Cannes 2018 : « Yomeddine », le long voyage du lépreux et de l’orphelin
Cannes 2018 : « Yomeddine », le long voyage du lépreux et de l’orphelin
Par Jacques Mandelbaum
En compétition, le premier film de l’Egyptien A.B. Shawky, sentimentaliste et maladroit, pèche par la faiblesse de sa mise en scène.
C’est évidemment avec beaucoup de curiosité qu’on accueille un film d’auteur égyptien en compétition à Cannes. La denrée, tout amateur le sait, se fait rare. Youssef Chahine, maître de belle mémoire, est mort et enterré. Yousry Nasrallah nous enchante mais se signale de loin en loin (Le Ruisseau, le Pré vert et le Doux Visage, 2016). Tamer El Saïd, cinéaste-poète récemment découvert avec Les Derniers Jours d’une ville (2017), a mis dix ans à faire son film. Mohamed Diab (Clash, 2016) est plus fréquent mais sa manière est mondialisée. Quant à Tarik Saleh (Le Caire Confidentiel, 2017), belle révélation dans un film de genre, il est au moins aussi suédois qu’égyptien.
L’un dans l’autre, cela ne fait pas le compte. Voici donc venir A.B. Shawky, 32 ans, auteur avec ce premier long-métrage de fiction d’un film qui réunit, l’espace d’un voyage, un lépreux en quête de ses origines et un jeune orphelin originaire de Nubie. Propos peu ordinaire, qui tente l’exploit d’être tout à la fois un « road », un « buddy » et un « feel good movie » – pour le dire en bon français dans le texte – tout en regardant du côté de ce chef-d’œuvre immarcescible qu’est Freaks (La Monstrueuse Parade, 1932), de Tod Browning.
Rady Gamal et Ahmed Abdelhafiz dans « Yomeddine », d’A.B. Shawky. / LE PACTE
De péripétie en péripétie
Beshay – qui fut abandonné enfant à la léproserie et qui se trouve bien des années plus tard guéri de la maladie – part pour retrouver ses parents dans son village natal dans le sud du pays, en butte à l’hostilité et au rejet que son visage ravagé par les stigmates et son corps contrefait suscitent sur son passage. Obama, orphelin qui lui est attaché par communauté de destin, lui impose son compagnonnage et se joint à l’étique attelage que forment Beshay, sa carriole et son âne. Il va sans dire que le tandem ira de péripétie en péripétie avant d’atteindre son but. Deux acteurs non professionnels l’interprètent, dont Rady Gamal, rencontré par le réalisateur lors du tournage d’un documentaire réalisé en 2008 dans la léproserie d’Abu Zabaal près du Caire.
On mesure, à cette description, les risques non négligeables pris, dans à peu près tous les secteurs, par le jeune réalisateur de ce film. On ne peut d’ailleurs qu’être sensible à cette mise en danger, ainsi qu’au désir de se mettre du côté des parias dans l’Egypte d’aujourd’hui. Il n’en reste pas moins, quoi qu’il en coûte de le dire aussi abruptement, que la faiblesse de la mise en scène ruine à peu près complètement ces nobles efforts. Illustratif et sentimentaliste, prévisible et maladroit, le film pense davantage à appliquer un programme qu’à donner forme à des idées. Une cruelle déception.
YOMEDDINE by A.B. Shawky | Trailer | GeoMovies
Durée : 05:05
Film égyptien de A.B. Shawky. Avec Rady Gamal et Ahmed Abdelhafiz (1 h 37). Sortie en salle prochainement. Sur le Web : www.le-pacte.com/france/prochainement/detail/yomeddine