« Mon Ket » : caméras cachées… et limitées
« Mon Ket » : caméras cachées… et limitées
Par Jacques Mandelbaum
Pour son premier film comme réalisateur, François Damiens use du style qui a fait son succès, mais sans parvenir à convaincre.
On ne présente plus François Damiens. Héros, fomentateur et embrouilleur d’une série de caméras cachées hors du commun – et, on peut l’avouer, à pisser de rire – par son sens surréel de l’improvisation et de la provocation, il est aussi un acteur de grand talent. Le registre de la comédie convient à sa démesure biscornue (OSS 117 : Le Caire, nid d’espions, de Michel Hazanavicius, en 2006, L’Arnacœur, de Pascal Chaumeil, en 2010), mais il parvient plus étonnamment à toucher dans des rôles graves et tendres (La Famille Wolberg, d’Axelle Ropert, en 2009, Les Cowboys, de Thomas Bidegain, en 2015).
A 45 ans, le voici qui passe derrière la caméra pour un projet presque aussi saugrenu et déroutant que les personnages qu’il interprète. L’idée consiste à allier une trame de fiction à un tournage constitué de caméras cachées. Soit, d’une part, un petit groupe de comédiens entourant l’acteur pour les besoins du récit et de sa continuité, et, d’autre part, de purs inconnus jouant sans le savoir dans le film au détour de tel ou tel piège dûment concerté.
Cerise sur le gâteau, une histoire suffisamment vague pour se plier aux péripéties improvisées des caméras cachées, mais assez pittoresque pour intéresser en elle-même. Soit Dany Versavel, un gars que rien ne gêne, qui décide de s’évader de la prison où il croupit pour assumer son rôle de père auprès de son « ket » (expression belge pour désigner avec fierté son fils) Sullivan.
Le siège entre deux chaises
Il va de soi que l’enseignement paternel auprès du petit n’est pas franchement destiné aux manuels d’éducation. Evadé de sa geôle après avoir tenté d’emballer son avocate, Dany, au volant d’une Renault 11 diesel fumante, multiplie les conneries avec un aplomb confondant et un faux air de Johnny Hallyday. Faire semblant de déféquer des billets devant les infirmières de l’hôpital. Offrir (et torturer) un jeune footballeur professionnel pour l’anniversaire de son fils. Apprendre à ce dernier à fumer chez un buraliste devant une cliente abasourdie, sonder un devin africain sur les possibilités de rallonger son pénis. Exiger un crédit énorme à la banque sans business plan, et en profiter pour dire au banquier les quatre vérités du capitalisme… On en passe et des meilleures.
Il en ressort un film qui a un peu le siège entre deux chaises. Des sketchs parfois drôles mais moins réussis que ceux des caméras cachées ordinaires car ne s’offrant pas le luxe de la durée. Un argument fictionnel qui ne prend pas une seconde, faute de personnages, d’enjeux et de situations un tant soit peu crédibles, pour ne rien dire de l’exigence romanesque. Enfin, une sorte de gêne à voir ainsi coagulés deux registres aussi incompatibles que la révélation sournoise des travers ridicules de son prochain et le désir d’obtenir, avec son consentement, quelque chose qui touche à sa vérité. De sorte que, au mieux, on qualifiera le film de geste dadaïste, au pire d’insolite fiasco.
MON KET – Bande-annonce #2 – François Damiens (2018)
Durée : 01:39
Film belge de François Damiens. Avec François Damiens, Matteo Salamone, Tatiana Rojo (1 h 29). Sur le Web : www.facebook.com/MonKetLeFilm