Xi Jinping célèbre « l’émergence » à Dakar, première étape de sa mini-tournée africaine
Xi Jinping célèbre « l’émergence » à Dakar, première étape de sa mini-tournée africaine
Par Matteo Maillard (Dakar, correspondance)
Le président chinois a signé dix accords bilatéraux avec son homologue sénégalais, avant de s’envoler vers Kigali puis Johannesburg pour le sommet des BRICS.
Rare est l’occasion de voir Dakar apprêtée ainsi. De l’aéroport militaire Léopold-Sédar-Senghor, jusqu’au palais présidentiel, la route de la corniche a été débarrassée de tous ses déchets. Aux lampadaires, des drapeaux du Sénégal et de la Chine entrecoupés de panneaux lumineux présentant les grands projets d’infrastructure de la sous-région s’illuminent. Samedi 21 juillet, dans les rues étonnamment paisibles du centre-ville, près des squares manucurés pour l’occasion, résonnait dans des haut-parleurs des accords d’ehru annonçant l’arrivée du cortège du président chinois Xi Jinping. Une dizaine de véhicules noirs escortés par les spahis sénégalais, la garde présidentielle montée sur des alezans et reconnaissable à la distinctive cape écarlate de ses cavaliers, a accompagné l’hôte d’honneur jusqu’au tapis rouge.
L’accueil se devait d’être à la hauteur. La Chine est devenue depuis 2005, suite à la reprise des relations diplomatiques, le deuxième partenaire et créancier du Sénégal, derrière la France, dans le financement de son développement. Depuis cette date, les fonds accordés par les Chinois s’élèvent à plus de 1 206 milliards francs CFA (1,8 milliard d’euros) sur lesquels 963 milliards de CFA ont été mobilisés entre 2012 et 2018, soit 80 % de ce montant.
La coopération est vaste et porte sur les infrastructures, l’agriculture, le développement industriel, l’énergie, l’éducation, la santé, la culture, le sport et les technologies de l’information et de la communication. Le volume d’échange entre les deux pays s’élevait en 2016 à 1,7 milliard euros. Les exportations sénégalaises vers la Chine concernent principalement les arachides, le zircon et le titane pour 115 millions d’euros en 2017. Quant aux importations chinoises, elles sont passées de 227 milliards de CFA en 2013, à 367 milliards en 2017. Une hausse liée aux matériaux de construction nécessaires aux grands travaux chinois dans le pays.
Appui aux « Nouvelles routes de la soie »
A travers une quarantaine de programmes, la Chine a permis la construction du Musée des civilisations noires, du Grand théâtre national, de l’Hôpital pour enfants de Diamniadio, mais surtout de « la plus grande infrastructure routière de l’histoire du Sénégal », a annoncé le président Macky Sall, l’autoroute d’Ila Touba dont la livraison des 113 km est prévue à la fin de l’année. Elle permettra de relier la capitale à la ville sainte de Touba, où s’effectue chaque année le pèlerinage religieux mouride du Magal.
Si le Sénégal ne fait pas partie des plus importants bénéficiaires de l’aide de la Chine sur le continent, Xi Jinping l’a choisi comme porte d’entrée de son premier voyage en Afrique de l’Ouest. Cette première tournée africaine depuis sa réélection en mars (la troisième depuis son accession au pouvoir en 2013), le conduira en une semaine au Rwanda puis en Afrique du Sud où il assistera mercredi au sommet des pays émergents des BRICS (Brésil, Russie, Inde, CHine, Afrique du Sud), pour s’achever à Maurice vendredi et samedi. Symbole d’émergence dans la région, selon Xi Jinping, le Sénégal est suffisamment stable pour servir d’appui ouest-africain au développement des « Nouvelles routes de la soie » lancées par Pékin en. Les autorités chinoises espèrent élargir l’ouverture du marché africain afin d’y vendre ses compétences en construction comme y exploiter avec moins d’entraves les ressources continentales.
Cette volonté s’est affirmée durant ce week-end à Dakar par la signature de dix accords bilatéraux non détaillés, portant sur les infrastructures, la justice, l’aviation civile et très probablement l’énergie, le Sénégal ayant découvert récemment d’importants gisements pétroliers et gaziers au large de ses côtes. Pour Macky Sall, la venue de son homologue a été l’occasion de célébrer le modèle chinois et son leader, auquel il a remis la grande croix de l’Ordre national du lion du Sénégal, la plus haute distinction du pays. « Votre réélection en marche montre le leadership clairvoyant et dynamique qui conduit la Chine à pas de géant vers plus de prospérité, tout en restant ancré dans ses valeurs traditionnelles », a déclaré le président sénégalais.
Les éloges n’ont pas manqué pour le peuple chinois, « connu pour ses qualités de résilience aux épreuves et d’ardeur au travail, dans la discipline, la rigueur et la créativité. Son parcours est un message d’espoir pour dire que le sous-développement n’est pas une fatalité mais que la bataille pour le progrès se gagne par un état d’esprit combatif. »
Des lutteurs traditionnels sénégalais font une démonstration pour l’ouverture de l’Arène nationale de lutte de Dakar, le 22 juillet 2018. / Stringer . / REUTERS
C’est dans ce même état d’esprit combatif que les deux leaders amis, qui se sont rencontrés huit fois en cinq ans, ont inauguré dimanche une arène de lutte sénégalaise de 20 000 places construite par Pékin en banlieue de Dakar. Xi Jinping a remis à Macky Sall la symbolique clé dorée. « A chaque voyage, je mesure le grand dynamisme de ce continent, a-t-il déclaré. Il recèle un énorme potentiel de développement et est promis à un avenir radieux. Le développement de la Chine va apporter plus d’opportunités à l’Afrique et le développement de l’Afrique insufflera une nouvelle vitalité au développement de la Chine (…). Comme chanté dans l’hymne national du Sénégal, “Epaule contre épaule, mes plus que frères”, nous sommes prêts à travailler épaule contre épaule avec le peuple sénégalais. » L’hymne écrit par Senghor, poète et premier président du Sénégal indépendant rappelle quelques lignes plus bas : « Le Bantou est un frère, et l’Arabe et le Blanc. » Il faudrait désormais y ajouter le Chinois.