Facebook : cinq moments forts de l’audition de Mark Zuckerberg devant le Sénat américain
Facebook : cinq moments forts de l’audition de Mark Zuckerberg devant le Sénat américain
Par Perrine Signoret, Morgane Tual
Mark Zuckerberg a répondu durant cinq heures, mardi, aux questions de sénateurs américains. Il a été interrogé sur le scandale Cambridge Analytica, mais pas seulement.
« C’est mon erreur, et j’en suis désolé », admet Mark Zuckerberg devant le Sénat américain
Durée : 01:03
Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, a dû s’expliquer, mardi 10 avril, devant le Sénat américain. Lors de cette grande première – en octobre, il avait préféré envoyer un représentant du réseau social pour une audition sur les interférences russes dans l’élection américaine de 2016 –, il est revenu sur l’affaire Cambridge Analytica, mais pas seulement. Durant près de cinq heures, il a répondu aux questions diverses de sénateurs. Avec quelques moments forts à la clé, dont certains marqueront sans doute l’histoire du réseau social et de son célèbre fondateur.
« Vos conditions d’utilisation sont nulles »
Après le scandale Cambridge Analytica, dans lequel les données de 87 millions d’utilisateurs de Facebook ont été aspirées par cette entreprise d’influence politique proche de Donald Trump, la question de la protection des données était au cœur de l’audience. Et avec elle, celle de l’intelligibilité des conditions d’utilisation de la plate-forme.
L’intervention mordante du sénateur républicain de la Louisiane John Kennedy a marqué les esprits :
« Voilà ce que tout le monde a essayé de vous dire aujourd’hui – et je vous le dis gentiment. Vos conditions d’utilisation sont nulles. (…) Leur but est de masquer les vrais objectifs de Facebook. Ce n’est pas d’informer vos utilisateurs sur leurs droits. (…) Je vous suggère de rentrer à la maison et de les réécrire. Dites [à vos avocats] que vous les voulez écrites en anglais, pour que l’Américain moyen soit capable de les comprendre. Ce serait un bon début. »
Mark Zuckerberg a répondu qu’il « travaillait en permanence » pour rendre ces règles plus claires et donner plus de contrôle aux internautes sur l’utilisation de leurs données. Plusieurs fois interrogé sur les conditions d’utilisation, Mark Zuckerberg a reconnu qu’il « ne [pensait] pas que les utilisateurs moyens [lisaient] le document entier ». « Mais je pense qu’il y a différents moyens pour nous de communiquer », s’est-il alors rattrapé.
« Dans quel hôtel avez-vous dormi hier ? »
Mark Zuckerberg déstabilisé par la question intime d'un sénateur américain
Durée : 00:54
C’est l’un des épisodes qui a le plus marqué cette audition, au point de déstabiliser le patron de Facebook, jusqu’alors plutôt solide. Le sénateur démocrate de l’Illinois Dick Durbin lui a tendu un piège, qu’il n’est pas parvenu à esquiver : « M. Zuckerberg, aimeriez-vous dire à tout le monde dans quel hôtel vous avez dormi hier ? » Moment de flottement, petit rire gêné de l’intéressé, qui passe sa langue sur les lèvres : « Heu… Non. » Le sourire crispé de Mark Zuckerberg s’efface vite.
« Si vous avez contacté des gens cette semaine, aimeriez-vous nous donner leurs noms ?
— Monsieur le sénateur, non, je choisirais sans doute de ne pas rendre cela public ici.
— C’est pourtant de cela qu’il s’agit à mon avis. Votre droit à la vie privée, les limites de votre droit à la vie privée, et tout ce que nous abandonnons dans l’Amérique moderne au nom de, je cite, “la connexion mondiale entre les humains”. »
Pour se sortir de cette situation, Mark Zuckerberg a répété, une fois encore, qu’« à chaque fois que les utilisateurs choisissent de partager quelque chose, ils ont un bouton, juste ici, pour choisir à qui ils veulent le partager ».
« Il y aura toujours une version de Facebook gratuite »
Si Facebook est aujourd’hui un service gratuit pour les utilisateurs, c’est parce que ces derniers acceptent de lui confier des données personnelles, qui sont utilisées à des fins de ciblage publicitaire. Ce procédé est au cœur du modèle économique du réseau social. Mardi, des sénateurs ont demandé à Mark Zuckerberg s’il envisageait de rendre Facebook payant, afin de mieux garantir le respect de la vie privée de ses utilisateurs.
Ce à quoi le fondateur de Facebook a d’abord répondu :
« Pour être clair, nous ne proposons pas à l’heure actuelle d’option payante pour ceux qui ne souhaiteraient pas voir de publicités. Nous voulons un service gratuit [pour] que tout le monde puisse se l’offrir. »
Il s’est toutefois montré moins clair dans une autre réponse, qui a soulevé des inquiétudes sur les réseaux sociaux – où les rumeurs d’un Facebook payant circulent depuis des années. « Il y aura toujours une version de Facebook gratuite », a-t-il déclaré. Cela signifie-t-il que Facebook laisse ouverte l’éventualité d’une version payante ? Ou s’agit-il d’une maladresse de langage ?
Facebook, un monopole ?
Autre moment délicat pour Mark Zuckerberg : quand le sénateur Lindsey Graham a demandé : « Si une Ford ne marche pas, je peux acheter une autre voiture. Quels sont les concurrents de Facebook ? (…) Avez-vous le sentiment d’être en monopole ? »
« Ce n’est pas le sentiment que j’ai », a répondu Mark Zuckerberg, déclenchant aussitôt quelques rires. Questionné sur ses concurrents, le patron de Facebook a eu des difficultés à répondre. Il a fini par assurer qu’il y en avait « beaucoup ». « Je ne suis pas sûr de pouvoir en donner un, a-t-il pourtant poursuivi. Est-ce que je peux en donner plusieurs ? »
Il a finalement égrené les noms de Google, Amazon, Apple et Microsoft qui, selon lui, fournissent des services en partie similaires à Facebook. Il a enfin assuré que « l’Américain moyen [utilisait] en moyenne huit applications différentes pour communiquer avec [ses] amis et rester en contact avec les gens ». La question est importante, car certains aux Etats-Unis défendent un démantèlement de Google ou de Facebook.
Facebook n’espionne personne avec les micros, jure son patron
Mark Zuckerberg a profité de cette audition pour tordre le cou à une rumeur persistante concernant Facebook. Le sénateur démocrate du Michigan Gary Peters l’a interrogé à ce sujet :
« J’ai entendu pas mal de gens qui sont venus me parler d’une expérience qu’ils ont eue, alors qu’ils avaient une conversation avec des amis – pas au téléphone, ils parlaient juste comme ça. Et ensuite ils ont vu des publicités apparaître assez rapidement sur leur Facebook. J’ai entendu des électeurs craindre que Facebook récupère les données audio de leurs mobiles pour faire de la publicité ciblée. »
« M. le sénateur, laissez-moi être très clair à ce sujet, a répondu Mark Zuckerberg. Vous parlez de cette théorie du complot qui circule selon laquelle nous écoutons ce qui se passe à travers votre micro, et l’utilisons pour la publicité. (…) Nous ne faisons pas ça. » Facebook est régulièrement amené à démentir cette rumeur, mais c’est la première fois que son patron en parle en personne.
Mark Zuckerberg sera à nouveau entendu mercredi, à partir de 16 heures, devant la Chambre des représentants, où il devrait vraisemblablement répondre à des questions similaires.
Affaire Cambridge Analytica : pourquoi c’est grave pour Facebook et ses utilisateurs
Durée : 02:46