Pour Pascal Pavageau, « il n’y a pas de fractures » à Force ouvrière
Pour Pascal Pavageau, « il n’y a pas de fractures » à Force ouvrière
Par Raphaëlle Besse Desmoulières
Avec plus de 96 % des voix, le successeur de Jean-Claude Mailly est devenu le cinquième secrétaire général du syndicat.
Pascal Pavageau, le nouveau patron de Force ouvrière, vendredi 27 avril. / PHILIPPE HUGUEN / AFP
Drôle d’ambiance, vendredi 27 avril, pour la dernière journée du congrès de Force ouvrière. A l’ouverture, le résultat du vote du rapport d’activité, jeudi, qui présentait le bilan de Jean-Claude Mailly, était sur toutes les lèvres. Un véritable camouflet pour le secrétaire général de Force Ouvrière (FO) sortant qui a vu son texte validé de justesse, à 50,54 % des voix. Il avait d’ailleurs choisi de ne pas se rendre à cette dernière journée.
Dans la matinée, le comité confédéral national (CCN) – le parlement du syndicat – s’est réuni à huis clos pour élire le nouveau bureau confédéral et la commission exécutive (CE), la direction élargie. En montant à la tribune, Pascal Pavageau a eu le droit à une longue standing ovation d’une bonne partie de la salle.
Quelques minutes plus tard, son élection était annoncée. Avec plus de 96 % des voix, il est devenu le cinquième secrétaire général de FO. Son bureau confédéral, composé de treize personnes, est renouvelé de moitié. Quant à la composition de la CE, elle n’était toujours pas connue en fin de journée.
« Une nouvelle forme de démocratie à FO »
Les réformistes ont continué à manifester leur mécontentement lors du vote des résolutions, notamment celle sur le social. Jeudi soir, pour protester contre le résultat sur le rapport d’activité, plusieurs fédérations avaient quitté les débats en commission. C’était notamment le cas de la métallurgie, la seconde fédération du syndicat proche de M. Mailly, de l’agroalimentaire et de la pharmacie.
Vendredi, des militants ont déploré, sifflets à l’appui, de ne pas avoir les textes sous forme papier et décider de s’abstenir en conséquence. « On découvre une nouvelle forme de démocratie à FO », s’est agacé Frédéric Homez, secrétaire général de FO-Métaux. Lue entièrement à l’oral, la résolution, qui appelle à « l’abrogation de la loi travail et des ordonnances Macron », a fini par être largement adoptée.
Idem pour la résolution générale, qui donne la ligne du syndicat pour les quatre prochaines années. Elle affirme en conclusion le soutien du congrès à toutes les mobilisations en cours et en particulier à celle des cheminots. Ainsi, le congrès « exige le retrait du projet de loi, le maintien du statut particulier des cheminots ainsi que le maintien du service public ferroviaire ». Il est aussi précisé que « la perspective d’une mobilisation interprofessionnelle est aujourd’hui nécessaire, y compris par la grève », le tout « en lien avec toutes les confédérations syndicales ». Une façon de tenter de satisfaire à la fois les plus contestataires et les plus réformistes.
« Hypocrisie et duplicité »
Dans un discours très offensif, M. Pavageau a promis de prendre contact avec ses homologues syndicaux dès la semaine prochaine. En conférence de presse ensuite, il a précisé « avoir mandat pour travailler à une perspective de mobilisation interprofessionnelle dans l’unité la plus large ».
Le nouvel homme fort de FO a aussi rendu hommage à Jean-Claude Mailly, à qui il a souhaité « un repos bien mérité, une excellente retraite mais aussi une pleine réussite dans [ses] nouveaux projets ». L’intéressé appréciera, lui qui a tweeté au même moment : « Je suis redevenu libre ! Discours du nouveau secrétaire de FO : hypocrisie et duplicité. Respect aux militants réformistes. »
Je suis redevenu libre! Discours du nouveau secrétaire général de FO: hyoocrisie et duplicité. Respect aux militants réformistes
— jcmailly (@Jean-Claude Mailly)
« L’unité est toujours une réalité »
Après un congrès marqué par les divisions, M. Pavageau a souligné que « si l’indépendance est un combat, l’unité est toujours une réalité ». Avant sa prise de parole, il avait jugé devant des journalistes qu’il n’y avait « pas de fractures » dans son organisation. « Il y a eu des débats qui se sont largement exprimés, parfois de façon assez vive », avait-il précisé, mais aussi « des effets de manche qui font partie de l’exercice ».
Sur le fond des dossiers, le nouveau secrétaire général a fustigé les ordonnances réformant le code du travail, cible des critiques pendant la semaine. Selon lui, elles ne sont rien d’autres que « la loi travail XXL », reprenant ainsi le slogan de la CGT. Il s’est attardé plus particulièrement sur les ruptures conventionnelles collectives, qu’il a qualifiées de « piège syndical ». Avant d’ironiser sur le titre du projet de loi pour « la liberté de choisir son avenir professionnel » sur l’assurance-chômage, l’apprentissage et la formation professionnelle. « C’est une blague ! », a-t-il lâché, critiquant de manière plus générale « l’individualisation, une vision quasi philosophique du chacun pour soi », au cœur de la politique, selon lui, du gouvernement.
Deux morceaux d’AC/DC
Sur la réforme des retraites, M. Pavageau a fait savoir que la confédération participerait à la concertation car « la chaise vide, ce n’est pas FO ». Mais « avec le mandat clair de la défense de nos régimes, de la défense de nos droits adossés à des statuts collectifs face à un projet purement idéologique où de fait il n’y a plus d’âge limite, ni de durée de cotisation ».
« Alors, comme nos camarades il y a déjà un siècle, nous disons : non à la retraite pour les morts ! »
Et de réutiliser une « punchline » – déjà employée ces dernières semaines mais qui fait toujours son effet – pour décrire à sa façon la méthode d’Emmanuel Macron, de nouveau qualifié de « Jupiter » : « Je pense donc tu suis. » Succès garanti. Debout, les délégués ont longuement applaudi ses dernières paroles.
Si le successeur de M. Mailly a réussi à se faire ovationner vendredi, reste à savoir comment, au-delà des mots, il arrivera à ménager les différentes sensibilités de son syndicat. Comme une référence à un congrès que M. Pavageau avait anticipé comme « hard rock », deux morceaux d’AC/DC ont conclu la semaine. Sans oublier la traditionnelle Internationale.