Le défenseur saoudien Mohammed Al-Breik au duel avec le milieu de terrain Alan Dzagoev, jeudi 14 juin, en match d’ouverture du Mondial 2018. / MLADEN ANTONOV / AFP

Dans la langue de Pouchkine et de Zabivaka, la mascotte tout en poils du Mondial 2018, « soulagement » se dit « oblegtchenie ». Ou « ouf », si l’on est pressé. A l’issue du match d’ouverture de la compétition, jeudi 14 juin au stade Loujniki de Moscou, le soulagement est double : d’abord celui d’avoir assuré une organisation sans anicroche — sans excès de ferveur, certes, mais comme tout pays hôte qui se respecte, la Russie a permis à Robbie Williams de massacrer les enceintes de son stade ; ensuite, celui, beaucoup plus inattendu, d’avoir engagé la compétition avec une victoire probante (5-0 contre l’Arabe saoudite), qui place la Russie dans une position bien plus confortable que beaucoup ne le redoutaient.

Pour saisir l’ampleur de ce soulagement, il faut se souvenir de l’ambiance qui régnait dans le pays quelques heures encore avant ce match inaugural. Une seule consigne, relayée en boucle par la presse sportive : ne pas reproduire le parcours catastrophique de l’Afrique du Sud, seul pays hôte de l’histoire éliminé dès les phases de poules, en 2010. En toile de fond de cette inquiétude, la préparation catastrophique de la Sborna, qui n’avait plus gagné de match depuis le mois d’octobre 2017, engluée dans les profondeurs du classement FIFA à la soixante-dixième place.

Des faiblesses dans le jeu

On avait même surpris Vladimir Poutine, le président russe d’habitude si prompt à exalter la fierté nationale, en flagrant délit de défaitisme, enjoignant à son équipe, dans un entretien à la télévision chinoise, de « jouer dignement et de se battre jusqu’au bout ». Un bouc émissaire était même déjà tout trouvé : le sélectionneur Stanislav Tchertchessov, coupable, forcément coupable, de n’avoir pas su imposer un style de jeu clair ni d’avoir su tirer le meilleur parti de ses joueurs, assemblage hétéroclite de jeunes pousses prometteuses et de vieux lions supposés sur le déclin.

Certes, la question du jeu est loin d’être évacuée, et les Russes ont montré beaucoup de faiblesses : défense trop lente ; milieu souvent maladroit ; passes rarement ajustées. Certes, l’adversaire saoudien s’est révélé d’une faiblesse confondante, non loin par moments de l’apathie la plus complète. Certes, la sortie précoce, sur blessure, du très bon Alan Dzagoev, est un nouvel handicap dont la sélection se serait bien passée.

Mais outre l’amplitude du score, qui a permis à tout un stade d’exulter, ce match d’ouverture a livré quelques enseignements rassurants. Denis Tcherichev, entré à la place de Dzagoev, a marqué à deux reprises. Les lignes avant dans leur ensemble se sont même montrées particulièrement convaincantes, tant dans l’engagement que dans la vitesse. Le jeune Aleksandr Golovine, dont on attendait beaucoup, a été au rendez-vous, jouant juste et concluant la partie sur un coup franc parfaitement ajusté, de ceux qui ont depuis quelques semaines attiré l’œil des recruteurs de Monaco.

Des joueurs préservés

La Russie a aussi découvert en Stanislav Tchertchessov un meneur d’hommes au sang froid. Impassible dans son carré, l’ancien gardien de la sélection soviétique a attendu le troisième but pour montrer un poing vengeur. Et si c’est lui qui avait eu raison, durant toute cette préparation catastrophique, en réclamant que les critiques s’abattent sur lui et non sur ses joueurs ? En agissant de la sorte, le sélectionneur les a protégés, préservés d’une pression excessive et du pessimisme ambiant.

Attention, toutefois. Les Russes, aussi prompts à s’emballer qu’à battre leur coulpe, n’ont parcouru que la moitié du chemin. Il leur faudra encore une victoire pour être quasi assurés de la qualification en huitièmes de finale. Face à l’Egypte, le 19 juin, et à l’Uruguay, le 25, la tâche sera autrement plus difficile, et Stanislav Tchertchessov l’a reconnu, lors de sa conférence de presse : « Le niveau va monter crescendo, ne tirons pas trop de conclusions. » Heureusement, Zabivaka et Vladimir Poutine seront là pour veiller au grain. Tchertchessov l’a dit, jeudi soir : le président l’a déjà appelé pour lui faire part de sa satisfaction.

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