Tour de France, étape 5 : autant pédaler dans un violon
Tour de France, étape 5 : autant pédaler dans un violon
Par Henri Seckel (La Baule, Sarzeau, envoyé spécial)
La cinquième étape, mercredi, entre Lorient et Quimper, casse-pattes à souhait, s’annonce passionnante. Mais, jusqu’à dimanche, la Grande Boucle va rester confinée dans une réalité parallèle.
Quelle tête de Samuel Umtiti ! / MARCO BERTORELLO / AFP
Pas de bol pour les Bleus. Comme tous les quatre ans, la dernière semaine de la Coupe du monde tombe en même temps que la première semaine du Tour, et les exploits du peloton sur les départementales de France éclipsent un peu les performances de l’équipe du même nom, qui réalise pourtant un beau parcours cette année en Russie. Elle s’est d’ailleurs qualifiée pour la finale, mardi soir, en dominant la Belgique par 1 but à 0. Mais peut-être la seconde victoire d’étape de Fernando Gaviria, quelques heures plus tôt à Sarzeau, vous avait-elle fait passer à côté de cette info ?
En entrant sur la pelouse de Saint-Pétersbourg, footballeurs belges et français eux-mêmes se demandaient visiblement ce qu’ils faisaient là, si loin de Lorient où s’élancera la 5e étape de la Grande Boucle cet après-midi. Juste avant le coup d’envoi, il nous semble d’ailleurs avoir vu Kylian Mbappé demander à Eden Hazard ce qu’il avait pensé du coup de poker tenté, un peu plus tôt dans l’après-midi, par son compatriote Guillaume Van Keirsbulck, lorsque le mastard de la Wanty-Groupe Gobert faussa compagnie à ses compagnons d’échappée dans le finish, avant d’être rattrapé à son tour par le peloton sous la flamme rouge.
A l’issue de la rencontre, une certaine liesse a traversé la France, les habitants sont descendus dans les rues en masse, alors qu’il ne s’agissait, finalement, que d’une qualification pour la finale d’un tournoi de football. Les Champs-Elysées étaient noirs de monde : on imagine le délire qui risque de s’emparer du pays lorsque Romain Bardet y déboulera vêtu du maillot jaune, dimanche 29 juillet.
Trois classiques en cinq jours
Allez. Pendant la Coupe du monde, le Tour de France continue, mais pour qui recueille les impressions de Dimitri Claeys au pied du bus de la Cofidis le jour où les Bleus se qualifient pour la finale de la Coupe du monde, le sentiment d’être en dehors de l’« Histoire » est assez déroutant. Le barnum de la Grande Boucle va rester quelques jours encore bloqué dans une réalité parallèle, dont seule une bonne grosse affaire de dopage à l’ancienne pourrait le faire sortir : Festina en 1998 (en pleine course) et Floyd Landis en 2006 (quelques jours après l’arrivée) étaient parvenus à braquer de nouveau les projecteurs sur le Tour.
Pour de nombreux observateurs, Hugo Lloris est clairement l’homme du match. / JEFF PACHOUD / AFP
La course, qui entre dans une nouvelle dimension, devrait pourtant se suffire à elle-même, les organisateurs ayant choisi de caler trois simili-classiques alléchantes pour patienter jusqu’à la finale, dimanche.
Aujourd’hui : simili-Liège-Bastogne-Liège entre Lorient et Quimper, une étape dont le profil accidenté, dans les 100 derniers kilomètres, n’est pas sans évoquer l’électrocardiogramme d’une supportrice victime de tachycardie pendant France-Belgique : ça monte, ça descend, et ça monte, et ça descend. Et ça monte. Et ça descend. Demain, simili-Flèche wallone, avec la côte de Mûr-de-Bretagne (gravie deux fois) en guise de mur de Huy final. Dimanche, simili-Paris-Roubaix, avec quinze secteurs pavés redoutés par tout le peloton.
Après la rencontre, les Belges ont affiché une mauvaise foi sidérante, affirmant que ce n’est pas la meilleure équipe qui s’était imposée. / PETER DEJONG / AP
Bref. Après les péripéties du premier jour et le chrono par équipes de Cholet avaient débuté les calculs d’épicier pour voir qui compte vingt secondes d’avance sur l’un mais douze de retard sur l’autre avant le début des choses sérieuses en montagne. Calculs inutiles : le classement sera chamboulé dans les jours qui viennent, ainsi que l’a prédit Chris Froome : « Avant la montagne, on va juste essayer de s’en sortir le mieux possible. D’ici là, il y aura beaucoup de temps perdu parmi les favoris. »
Eusebio Unzué, manageur de l’équipe Movistar du trio Quintana-Landa-Valverde, résume d’un mot l’objectif à atteindre avant de s’envoler vers les Alpes : « Sobrevivir. » Jusqu’à dimanche, dans leur réalité parallèle, les coureurs vont effectivement tâcher de survivre aux pièges d’une course qui s’apprête à connaître des moments épiques, et peut-être même une étape légendaire. Reste que, jusqu’à dimanche, cela risque de revenir à pédaler… dans un violon.
Départ 12 h 40. Arrivée prévue vers 17 h 30.
INFO SÉCURITÉ. Les règles élémentaires de sécurité sur le Tour sont martelées à longueur de journée, mais rappelons-les ici, car on n’en fait jamais trop dans ce domaine : ne courez pas à côté des coureurs ; ne laissez pas vos enfants sans surveillance ; ne laissez pas vos animaux en liberté ; ne faites pas de vélo sur le toit d’un bus.
« Le vélo! Le vélo! » C’est beau tous ces gens dans les rues pour fêter la future victoire de Bardet dans le Tour https://t.co/vRQcS1Ysuh
— Romain_Scotto (@Romain Scotto)
Le Tour du comptoir : La Baule
Chaque matin du Tour, En danseuse vous envoie une carte postale du comptoir d’un établissement de la ville-départ de la veille.
Où l’on pleure, comme hier, devant la France moche.
Attention, le but ici n’est pas de pointer la laideur partout où passe le Tour, mais à La Baule, on était obligé. Cette ville a dû être si jolie avant. Elle l’est toujours, en réalité, à condition qu’on ne se rende pas à la plage, ou alors qu’on ne tourne jamais le dos à l’océan. Rarement vu un front de mer aussi laid.
Exemple de belle Baule.
Exemple de moche Baule.
Résidentes de Missillac, à une demi-heure à peine, mais tout de même locataires estivales d’une maison sur ledit front de mer, Liliane et Marie-Thérèse ont fini par s’y habituer, mais ces deux retraitées déplorent les catastrophes architecturales ayant défiguré la vaste baie de La Baule qui, autrement, confinerait vraiment au sublime : « Ils ont démoli les vieilles maisons du front de mer et reconstruit n’importe comment. Il n’y a pas une unité comme celle qu’on retrouve à Deauville par exemple. C’est dommage. »
Le Tour était déjà passé à La Baule il y a trente ans. Liliane se rappelle qu’il faisait « très vilain » ce jour-là, et que ça l’avait déçue « parce qu’après, tout le monde dit qu’il pleut tout le temps à La Baule ». Aucun souvenir de la course par contre. Hier, il faisait plein soleil, mais nos deux Bauloises (on dit comme ça) n’étaient pas beaucoup mieux informées sur le peloton qu’elles s’apprêtaient à voir passer. « Il y a Bardet », a dit l’une. « Et celui dont on entend parler par rapport à ses problèmes de drogue », a dit l’autre.
L’hôtel de ville de La Baule. Gloups.