Isolée sur le plan syndical, la CGT se prépare à rejoindre la « marée populaire » du 26 mai
Isolée sur le plan syndical, la CGT se prépare à rejoindre la « marée populaire » du 26 mai
Par Raphaëlle Besse Desmoulières
La centrale donnera sa réponse le 16 mai. Sa participation entérinerait un changement pour la CGT, qui avait l’habitude, depuis 2017, d’organiser ses propres journées d’action.
Isolée sur un plan syndical, la CGT s’apprêterait-elle à opérer un virage tactique ? Si la centrale de Montreuil (Seine-Saint-Denis) a refusé, le 5 mai, de s’associer à la « fête à Macron » initiée par François Ruffin, député de La France insoumise (LFI), elle pourrait participer à une « marée populaire contre les réformes Macron » que plusieurs organisations syndicales, associatives et politiques appellent de leurs vœux le samedi 26 mai.
La confédération a en effet participé à deux réunions préparatoires le 17 avril et le 3 mai à la Bourse du travail. Elle était notamment représentée par Elsa Conseil, la directrice du cabinet du secrétaire général Philippe Martinez, ou encore par la numéro deux du syndicat, Catherine Perret. A l’origine de cette initiative, Attac et la Fondation Copernic qui l’ont rendue publique le 4 mai. En plus de ces associations et de la CGT, étaient cités dans un communiqué collectif Solidaires, la FSU, ou le groupe parlementaire LFI, le NPA et le PCF.
« Un projet d’appel a été bouclé le 3 mai mais ne sera diffusé que le 16 mai, une fois que la CGT aura consulté toutes ses instances, indique Pierre Khalfa, ancien coprésident de la Fondation Copernic. Ce serait un peu historique : d’habitude, ce sont certaines de leurs fédérations qui appellent et non la confédération. » Une différence significative.
Le 11 avril, M. Martinez avait indiqué dans un entretien au Monde qu’il ne serait pas présent le 5 mai, jugeant que « multiplier les dates génère de la division et n’est pas efficace ». Le 1er mai, avant le départ du cortège syndical, il avait semblé moins fermé. « Pourquoi pas manifester, mais à condition que cela ne soit pas derrière un drapeau », avait-il glissé. « Le 3 mai, on y est allé en disant : “Pourquoi pas une journée commune un samedi mais ça ne peut pas être la Fête à Macron”, indique Fabrice Angei, membre du bureau confédéral. Il ne s’agit pas de se joindre à un appel mais de permettre de faire la jonction entre les salariés et les citoyens, en participant à une élaboration collective à partir de revendications syndicales. »
Pour ce dirigeant de la CGT, ce positionnement n’est pas « contradictoire » avec le 5 mai car il ne s’agit pas « d’un mot d’ordre uniquement politique ». Un avis que ne partage pas le secrétaire général de Force ouvrière, Pascal Pavageau, qui a jugé, lundi sur RMC/BFM-TV, que le 26 mai est « une manifestation d’ordre politique ».
La participation à cette mobilisation doit encore être approuvée par le Comité confédéral national, le parlement de la CGT. La réponse sera donnée le 16 mai mais M. Angei se veut confiant : « Compte tenu de la façon dont c’est élaboré, et sachant que les questions qui intéressent les syndicats sont présentes et que ce n’est pas derrière quelqu’un, je ne vois pas pourquoi ce serait mal vécu. » Un bon observateur du monde syndical se montre plus circonspect. « Ce n’est pas dans la tradition de la CGT, ce serait une première, note-t-il. La CGT a du mal à du mal à appeler à participer à des initiatives qu’elle n’organise pas elle-même. Et depuis Viannet [secrétaire général de la CGT de 1992 à 1999], il y a une distanciation du champ politique et syndical. »
Scrutée à la loupe
Depuis l’automne 2017, la CGT a joué une partition en solo en décidant de lancer pratiquement seule plusieurs journées d’action qui ont peu mobilisé. Ses méthodes sont critiquées par ses homologues syndicales. « Martinez et son équipe ont conscience des difficultés : l’espoir d’un front syndical uni au niveau confédéral s’est envolé et ils savent que la force du mouvement social n’est pas telle qu’elle puisse tout emporter comme en 1995, analyse l’un des participants au collectif du 26 mai. Le 5 mai a eu un écho extrêmement important dans leurs rangs mais la confédération ne pouvait pas appeler à y participer. Pour le 26, il faut qu’ils se bordent en interne mais l’attitude de Mélenchon a beaucoup énervé… »
Vendredi, lors d’une conférence de presse, puis samedi lors de la « Fête à Macron », Jean-Luc Mélenchon et LFI ont pu donner le sentiment à certains de vouloir préempter le mouvement, d’autant que le député des Bouches-du-Rhône a donné rendez-vous le 26 mai. « Il y avait un dispositif mis en place pour accroître la visibilité de LFI alors que beaucoup de gens étaient venus hors cadre », déplore Eric Beynel, porte-parole de Solidaires, présent dans le défilé. Ce dernier met en garde contre « une attitude qui se voudrait hégémonique [le 26 mai]. Ce serait contre-productif. L’unité demande le respect. Avec la CGT, nous avons été assez clairs sur le fait qu’on ne se laisserait pas instrumentaliser par qui que ce soit. Si cela devait être le cas, nous prendrions nos responsabilités ».
Pour M. Martinez, dont les relations avec M. Mélenchon se sont détériorées à l’automne 2017, l’enjeu est de ne pas se voir voler la vedette. Une prochaine réunion du collectif doit avoir lieu mercredi pour avancer sur la construction de la mobilisation. Si la CGT n’aura pas encore de réponse officielle à donner aux autres organisations, son attitude sera scrutée à la loupe. « Soit ils disent que c’est insupportable ce qu’a fait Mélenchon et ils se retirent, soit ils y vont à fond car ils auront tout intérêt à ce que le 26 mai soit une réussite », souligne l’un des organisateurs.