La Halle demande à ses caissières de ne plus faire de réduction automatique pour les détenteurs de carte de fidélité
La Halle demande à ses caissières de ne plus faire de réduction automatique pour les détenteurs de carte de fidélité
Par Laura Motet
Le courriel demande également aux caissières de « [présenter leurs] excuses [au client] pour cet oubli », s’il réclame a posteriori la réduction dont il aurait dû bénéficier.
C’est une pilule qui a du mal à passer chez les salariés de La Halle. Lundi 12 mars, le directeur commercial de La Halle, Charles Ruby, a envoyé à ses équipes un courriel leur demandant de ne plus appliquer automatiquement en caisse les réductions offertes en magasin aux détenteurs de la carte de fidélité… et de s’excuser auprès du client de cet « oubli » si ce dernier s’en apercevait. « La direction se cache encore derrière les salariés… (…) Et qui sera face aux clients mécontents ? Encore et toujours les salariés ! », s’indigne le syndicat Force ouvrière, qui a publié l’e-mail sur Facebook.
Extrait du courriel envoyé par le directeur commercial de La Halle.
« Depuis deux ans, la direction nous a fixé une priorité : encarter le plus de clients possibles », explique Véronique*, responsable de magasin à La Halle aux chaussures. Une consigne assortie à un objectif chiffré clair : les détenteurs de carte de fidélité doivent représenter 75 % des clients qui passent en caisse chaque jour.
Pour convaincre les plus hésitants et permettre aux caissières d’atteindre cet objectif très ambitieux, l’enseigne a sorti le grand jeu : les détenteurs de la carte bénéficient de 20 % de réduction lors de leur cinquième passage en caisse, ainsi que de réductions pour leur anniversaire.
C’est là que le bât blesse : les importantes remises accordées aux 6,5 millions de clients ayant adhéré au programme « [commencent] à impacter de plus en plus fortement les résultats de marge », écrit le directeur commercial dans son courriel.
Dans un contexte de crise pour La Halle et sa société mère, Vivarte, occupée à négocier deux plans de sauvegarde pour l’emploi (PSE – plan de licenciement), il fallait donc agir vite :
« Nous avons décidé de modifier dès à présent notre animation du programme auprès des clients. »
Dans son courriel du 12 mars, le directeur commercial annonce donc que La Halle a décidé « dès à présent » de ne plus envoyer aux clients de « mail faisant état des nombres de passages en caisse », contrairement à ce qui est écrit dans les conditions générales de la carte de fidélité. « Afin d’être cohérent avec cette évolution », les caissières ne devront donc plus rappeler au client où il en est de ses passages et à quelles offres il a droit.
Les conditions générales d’utilisation de « ma carte La Halle » expliquent que la réduction offerte après le 4e passage en caisse sera rappelée au client par e-mail.
Injonctions contradictoires
Pour Véronique, c’est une illustration de plus des injonctions contradictoires qui pèsent sur le personnel en magasin :
« C’est absurde. Comment voulez-vous qu’on atteigne les 75 % de passages en caisse avec la carte de fidélité si le client n’a rien à gagner à s’encarter et à présenter sa carte ? »
D’autant que le directeur commercial précise :
« Il est bien évident, dans le cas où un client se présenterait a posteriori, que nous appliquerons l’avantage demandé en reprenant le ticket, avec un discours commun à tous en présentant nos excuses pour cet oubli. »
« Foutage de gueule. Et au bout de deux ou trois oublis, (…) le client se sentira pris pour un pigeon et c’est le salarié qui sera accusé par le client », commente Myriam, ancienne vendeuse de La Halle, sur Facebook.
De son côté, La Halle reconnaît « volontiers une expression maladroite » :
« La note envoyée aux magasins ne modifie en rien l’actuel programme de fidélité, mais demande de l’adapter le temps de la mise en place du nouveau programme. (…) Ce nouveau programme vise davantage à se situer dans le relationnel que dans le rabais, les prix étant de nouveau compétitifs au quotidien. »
Depuis 2017, la marque s’est en effet lancée dans un changement de positionnement sans précédent : après avoir tenté – sans succès – d’augmenter sa clientèle en montant en gamme, l’enseigne d’habillement et de chaussures a décidé de baisser ses prix pour mieux rivaliser avec Kiabi, champion de la mode à petits prix en France. « L’objectif est de baisser les prix de 25 % à horizon 2020 », explique la direction.
*Le prénom a été modifié.