A Johannesburg, les BRICS se cherchent un nouveau souffle
A Johannesburg, les BRICS se cherchent un nouveau souffle
Par Adrien Barbier (Johannesburg, correspondance)
Face à la nouvelle donne protectionniste américaine, les dirigeants chinois, russe, brésilien, indien et sud-africain tentent de faire bloc.
L’ordre international a bien changé depuis la formation, en 2009, des BRICS, le club des puissances émergentes destiné à faire contrepoids à l’Occident, qui rassemblait le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, auquel s’est adjoint l’Afrique du Sud en 2011. La Chine, devenue première puissance économique mondiale, a repris le flambeau du libre-échange. L’alliance transatlantique est plus que jamais fragilisée par les Etats-Unis de Donald Trump, en plein repli économique isolationniste. L’Union européenne s’est perdue dans les limbes du Brexit et la montée des populismes. Et pendant ce temps, les cinq, qui représente 40 % de la population mondiale, poursuivent leur rattrapage économique, passant de 11 % du PIB mondial en 2001, à 23 % en 2017, non sans quelques turbulences.
Au long de cette décennie, les BRICS ont peiné à concrétiser leur alliance, qui fédère des économies bien disparates, de la superpuissance chinoise au « nain » sud-africain en passant par l’Inde, volontiers rivale de Pékin. Mais, à l’occasion de leur 10e sommet annuel, qui se termine ce vendredi 27 juillet à Johannesburg, la nouvelle donne américaine et son protectionnisme a permis aux BRICS de faire à nouveau bloc, s’érigeant en hérauts du multilatéralisme.
Bilan plutôt mince
La Chine de Xi Jinping a tiré les premières flèches à l’ouverture du sommet : « Personne ne sortira vainqueur d’une guerre commerciale », a averti le dirigeant chinois, fustigeant « les coups que portent l’unilatéralisme et le protectionnisme au commerce multilatéral ». Plus modérée, la déclaration finale, adoptée jeudi par Xi Jinping, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, le Russe Vladimir Poutine, l’Indien Narendra Modi et le Brésilien Michel Temer, souligne « leur inquiétude concernant les effets des mesures de politique macroéconomique prises dans certaines grandes économies avancées ». Des mesures qui « peuvent causer une volatilité économique et financière dans les économies émergentes et avoir un impact sur leur perspective de croissance », peut-on y lire.
Une fois encore, les dirigeants ont plaidé pour un renforcement de leur coopération économique. « En 2017, le commerce entre les BRICS a augmenté de 30 % et nous comptons développer encore plus ce partenariat », a estimé Vladimir Poutine. « Un partenariat stratégique destiné à faire de la prochaine décennie une autre décennie dorée », a renchéri Xi Jinping, qui achevait à Johannesburg une minitournée africaine destinée à consolider l’ascension de la Chine sur le continent.
Face à ces vœux pieux, le bilan du sommet semble néanmoins plutôt mince. Deux accords dans les domaines de l’environnement et de l’aviation ont été signés. Evoqués lors des précédents sommets, des projets de traités de libre-échange, d’élargissement du club à de nouveaux membres ou de création d’une agence de notation des BRICS, n’ont pas été discutés.
« En résumé, le résultat n’est ni très excitant, ni de trop décevant, estime l’analyste et commentateur sud-africain Peter Fabricius. La déclaration finale est très longue, de plus en plus de sujets sont couverts, avec le risque de diluer leurs objectifs initiaux. »
Une avancée notable concerne la Nouvelle Banque de développement (NBD), « qui est peut-être la matérialisation la plus concrète du partenariat des BRICS », d’après le président sud-africain. Créée en 2015 pour devenir la « banque mondiale des émergents », celle-ci aura timidement octroyé 7,5 milliards de prêts fin 2018. Ce montant devrait doubler en 2019, d’après son directeur. Une branche régionale a été ouverte à Johannesburg, et une autre doit voir le jour l’année prochaine à Sao Paolo, au Brésil, avec pour objectif de s’adresser à d’autres pays en développement.
14 milliards de dollars d’investissement
« Les BRICS sont toujours aussi pertinents, voire plus, veut croire le ministre sud-africain des finances, Nhlanhla Nene. Parce que désormais ce sont nos propres ressources que nous mettons en commun et que nous investissons dans le développement de nos pays. »
Au-delà d’un symbolisme parfois maladroit – les cinq présidents, qui arboraient tous le même pin’s « BRICS », ont déposé leurs empreintes de main dans des plaques en béton pour rendre hommage à Nelson Mandela –, les discutions bilatérales ont vite repris le dessus. Jeudi après-midi, le programme multilatéral concocté par l’hôte sud-africain pour aborder le thème du sommet, « Croissance inclusive et une prospérité partagée », a dû être écourté « pour des raisons logistiques ». Les dirigeants se sont donc séparés pour poursuivre en tête-à-tête.
L’annonce la plus significative, faite la veille du sommet, consiste en 14 milliards de dollars (12 milliards d’euros) d’investissements promis par Pékin à l’Afrique du Sud. De quoi renforcer l’idée, pour leurs détracteurs, que les BRICS ne sont autre qu’un véhicule de l’influence chinoise destiné à asseoir la domination de Pékin sur le nouvel ordre mondial.