Le service sanitaire ne convainc plus les étudiants en médecine
Le service sanitaire ne convainc plus les étudiants en médecine
Par Soazig Le Nevé
Face au mécontentement d’organisations étudiantes, qui soutiennent le projet mais qui dénoncent les modalités pratiques des stages, le ministère de l’enseignement supérieur a rouvert des négociations.
Des enfants de l'école maternelle d'Hellesmes (Nord), lors de l’opération « l'Hôpital des nounours » à la faculté de médecine de Lille, en avril 2008. / FRANCOIS LO PRESTI / AFP
Prévu à la rentrée 2018, le nouveau « service sanitaire » des étudiants en santé est encore loin d’être ficelé. Les modalités techniques pour exécuter trente demi-journées (soit six semaines) de stage autour de la notion de prévention auprès de publics d’enfants, d’adolescents ou de personnes âgées font débat. Son premier projet d’arrêté ayant été refusé lors de son passage en Conseil national de l’enseignement et de la recherche (Cneser), le 15 mai, le ministère de l’enseignement supérieur a accepté de rouvrir des négociations.
En cause : le montant de l’aide forfaitaire destinée à indemniser les étudiants de leurs frais de déplacement pour accomplir leur service sanitaire. Etablie à 89 euros brut pour toute la durée de la réalisation de l’action de prévention, la somme apparaît insuffisante aux yeux des fédérations d’étudiants, notamment la FAGE.
« La volonté affichée du gouvernement de répartir les actions du service sanitaire sur l’ensemble du territoire, pour lutter contre les inégalités de santé, constitue une porte ouverte à des frais de déplacement très élevés », affirme dans un communiqué l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), alliée de la FAGE.
« On n’échangera pas nos conditions de vie contre le service sanitaire, prévient Yanis Merad, président de l’association. La prévention, oui, mais la précarisation, non. » A ses yeux, le cadre proposé par le gouvernement n’est « absolument pas sécurisant pour les étudiants », notamment ceux de premier cycle (entre la 1re et la 3e année). La somme de 89 euros qui leur sera versée est « ridiculement basse et ne permet même pas de financer deux tickets de bus urbain par jour », avance Yanis Merad.
A Lille, l’UFR (unité de formation et de recherche) de médecine projette un service sanitaire étalé sur quinze semaines, à raison d’une demi-journée par semaine (le vendredi), illustre le représentant des étudiants en médecine, « la région Hauts-de-France est suffisamment grande pour imaginer que 89 euros ne suffiront pas à couvrir quinze allers-retours d’un point à l’autre ».
L’Anemf réclame une indemnité forfaitaire de 135 euros pour les étudiants de premier cycle, qui se calquerait sur celle en vigueur dans le deuxième cycle (4e, 5e et 6e année) – sachant que d’ores et déjà, cette indemnité n’est « pas assez conséquente pour un certain nombre de ces étudiants qui demandent souvent des aides supplémentaires ».
Yanis Merad souhaite également obtenir des collectivités locales une indemnité de 200 euros dans le cas d’un besoin d’hébergement des étudiants en zone éloignée du lieu d’études. Une aide financière déjà acquise en faveur des seuls internes fin 2017, dans le cadre du plan d’accès territorial aux soins. Faute de garanties en ce sens, il invite les directeurs d’UFR à refuser d’affecter des étudiants sur des terrains de stage les forçant à engager des frais de déplacement ou d’hébergement supérieurs à leur indemnité.
Des stages rémunérés mais pas pour tous
Dernière iniquité, pour l’association étudiante : seuls seront rémunérés les étudiants de 2e cycle, le projet d’arrêté ne prévoyant aucune évolution des règles actuellement en vigueur selon lesquelles il n’existe pas de statut protecteur pour les stages effectués en premier cycle.
« Nous serons intransigeants sur ces points, tranche Yanis Merad qui sera reçu au ministère mercredi 6 juin. Nous avons soutenu l’instauration d’un service sanitaire, mais ce soutien ne sera pas inconditionnel. »
Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le service sanitaire en santé sera obligatoire et concernera, dès la rentrée 2018-2019, quelque 47 000 jeunes inscrits dans les filières de médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique, ainsi qu’en études de soins infirmiers et de masseur-kinésithérapeute. Quatre thématiques de prévention sont privilégiées : l’alimentation, l’activité physique, les addictions et la santé sexuelle et affective.