Fonction publique : « Nous sommes contraints de faire au mieux avec des moyens exsangues »
Fonction publique : « Nous sommes contraints de faire au mieux avec des moyens exsangues »
Par Cécile Frangne
Les fonctionnaires ont défilé mardi 22 mai pour la défense du service public, et pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail.
A Paris, 16 400 personnes ont pris part au défilé, d’après le comptage indépendant du cabinet Occurrence. / FRANÇOIS MORI / AP
Les neuf syndicats de la fonction publique ont appelé mardi 22 mai les quelque 5,7 millions de fonctionnaires à manifester contre « la mise à mal des missions publiques », « la dégradation des conditions de travail », et la lutte pour le pouvoir d’achat. A Paris, 16 400 personnes ont pris part au défilé, d’après le comptage indépendant du cabinet Occurrence.
Dans les rangs des manifestants, il était d’abord question de « défense du service public », comme l’expliquaient Catherine, 58 ans, institutrice en école primaire, ou encore Bernard, 52 ans, psychologue de l’éducation nationale.
Parce qu’aux yeux de bon nombre de fonctionnaires, ce service public, « c’est aujourd’hui un service minable qui ne répond plus aux besoins de la population », tranche Philippe, 49 ans, technicien de laboratoire à l’hôpital de Longjumeau.
« On se bat contre des murs »
Pour Catherine, qui dit avoir toujours eu « une haute opinion de la fonction publique, et du service qu’elle doit rendre à l’ensemble des citoyens, même s’il n’est pas rentable », ce service public est aujourd’hui « bafoué par des considérations financières ».
« Nous sommes contraints de faire du mieux que nous pouvons avec des moyens exsangues », poursuit, de son côté, Philippe. « Ce manque de moyens matériels nous fait travailler dans des conditions difficiles », confirme Bernard, le psychologue de l’éducation nationale, qui illustre cette dégradation des conditions de travail : « Rien que l’an dernier, nous avons dû nous battre pour obtenir un matériel informatique en état de marche : nos ordinateurs fonctionnaient encore avec Windows XP ! »
« On ne donne plus le temps de travailler convenablement avec les enfants et leurs parents, surtout s’ils ont des difficultés particulières, explique Catherine, qui déplore qu’en Seine-Saint-Denis où elle enseigne, « notamment à des enfants en situation de handicap », ceux-ci soient « plus de 500 à être sans suivi particulier. On supprime d’autre part les postes d’auxiliaires de vie scolaire (AVS), qui permettent en classe de calmer des enfants dits hautement perturbateurs. On se bat contre des murs, tout ça pour des problèmes d’argent ».
Le 22 mai à Paris. / FRANÇOIS MORI / AP
« A la longue, on s’épuise »
C’est aussi ce manque de moyens – « le manque d’argent », « le manque de personnel » – que déplore Christine, 52 ans, employée d’une cuisine centrale d’un hôpital. Philippe, de l’hôpital de Longjumeau témoigne : « Nous voyons passer de plus en plus de monde tout en étant de moins en moins nombreux. »
« Depuis la mise en place de la tarification à l’activité, nous sommes même en situation de sous-effectif permanent, poursuit-il. Dans mon service, les congés maternité ne sont plus remplacés, pas plus que les départs en vacances l’été. Les départs à la retraite et les mutations donnent lieu à des suppressions de postes en catimini. A la longue, on s’épuise et on perd la motivation. »
« Avec le manque d’argent, les hôpitaux, engagent de plus en plus de contractuels. Là où je travaille, je suis obligée de former tous les mois les nouveaux contractuels qui débarquent pour que le travail soit fait correctement », renchérit Christine, qui ajoute : « On embauche aussi les gens en contrat privé plutôt que sous le statut de fonctionnaire, comme ça, ils ne bénéficient pas des primes. »
« Il faut embaucher plus de gens au statut de fonctionnaire », revendique Christine, faisant écho à une préoccupation – la préservation du statut – que l’on retrouve dans tous les rangs de la manifestation. « Ce statut est important, même si j’estime qu’il est remis en question quand je vois les salaires moindres avec lesquels on rémunère les jeunes collègues qui entrent dans le métier », dit Catherine, l’institutrice.
Devenu fonctionnaire « pour ne pas dépendre de la bonne volonté d’un patron », mais aussi « pour servir mon pays », Philippe considère que « le statut est une contrepartie de ce service, même si, hormis la stabilité de l’emploi, on ne peut pas dire qu’il y ait grand-chose dedans ».