Diplômes de l’Ecole nationale d’administration (ENA). / ENA

La proposition est pour le moins « disruptive ». C’est une alternative à la prestigieuse Ecole nationale d’administration (ENA) que préconise de créer Jean-Louis Borloo, dans son rapport sur les banlieues remis au gouvernement, jeudi 26 avril : une « académie des leadeurs », qui mènerait elle aussi aux plus hauts postes de la fonction publique. Cette nouvelle grande école permettrait de s’attaquer à l’un des travers de l’ENA régulièrement dénoncé, celui de l’homogénéité de ses diplômés, avec l’entre-soi qui en découle au sein de l’élite de l’Etat. « De fait, nous passons à côté d’extraordinaires talents ou caractéristiques différentes de notre jeunesse et notamment des quartiers populaires », constate l’ancien député-maire de Valenciennes.

Avec 500 jeunes « à très haut potentiel » recrutés par an, sur la base d’un concours tout aussi sélectif que chez son aînée (une place pour dix candidats), réunissant des épreuves portant sur le leadership, les capacités de raisonnement, de travail en équipe, ou encore digitales, cette académie aurait plusieurs particularités rares dans l’univers des grandes écoles. Comme à l’ENA, les élèves bénéficieraient du statut de fonctionnaire stagiaire, avec 1 700 euros brut par mois durant leur scolarité et une obligation de service à la sortie de dix ans dans la fonction publique. La formation s’étalerait sur trois ans, mêlant les « meilleurs modules de formation, en France et en Europe », prévoit le rapport, avec six mois au minimum à l’étranger, et six mois dans l’administration ou les entreprises.

Aucun diplôme préalable demandé

En revanche, la sélection à l’entrée s’opérerait… sans aucun diplôme préalable demandé. Une disposition qui pourrait avoir un certain succès dans les rangs macroniens, où l’école d’informatique « 42 » [créée par Xavier Niel, actionnaire à titre personnel du Monde], dans laquelle on peut entrer sans le bac, est régulièrement citée en exemple.

Autre caractéristique originale qui ne devrait pas manquer de faire débat : cette nouvelle voie d’accès aux grands corps de la fonction publique serait réservée, « dans un premier temps, aux jeunes des quartiers prioritaires, s’élargissant par la suite », prévoit Jean-Louis Borloo. L’une des seules procédures d’entrée équivalente dans l’univers des grandes écoles publiques, très attaché au système du « concours républicain » sans aucune discrimination positive d’aucune sorte - les « conventions ZEP » de Sciences Po, réservées aux lycéens d’établissements de quartiers prioritaires partenaires – ont provoqué des débats houleux lors de leur création au début des années 2000.

Reste la question du coût d’un projet d’une telle ampleur. En partant de l’idée que les instituts régionaux d’administration (IRA) seront les chevilles ouvrières pour organiser cette nouvelle formation et son recrutement, Jean-Louis Borloo évalue son financement à 60 millions d’euros par an, « en rythme de croisière ». Une enveloppe non négligeable, à l’heure où le monde universitaire ne cesse de dénoncer le manque de moyens, dont il souffre.