Coupe du monde 2018 : du départ de Zidane à celui de Lopetegui, l’effet papillon qui bouleverse l’Espagne
Coupe du monde 2018 : du départ de Zidane à celui de Lopetegui, l’effet papillon qui bouleverse l’Espagne
Par Alexandre Pedro
Le sélectionneur de l’Espagne n’avait jamais perdu avec la Roja. Mais une réaction en chaîne, déclenchée par la décision surprise du Français, plonge un favori dans le désarroi à la veille du Mondial.
Comment le sélectionneur invaincu d’un des favoris de la Coupe du monde peut-il se retrouver mis à la porte deux jours avant l’entrée dans le tournoi de son équipe ? Cette question, toute l’Espagne se la pose depuis le départ forcé de Julen Lopetegui, en poste depuis juillet 2016. « Nous remercions Julen pour tout ce qu’il a fait parce qu’il est le principal responsable de notre présence en Russie, mais nous sommes dans l’obligation de le renvoyer », a annoncé, ce mercredi 12 juin, le président de la fédération espagnole, Luis Rubiales.
Merci pour les neuf victoires en dix matchs lors des qualifications, mais le technicien de 51 ans – qui venait pourtant de prolonger son contrat jusqu’en 2020 – s’est mis dans une situation inextricable depuis l’annonce mardi de sa nomination comme entraîneur du Real Madrid. Le Basque a été remplacé en catastrophe par Fernando Hierro, directeur sportif de la sélection espagnole. L’ancien international va devoir préparer en urgence le choc du groupe B face au Portugal (vendredi à 20 heures à Sotchi).
Cette situation inédite est la conséquence d’un effet papillon dont le battement d’ailes initial est la démission surprise de Zinédine Zidane de son poste d’entraîneur du Real, le 31 mai. Deux semaines plus tard, il vient de provoquer une tempête à Krasnodar, camp de base en Russie de la Roja. « La fédération ne peut pas rester en marge d’une négociation avec un de ses employés et découvrir un accord cinq minutes avant un communiqué officiel [du Real] », a expliqué Luis Rubiales, pourtant réputé entretenir de bonnes relations avec le club madrilène et son président, Florentino Perez.
Mais le Real a son agenda et quand il s’agit de trouver un remplaçant à un entraîneur trois fois vainqueur de la Ligue des champions, il s’agit d’aller vite, de rassurer ses supporteurs et tant pis pour les éventuelles interférences avec l’équipe nationale. Au départ, pas de problème : Mauricio Pochettino tient la corde pour succéder à Zidane. Mais l’Argentin a un employeur (Tottenham) et un président (Daniel Levy) qui n’entendent pas perdre leur manager, prolongé jusqu’en 2023, et dont il fixe la clause libératoire à 48 millions d’euros.
L’ombre de Jorge Mendes
Exit donc l’ancien défenseur du PSG. Massimiliano Allegri, Guti ou Michael Laudrup sont aussi évoqués, mais un homme promet le poste depuis un an à Lopetegui, qui n’ose pas trop y croire de son côté : l’agent portugais Jorge Mendes. Et ce que Jorge Mendes promet, Jorge Mendes l’obtient très souvent. Moins présent sous l’ère Zidane, l’agent le plus puissant du football mondial voit dans la succession du Français une double occasion pour réaffirmer son influence sur la Maison blanche, mais aussi calmer les états d’âme de son plus célèbre client, Cristiano Ronaldo.
Dans son édition de mercredi, le quotidien El Pais raconte comment Mendes se vante d’avoir placé en 2014 sur le banc du FC Porto, le puissant club portugais, un Lopetegui « qui n’avait jamais dirigé une équipe de première division ». Cette relation n’est pas sans poser quelques problèmes dans une sélection où figurent quatre joueurs représentés par Jorge Mendes. Depuis plusieurs mois déjà, des cadres de la Roja soupçonnaient leur sélectionneur de prendre en compte son avenir personnel dans ses choix tactiques.
Mais la chute de Lopetegui est surtout venue de son futur employeur : Florentino Pérez. Alors qu’un accord est trouvé entre les deux parties dans la nuit de lundi à mardi, le président du Real appelle Krasnodar pour prévenir Sergio Ramos, capitaine du Real et de la sélection, de son choix. Charge à lui de prévenir les autres joueurs du Real présents en Russie. L’information circule très vite de chambre en chambre, au-delà du cercle madrilène, et Lopetegui est contraint de la confirmer devant l’ensemble de son groupe, lui qui aurait préféré la taire jusqu’à la fin de la Coupe du monde. Selon plusieurs médias espagnols, le sélectionneur n’a alors plus d’autres choix que d’accepter la publication du communiqué du Real afin d’éviter de nouvelles fuites.
Si Luis Rubiales a réfuté le mot de « trahison », le président de la RFEF n’a pas goûté la méthode et le timing. Le sort de Lopetegui est alors scellé. Les joueurs – les Madrilènes en tête – ont bien tenté d’infléchir sa décision, mais Rubiales, nommé en 2017 après vingt-neuf ans de présidence du controversé Angel Maria Villar, n’a pas voulu en démordre. « Je leur ai expliqué ma position, ils sont très concentrés et m’ont fait part de leur implication maximale », a assuré celui qui dirigeait auparavant le syndicat espagnol des footballeurs.
Dans la soirée de mercredi, Julen Lopetegui a quitté plus tôt que prévu la Russie. Poursuivi par les journalistes de son pays, le désormais ex-sélectionneur a lâché « être très triste » et utilisé le « nous » pour parler de l’avenir de l’équipe d’Espagne. « Nous avons une équipe magnifique et j’espère que nous gagnerons le Mondial », a souhaité celui qui sera officiellement présenté comme entraîneur du Real ce jeudi.