Voie ouverte à l’expulsion d’un imam salafiste algérien installé à Marseille
Voie ouverte à l’expulsion d’un imam salafiste algérien installé à Marseille
Le Monde.fr avec AFP
L’imam est visé par une procédure d’expulsion engagée par le ministre de l’intérieur en janvier 2018 pour des propos incitant à la haine et à la discrimination.
Une commission de magistrats a ouvert, jeudi 8 mars, la voie à l’expulsion d’un influent imam salafiste algérien, El Hadi Doudi, à la demande du ministre de l’intérieur. Il est soupçonné d’avoir mené des prêches radicaux et haineux à l’encontre des juifs et de ceux qu’il qualifie de « mécréants » dans sa mosquée marseillaise.
L’avis de la commission fait suite à la procédure d’expulsion engagée par le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, à la fin du mois de janvier 2018. Quelques semaines plus tôt, au mois de décembre 2017, un arrêté de la préfecture de police des Bouches-du-Rhône daté du 11 décembre 2017 avait ordonné la fermeture pour six mois de la mosquée As-Sounna où officie l’imam.
Pour éviter l’expulsion, M. Doudi, arrivé en France en 1981 et père de sept enfants dont les trois derniers sont mineurs, a proposé à l’audience, par la voix de son avocat, de cesser ses prêches et de « renoncer à son poste d’imam ». La commission a de son côté relevé sa « situation familiale ambiguë » ; divorcé, il conteste deux mariages religieux avec des femmes étrangères de 43 et 21 ans, évoqués par les services de renseignement.
Des appels à la discrimination, à la haine ou à la violence
La commission départementale d’expulsion des étrangers relève qu’une « forme d’impunité a longtemps prévalu » face à « l’idéologie » de M. Doudi, qui nie l’autre « dans sa singularité et son humanité », de façon « attentatoire aux principes fondamentaux de la République ». Vingt-cinq prêches prononcés entre 2013 et septembre 2017 ont été épinglés par une note blanche des services de renseignement.
En cause, des discours qui « appellent à la défaite et à la destruction des mécréants », « incitent à l’application de la loi du talion à l’encontre de ceux qui combattent Dieu et son prophète et à l’égard desquels la sentence de Dieu est la mort ou la crucifixion ». Ou encore des propos qui « présentent les juifs comme des “impurs”, “les frères des singes et des porcs” et incitent à prononcer la formule “Allah akbar” dans les lieux publics pour “effrayer les mécréants” ».
Ses positions sur la mise à mort des auteurs d’adultère lui sont également reprochées. « Il m’est insupportable d’entendre des musulmans critiquer la lapidation, la qualifiant de barbarie, alors que la loi de Dieu y fait référence pour les personnes coupables d’adultère », avait-il déclaré publiquement. « Oui, j’ai parlé de cela », a précisé l’imam à l’audience mercredi, « car c’est la charia islamique mais je n’ai pas dit qu’il fallait pratiquer cette loi ».
Egalement questionné sur des propos très violents tenus en 2013 à l’encontre des caricaturistes de Mahomet et maintenus en ligne sur son site, même après les attentats perpétrés en France, M. Doudi s’est défendu : « J’ai dit qu’on n’était pas d’accord mais je n’ai pas incité les gens à les tuer, ni à manifester. »
Son avocat, Nabil Boudi, avait accusé les autorités d’avoir « extirpé quelques citations parmi des dizaines de milliers de prêches ». « Il peut s’agir de versets du Coran, de propos tronqués par la traduction ou de bouts de phrases », avait-il souligné. M. Doudi représente « un islam rigoriste, orthodoxe » que les autorités peuvent parfois considérer comme « borderline », mais « il n’y a pas d’appel au djihad, pas d’appel au terrorisme », selon lui.
Une influence qui dépasse la ville de Marseille
La mosquée de l’imam El Hadi Doudi, installée dans l’un des quartiers les plus pauvres de Marseille, est l’une des cinq plus vastes de la cité phocéenne. Elle a accueilli ces dernières années plusieurs fidèles se réclamant d’Al-Qaida ou qui ont rejoint l’Irak et la Syrie, soulignait le préfet de police en décembre.
La note des services de renseignement recense dix-sept mosquées du département où s’exercerait l’influence de l’imam Doudi et où il « a implanté un de ses fervents disciples ». Comme par exemple à Gardanne, où l’imam qui « assure les cinq prières de la semaine à As-Sounna délivre à une mosquée le prêche du vendredi ».
Mais l’influence de l’imam dépasse les frontières du département par le biais d’Internet, où il est très suivi ; son site cumule 3,5 millions de consultations depuis le mois d’avril 2005.