (jeunes sociaux-démocrates), principal pourfendeur du « contrat de coalition » signé, le 7 février, entre le SPD et les conservateurs. / Sebastian Willnow / AP
D’abord les Russes, ensuite un chien. A deux reprises en quatre jours, le quotidien conservateur allemand Bild, le plus vendu du pays, avec 1,5 million d’exemplaires par jour, a sévèrement mis en cause la probité du Parti social-démocrate (SPD), au risque de se retrouver lui-même dans le rôle de l’arroseur arrosé.
Tout a commencé vendredi 16 février. « Une nouvelle sale campagne au SPD », peut-on lire, ce matin-là, en « une » du tabloïd. En cause : des « e-mails explosifs » impliquant Kevin Kühnert, le président des Jusos (jeunes sociaux-démocrates), principal pourfendeur du « contrat de coalition » signé, le 7 février, entre le SPD et les conservateurs (CDU-CSU).
Expliquant avoir consulté ces e-mails sous forme de captures d’écran fournies par un informateur anonyme, Bild affirme que M. Kühnert a accepté l’aide d’un Russe prénommé Juri et originaire de Saint-Pétersbourg afin de perturber la campagne des partisans du « contrat de coalition » sur les réseaux sociaux.
A quatre jours du début de la consultation des 463 723 adhérents du SPD, qui ont jusqu’au 2 mars pour dire s’ils approuvent l’entrée de leur parti au gouvernement, ces accusations sont particulièrement graves. Elles seront démenties le matin même de leur parution par le porte-parole de M. Kühnert, qui annonce aussitôt son intention de porter plainte.
Qui est ce mystérieux Juri ? Mercredi 21 février, le magazine satirique Titanic a révélé qu’il était le pur produit de l’imagination d’un de ses rédacteurs, tout comme les fameux e-mails. Commentaire de Titanic : « Un mail anonyme, deux ou trois coups de fil et Bild imprime ce qui correspond à son agenda. »
A la suite de ces révélations, Bild a réagi en rappelant qu’il avait précisé, en fin d’article, qu’il n’avait pas la « preuve » que les e-mails étaient authentiques. Mais que pèse une telle mention, enfouie à l’intérieur du journal, quand la moitié de la « une » est occupée par un titre qui n’exprime pas le moindre doute quant à la véracité des accusations qu’il profère ?
Mardi, une autre « une » de Bild a sérieusement agacé le SPD. On y voyait un chien, baptisé Lima, avec ce titre : « Ce chien va pouvoir participer au vote sur la “grande coalition”. » Le journal affirmait en effet avoir réussi à faire envoyer au quadrupède un bulletin de vote du SPD. Dénonçant une campagne de désinformation, le parti, qui a assuré que toutes les procédures avaient été mises en place pour éviter les tricheries, a saisi le Conseil supérieur de la presse, une instance chargée d’édicter le code de bonne conduite des médias mais dénuée de pouvoir de sanctions.