Port de Dunkerque. / DENIS CHARLET / AFP

Comment valoriser les énergies renouvelables dans les réseaux de gaz existants ? Grâce à l’hydrogène. La Communauté urbaine de Dunkerque (CUD) n’a pas attendu l’annonce du plan de soutien à l’hydrogène décarboné par le ministre Nicolas Hulot, le 1er juin, pour lancer de nouvelles expérimentations.

Après deux ans d’études et deux ans d’attente d’autorisations, la petite ville de Cappelle-la-Grande, 8 000 habitants, a ainsi inauguré ce lundi 11 juin son « GRHYD » (Gestion des réseaux par l’injection d’hydrogène) et le premier démonstrateur « Power-to-gas » de France. Le principe : récupérer l’énergie non consommée issue des énergies renouvelables pour la transformer en hydrogène sous forme solide. L’hydrogène est conservé puis injecté, à hauteur de 6 % à 20 % maximum, dans le réseau de gaz naturel. Un projet à 15 millions d’euros.

La centaine d’habitants du tout nouveau quartier « Le Petit village » découvre depuis jeudi soir ce gaz un peu plus propre utilisé pour le chauffage, la cuisine et l’eau chaude. Trois containers installés à quelques centaines de mètres des habitations abritent les trois technologies testées : l’électrolyse, le stockage d’hydrogène, et le poste d’injection. Ce mélange de gaz naturel et d’hydrogène, appelé Hythane®, a d’abord été testé en laboratoire au Cetiat (Centre technique des industries aérauliques et thermiques) de Villeurbanne. Les mesures récoltées pendant deux ans dans la banlieue dunkerquoise serviront à évaluer les avantages du Power-to-Gas en termes de fonctionnement technique des matériels, d’économie mais aussi d’acceptation sociétale.

Un marché d’avenir

Les Cappellois dotés de cette nouvelle innovation technologique capable de réduire les émissions de gaz à effet de serre ne devraient pas voir de différence avec le gaz de ville traditionnel. Le pouvoir calorifique supérieur (PCS) de l’Hythane® est légèrement plus faible du fait de la présence d’hydrogène mais ce facteur est compensé par le meilleur rendement des chaudières installées chez les habitants.

En matière de transition énergétique, le projet fait l’objet de toute l’attention des 11 partenaires de GRHYD, à commencer par le coordinateur Engie, géant de l’énergie. « Le caractère intermittent et non programmable de la production d’électricité par les énergies renouvelables reste un obstacle, explique Isabelle Kocher, directrice générale d’Engie. On peut utiliser des batteries pour le stockage mais cela reste cher. L’hydrogène est donc la meilleure façon de stocker l’énergie, indéfiniment, et sous forme solide ». La patronne d’Engie est convaincue que l’hydrogène renouvelable est le chaînon manquant dans la révolution énergétique. C’est aussi un marché d’avenir puisqu’il est prévu que d’ici 2030 la technologie soit pleinement opérationnelle en France.

Un territoire pilote

Déjà engagée dans la transition industrielle, économique et sociale, la communauté urbaine de Dunkerque a accepté d’être un territoire pilote car son ambition est de devenir la première agglomération européenne à expérimenter des projets d’énergie renouvelables. « C’est un beau symbole de notre mutation, confie Patrice Vergriete, maire de Dunkerque et président de la Communauté urbaine de Dunkerque. Notre population a foi en l’industrie et en le progrès quand il est partagé entre social et innovation ».

Il faut en effet se souvenir qu’après sa destruction lors de la seconde guerre mondiale, Dunkerque est devenue l’un des grands bassins industriels français. Pour le meilleur, notamment à l’époque de la taxe professionnelle ou des 11 500 emplois d’Usinor (devenu Arcelor Mittal), et pour le pire puisque c’est aujourd’hui encore l’agglomération la plus touchée de France en nombre de cancers liés à l’amiante et l’agglomération la plus émettrice de CO2 des Hauts-de-France. « Ce sera aussi la première agglomération d’Europe à proposer les transports en commun gratuits dès le 1er septembre », contrebalance Patrice Vergriete. Une utilisation de l’hydrogène dans le réservoir des bus est d’ailleurs à l’étude. L’élu est convaincu que « la transition énergétique ne se fait pas à Paris mais dans les territoires ». Il appelle d’ailleurs l’Etat à se prononcer pour que les collectivités locales perçoivent une partie de la contribution climat énergie (CCE). « On n’a pas envie de subir notre destin, insiste le président de la CUD. On croit à l’hydrogène, à l’éolien offshore mais il nous faut des réponses de l’Etat ».